Sciences-Po : "il ne nous restait que notre corps pour lutter", une étudiante explique sa grève de la faim

Trois étudiants pro-Gaza du campus de Sciences-Po Reims sont en grève de la faim depuis sept jours. Ils réclament l'ouverture d'une enquête sur les partenariats entre leur établissement et les universités israéliennes. L'une d'elle témoigne pour France 3 Champagne-Ardenne.

Quand elle décroche le téléphone, la jeune étudiante a la voix frêle m'annonce tout de suite la couleur : "je veux bien vous parler, mais je souhaite rester anonyme." Elle a 19 ans, elle est en première année à Sciences-Po Reims et depuis le jeudi 2 mai 2024, elle est en grève de la faim. 

France 3 Champagne-Ardenne : pourquoi avoir entamé une grève de la faim?

Depuis des mois, avec les étudiants mobilisés pour Gaza, nous réclamons l'ouverture d'une enquête sur les partenariats entre Sciences-Po et les universités israéliennes qui sont impliquées de près ou de loin au génocide à Gaza. Nous avons lancé plusieurs pétitions, des campagnes d'information par mail, nous avons organisé des sit-ins, des rassemblements pacifiques, nous avons sollicité des réunions avec l'administration, pour que la direction de Sciences-Po prenne ses responsabilités face au massacre des palestiniens.

Avec mes camarades, nous avions l'impression d'avoir utilisé tous les moyens de lutte, il ne nous restait plus que notre corps. On a vraiment la sensation de ne pas être écoutés, même méprisés par la Direction de Sciences-Po, qui refuse le dialogue. Il fallait changer de méthode.

France 3 Champagne-Ardenne : vous ne vous alimentez plus depuis sept jours, avec deux autres camarades du campus de Reims. Deux étudiants à Paris sont aussi en grève de la faim. Comment vous sentez-vous?

Je me sens fatiguée. J'ai déjà perdu plusieurs kilogrammes et mes fonctions cognitives ne sont pas au top. J'ai du mal à me concentrer, à lire un livre par exemple. Je ne souffre plus vraiment de la faim heureusement, mais on a tellement l'habitude de manger que c'est dur de sauter les repas. Je me repose beaucoup, je dors.

C'est pareil pour mes autres camarades. Au départ, nous étions quatre grévistes de la faim. Trois filles et un garçon. Mais au bout de 48h, après plusieurs malaises, l'une d'entre nous a dû arrêter. 

Nous sommes suivis par un médecin généraliste, que nous avons nous-même sollicité, n'ayant pas pu accéder au pôle santé du campus. Il nous a enjoint de stopper notre grève, nous expliquant les risques que l'on prenait pour notre santé, mais nos constantes étaient bonnes. Notre tension est acceptable.

Tant que nos corps nous le permettent, nous continuerons. D'autant plus qu'on se sent soutenu par le collectif. C'est primordial, cela nous donne la force de poursuivre notre combat. Mais j'écouterai mon corps, je ne suis pas inconsciente. 

France 3 Champagne-Ardenne : certaines voix s'élèvent contre vos méthodes radicales, comme les blocages. Vous le comprenez?

On peut ne pas être d'accord sur la forme, bien sûr. Si la Direction avait accepté le débat, on n'en serait pas là. Il n'y aurait pas eu de blocages. Notre but n'est pas d'empêcher les étudiants de travailler ou de passer leurs examens. Mais quand l'administration décide de manière unilatérale de délocaliser les examens et envoie la police, armée jusqu'aux dents et avec les chiens pour surveiller les épreuves, forcément l'ambiance est tendue. L'immense majorité des étudiants et des professeurs se dit préoccupés par la situation à Gaza. Le fait que la Direction s'obstine à ne pas vouloir remettre en cause ses partenariats avec l'état d'Israël, nous oblige à adopter ce genre de méthodes radicales. 

France 3 Champagne-Ardenne : pour l'instant, la direction de Sciences-Po reste mutique. Qu'en pensez-vous?

Cela ne fait qu'exacerber ma détermination. La Direction tente par tous les moyens de nous intimider et de nous infantiliser, c'est insupportable. La Direction a voulu prévenir nos parents de notre grève de la faim. Mais nous sommes majeurs, si nous ne voulons pas mettre nos parents au courant, c'est notre choix. 

La Direction se montre très hypocrite. D'un côté, l'institution prétend enseigner la libre-pensée mais elle la réprime, dès lors que l'on n'est pas d'accord avec la pensée dominante. 

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