Mort de Robert Badinter : l'affaire Buffet-Bontems à Troyes, son premier combat contre la peine de mort

Le procès devant la cour d'assises de l'Aube de Claude Buffet et Roger Bontems sera pour le futur garde des Sceaux un déclic. Alors âgé de 44 ans, Robert Badinter juge inacceptable et inhumaine la condamnation à mort de son client, guillotiné le 28 novembre 1972 à Paris.

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C'est sans doute à Troyes que Robert Badinter a vu naître sa vocation : celle d'un infatigable opposant à la peine de mort. Devant les assises de l'Aube, en juin 1972, l'avocat n'est pas parvenu à éviter à son client, Roger Bontems, la peine capitale. Cinq mois après le procès, il est présent dans la cour de la prison de la Santé à Paris, lorsque Bontems et son co-accusé, Claude Buffet, sont guillotinés à sept minutes d'intervalle.

Je me suis juré, en quittant la cour de la Santé ce matin-là à l'aube, que toute ma vie je combattrais la peine de mort.

Robert Badinter

C'est la dernière exécution qui a lieu à Paris. Car en sortant de la prison ce 28 novembre 1972, Robert Badinter en est convaincu : la peine capitale n'a pas sa place dans un pays moderne et civilisé. "Je me suis juré, en quittant la cour de la Santé ce matin-là à l'aube, que toute ma vie je combattrais la peine de mort", expliquera-t-il des années plus tard.

Les faits qui ont conduit Roger Bontems à l'échafaud remontent à 1971 et se sont déroulés dans une autre prison, celle de Clairvaux, dans l'Aube. Bontems y purge une peine de 20 ans de réclusion pour avoir violemment agressé un chauffeur de taxi et tenté de s'évader. Claude Buffet a lui été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour le meurtre d'une femme en 1967. Roger Bontems et Claude Buffet partagent la même cellule.

Prise d'otages à Clairvaux

Le 21 septembre 1971, Bontems et Buffet se font transférer à l'infirmerie de la prison, prétextant des douleurs abdominales. À l'aide de couteaux, ils prennent en otage trois personnes : un gardien, une infirmière et un détenu infirmier. Ce dernier est rapidement relâché, mais les deux autres otages resteront de nombreuses heures sous la menace des deux détenus, qui veulent négocier leur évasion. Le lendemain, à 3h45, l'assaut est donné : les deux otages sont retrouvés la gorge tranchée, agonisant. L'infirmière, âgée de 35 ans, était mère de deux enfants. Le gardien avait 25 ans. Roger Bontems et Claude Buffet sont interpellés.

Le double homicide crée une émotion considérable dans le pays. Robert Badinter, alors peu connu du grand public, devient l'avocat de Roger Bontems. Son axe de défense est plutôt simple : durant l'instruction et le procès, témoignages et indices démontrent que seul Claude Buffet a tué les otages. Mais le jury ne l'entend pas de cette oreille et, après seulement trois jours de procès, décide de condamner à mort les deux accusés, Buffet pour assassinat et Bontems pour complicité d'assassinat.

Roger Bontems se pourvoit en cassation. Sans succès. Il ne reste alors qu'une voie de recours aux avocats du condamné à mort : la grâce présidentielle. D'autant que le président Georges Pompidou a déjà accordé plusieurs grâces par le passé. Mais pas cette fois. Le 27 novembre 1972, les avocats sont informés par un coup de téléphone de l'Élysée que Georges Pompidou refuse de gracier Bontems. Les deux hommes seront guillotinés le lendemain matin à 5h13 et 5h20. Sous les yeux de Robert Badinter.

Souvent, au réveil, à l'aube, je recherchais obsessionnellement ce qui faisait que nous avions échoué. Ils (les jurés, ndlr) ont reconnu qu'il n'avait pas tué : pourquoi est-ce qu'on l'a condamné à mort ?

Robert Badinter

France Culture

La condamnation à mort de Roger Bontems va hanter Robert Badinter pendant des années. Ce sera même le thème majeur de son livre L'Exécution, dans lequel il écrit sa colère et sa révolte. Il s'en expliquera des années plus tard dans une série d'entretiens pour l'émission Mémorables sur France Culture. "Souvent, au réveil, à l'aube, je recherchais obsessionnellement ce qui faisait que nous avions échoué. Ils (les jurés, ndlr) ont reconnu qu'il n'avait pas tué : pourquoi est-ce qu'on l'a condamné à mort ?" Robert Badinter a découvert une cause à défendre. Elle va devenir la cause de sa vie.

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