En mettant le nez dehors, le constat est sans équivoque : depuis quelques jours, il pleut en Champagne- Ardenne. Mais par à-coups! Cela peut-il permettre aux nappes phréatiques de se regonfler, dans un contexte de sécheresse hivernale grandissant? Un hydrogéologue et un conseil-météo nous répondent.
Si vous avez eu du mal à fermer l'œil la nuit dernière, peut-être était-ce à cause de l'orage d'hier soir. Il a plu quelques gouttes ces derniers jours, mais cela est-il suffisant pour remplir les nappes phréatiques? Boris Javaux, hydrogéologue au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) de Reims dresse le bilan de la trêve hivernale et de la recharge en eau souterraine, ce 9 mars 2023.
Pour lui, une demi-heure d'orage intense ne permet pas une bonne infiltration de l'eau dans les sols. Et si l'on prend du recul sur ces derniers mois, les résultats ne sont pas bons. "Sur trois mois potentiels de recharge en eau, on n'a eu qu'un mois." De ses yeux d'expert, il observe les données sur le niveau des nappes phréatiques en Champagne-Ardenne. "On est bien en dessous de la moyenne", constate-t-il. "La recharge n'a même pas atteint la moitié du niveau qu'elle devrait avoir en mars." Et pour cause, il n'a pas assez plu ces derniers mois.
"Le mois de février a été le plus sec jamais relevé depuis 1959 en France", explique Benjamin Viard, conseil météo à Météo France. Il relève de très faibles précipitations en Champagne-Ardenne avec moins de 5 mm par jour de mi-janvier à fin-février.
"Le mois de février a été le plus sec jamais relevé depuis 1959 en France"
Benjamin Viard
"Le niveau d'eau des nappes phréatiques est actuellement en dessous de celui de 2019 à la même période, qui est le niveau le plus bas sur les cinq dernières années. C'est simple : la carte est rouge et orange partout en Champagne-Ardenne."
L'hydrogéologue n'est guère optimiste. S'il ne pleut pas davantage en mars, "les mois à venir vont être difficile. Il ne faudra pas être surpris à ce que des arrêtés de restriction d'eau tombent dès avril (mois à partir duquel le remplissage des nappes phréatiques cesse naturellement, en raison des douces températures de saison, NDLR)".
Déficit d'eau de 14% sur l'année en cours
Les agriculteurs ressentent déjà cette sécheresse. "On a une fin d'hiver très sèche. Ça devient de plus en plus inquiétant", explique Denis Poncelet, agriculteur de presque 300 hectares et maire du Thillois (Marne). "Alors dès qu'on a deux ou trois gouttes, on est content", relativise celui qui ne peut pas irriguer à proximité de sa commune pour des questions de normes. "Ceux qui irriguent peuvent faire 60 tonnes de betteraves. Pour nous, s'il ne pleut pas, on ne peut en faire que 25." Mais si les nappes phréatiques sont vides, difficile d'irriguer. Tous les agriculteurs vont se retrouver dans le même panier.
Benjamin Viard de Météo France, relativise la situation. Il relève, en Champagne-Ardenne, un déficit d'eau de 14% sur l'année hydrologique (qui a démarré en septembre 2022). Il ne considère pas que nous vivons une "sécheresse hivernale". "Il y a eu des années où on a relevé 25% ou 30% de déficit d'eau. La précipitation est un paramètre qui peut changer."
Et justement, la météo s'annonce assez pluvieuse dans les prochains jours. Une pluie aux allures de rayons de soleil pour les nappes phréatiques et pour nous tous.
(Avec Prunelle Menu).