Depuis le 17 mars et le début du confinement, les bouchers charcutiers traiteurs du Grand Est ont dû s’adapter. D’un côté, ceux qui luttent pour faire face à une clientèle en chute libre. De l’autre, ceux qui enregistrent une hausse de 120 % de leur chiffre d’affaire.
Devant cette boucherie, située dans le quartier Artem de Nancy, la file d’attente est longue en ce samedi matin. Seuls deux clients sont autorisés à rentrer dans le magasin, mesures barrières obligent. Alors la file d’attente grossit à l’extérieure de l’enseigne, chacun attendant patiemment son tour, à un mètre d’intervalle pour faire ses courses. Ou pour acheter l’agneau pascal, ou tout simplement de quoi faire un barbecue en ce week-end pascal quasi estival.
Depuis 4 semaines, on n’arrête pas avec mon commis. On commence à 5 heures et on rentre à la maison à 20h.
- Philippe Grandjean, boucher charcutier traiteur
15% de nouveaux clients
Contacté par téléphone, Christian Nosal, président de la Fédération des bouchers charcutiers traiteurs du Grand Est confirme. Certains ont vu leur chiffre d’affaire doubler. Ils seraient 10 % dans la profession à être victime de leur succès, depuis le début du confinement. La situation géographique de l’enseigne y est pour beaucoup.« Dans certains secteurs, il y a des boucheries qui cartonnent. Il y a une densité très forte autour de leur pôle d’activité, et les bouchers se retrouvent complètement débordés. Problème : tiendront-ils jusqu’au bout ? Quand vous travaillez plus de 13 heures par jour, je peux vous dire, que vous êtes sur les rotules ! »A Cattenom, il y a une boucherie qui est à 120 % de son chiffre d’affaire habituel !
- Christian Nosal, président de la Fédération des bouchers charcutiers traiteurs du Grand Est
Limiter la casse
Mais sur les 900 bouchers du Grand Est, tous ne sont pas dans cette situation. Les trois-quarts ont perdu entre 40 et 60 % de leur chiffre d’affaire face à une clientèle en chute libre.Le chômage partiel concerne 20 à 25 % des salariés des boucheries selon Christian Nosal. Avec des professionnels qui ont dû s’adapter. Et aménager leurs horaires, en fermant leur magasin l’après-midi pour proposer des livraisons à domicile.Il y en a qui ont aménagé leurs horaires, n’ouvrant que le matin puisque les après-midis, les rues étaient vides, et donc les bouchers aussi. Maintenir des équipes pour un ou deux clients, c’est compliqué, ça coûte cher.
- Christian Nosal
« Beaucoup comme moi, ont décidé de mettre en place des livraisons gratuites à domicile, pour les clients et non clients, pour les gens qui ont des difficultés à se déplacer pour faire leurs courses. Il m’arrive même de livrer de la farine pour certains clients. C’est une question de solidarité !"
« Le fait d’avoir mis en place ces livraisons permet aussi de limiter le choc, de récupérer un peu de chiffre d’affaire pour que la casse ne soit pas trop importante. Nous, on va peut-être arriver à couvrir les charges, mais imaginez les coiffeurs qui n’ont aucune rentrée d’argent ! »
Et après ?
Fidéliser les nouveaux clients, maintenir les livraisons : de nouveaux challenges à poursuivre pour les bouchers. Mais pas que.« J’espère aussi que les propriétaires de pas de porte auront l’intelligence de réfléchir aux prix des loyers pour les bouchers qui seraient en difficulté. Il vaut mieux faire un effort en période de crise avec son locataire, plutôt que de se retrouver avec des locaux vacants ! C’est compliqué car ce sont des privés. Il faut bien comprendre que s’ils ne font pas d’efforts, ce sera dramatique ! »La solidarité doit être globale. J’espère que les banques suivront les bouchers en difficulté. Pour l’instant, elles sont très à l’écoute de la profession.
- Christian Nosal, boucher charcutier traiteur à Thionville (Moselle)
Si demain, il y en a qui tombent, il ne faudra pas se plaindre qu’il n’y ait plus de commerces de proximité dans les villages, les bourgades ou dans certains quartiers de centre ville. Il faut penser à une solidarité globale. C’est un juste équilibre à avoir.