Trois hommes originaires de Wissembourg ont été condamnés ce mardi soir à Paris pour association de malfaiteurs à visée terroriste.
"Partir rejoindre l'État islamique après novembre 2015, c'est partir en pleine adhésion à ses exactions" et à "la terreur et l'effroi" qu'il a semés en France en 2015, a estimé la procureure. Alperen C. (22 ans), Mustafa S. (26 ans) et Saïd I. (32 ans), tous trois originaires de Wissembourg (Bas-Rhin) ont été condamnés ce mardi soir pour association de malfaiteurs à visée terroriste.Ils avaient tenté de partir ensemble en Syrie en mai 2016, un voyage par la route qui a tourné court car ils ont rebroussé chemin à la frontière austro-slovène, l'un d'eux n'ayant pas tous ses papiers. Alperen C a été condamné à la peine la plus lourde, 9 ans, soit un an de moins que la peine maximale de dix ans, avec une période de sûreté des deux tiers. L'homme avait déjà séjourné en Syrie en 2014 et a reconnu y avoir été entraîné au maniement des armes par un groupe jihadiste.
Mustafa S. écope de huit ans avec une peine de sûreté des deux tiers. Il avait déjà tenté de rejoindre la Syrie en décembre 2013, mais en avait été empêché in extremis par sa famille, alors qu'il allait partir avec son ami d'enfance Foued Mohamed-Aggad. Ce dernier, qui partira lui à cette occasion, sera un des kamikazes du Bataclan, à Paris, en 2015. Saïd I., est lui condamné à cinq ans d'emprisonnement, mais sans période de sûreté; lui qui n'avait jamais essayé de partir en Syrie auparavant.
Mustafa S., Alperen C. et Saïd I. auraient-il pu suivre le chemin de Fouef Mohamed-Aggad et basculer dans la violence ? Seraient-ils revenu en France commettre des attentats s'ils avait pu gagner la Syrie en 2016? La question, tout comme l'ombre de Foued Mohamed-Aggad, a monopolisé les débats. "Mon client n'est pas comptable de ce qu'a fait Foued Mohamed-Aggad", avait souligné lundi l'avocat de Mustafa S.,Martin Desrues. Les trois accusés ont fermement nié toute dangerosité, et tout projet d'attentat. Mustafa S. et Alperen C. ont reconnu qu'en 2016 ils voulaient rejoindre la Syrie "pour combattre", mais assuré avoir depuis compris qu'ils s'étaient égarés.
Interrogés à leur retour par les services de renseignement, ils avaient été laissés libres mais placés sur écoute. En septembre 2016, Mustafa S. fréquentera pendant quelques mois le centre de déradicalisation de Pontourny (Indre-et-Loire), qui fermera l'été suivant faute de résultats probants, et considéré comme un fiasco. Les trois hommes ne seront interpellés que début 2017, notamment après des écoutes téléphoniques qui aux yeux des enquêteurs confirment leur radicalisation.
Leurs avocats avaient souligné lundi l'absence d'éléments matériels prouvant leur volonté de passage à l'acte violent, et que si telle était leur intention, ils auraient eu tout le temps de le faire - plus de huit mois - entre leur départ avorté pour la Syrie et leur arrestation. Ils avaient également pointé la "faiblesse" des éléments invoqués pour justifier leurs arrestations. Parmi ceux cités à l'audience figure par exemple un SMS d'Alperen C. à sa petite amie en novembre 2016, où il dit "demander à Allah de mourir en martyr". Interrogé par le tribunal, Alperen C. répondra que dans le langage islamique, cela ne signifie pas nécessairement la mort au combat.
Dix membres de la filière jihadiste d'Alsace étaient partis en Syrie à la fin 2013, dont Foued Mohamed-Aggad. Deux autres sont morts en Syrie peu après leur arrivée. Les sept autres, rentrés en France en 2014, ont été arrêtés à leur retour et condamnés à de lourdes peines. Parmi eux, Karim Mohamed-Aggad, le frère du kamikaze, a vu en mai 2017 sa peine de neuf ans de prison confirmée en appel