Le biker Jean-Claude Passetemps vit une année compliquée. Sagement confiné dans son village meusien de Mécrin, il soigne un cancer, vend ses disques vinyles sur internet et attend désespérément une livraison de motos et de pick-up des USA. Mais le bonhomme est tatoué à l'optimisme.
La figure de Mécrin (Meuse) prend son mal en patience. Le biker emblématique Jean-Claude Passetemps, créateur et organisateur du fameux "Swap Meet" qui rassemble chaque année des milliers de motards européens et transforme son village en un petit "Woodstock mécanique", a dû annuler la 23e édition. Contraint et forcé. Tant pis.
Début mai, ça le faisait pas! On devrait reporter à 2021.
- "JC" Passetemps, fataliste
Jusque-là, ce rendez-vous n'avait jamais été annulé. Bien ancrées chaque premier week-end de mai, les 22 éditions ont été l'occasion de réunir "au pire 2000 personnes, au mieux près de 5000". "C'est surtout du lien, de la fête et des échanges pour des passionnés. J'ai même eu un message d'un biker du Nord, un mordu de la première heure, il était vraiment démoralisé par l'annulation, je lui ai promis de faire un petit "Swap meet" rien que pour lui quand tout ça sera fini !" confie JC.
La communication avait démarré, l'affiche de cette édition 2020 avait été imprimée à 500 exemplaires. Mais aux dernières nouvelles, après l'annonce présidentielle du 13 avril, un mince espoir de report de date subsiste :
On pense au week-end du 11 et 12 juillet si on obtient l'autorisation.
"Vu la taille de notre événement et le côté ventilé, à l'air libre, on peut peut-être y croire... On verra. " Si cette édition a bien lieu, elle sera précédée par un concert du groupe américain Psycho-Devilles (rockabilly) en tournée européenne le vendredi 10 juillet à Mécrin. Mais si c'est effectivement annulé, "ça ne sera pas la fin du monde".
Le club de fidèles en sommeil
Créateur d'un club local de motards en 1997, "JC" et une quinzaine de potes ont rejoint la grande famille des Boozefighters Motorcycle Club (BFMC) en devenant en 2009 une antenne régionale, autrement dit un "chapitre". Ce club né en Californie en 1946 compte aujourd'hui des dizaines de chapitres dans le monde entier et des milliers d'adhérents. Le club de Mécrin s'appelle le "Boozefighters mc North East 176 Mecrin". JC anime le club et s'en nourrit pour assouvir sa dévorante "passion bécanes".On est en sommeil pour la première fois. Mais on reste en contact en s'appelant tous les jours.
Avant le confinement, c'était des virées en France et en Europe tous les week-end ou presque, un concert par mois sur place en moyenne. Une vie associative de club moto assez rythmée. Avec un crédo: rouler ensemble en moto et boire un canon. Aujourd'hui, rien de tout ça: " En juin, on devait aller en Lituanie pour un gros truc, aux États Unis tout est annulé, ça fait un mois et demi que j'ai vu personne !"
Confiné mais très actif
Dans sa maison qui est l'ancienne école du village totalement relookée, réaménagée et rebaptisée "School Bar Atelier", "JC" est un confiné très sage qui n'a pas le temps de s'ennuyer: levé tôt tous les matins, il passe une bonne partie de son temps à ranger: trier, jeter, garder.Entre la petite dizaine de motos -toutes des modèles uniques-, les centaines de pièces détachées et les milliers de disques vinyles qu'il collectionne et vend, pas un instant pour souffler. Le chantier semble infini mais JC s'y retrouve toujours.
L'univers de Jean Claude en vidéo :
Tous les jours sur ma page Facebook, je prends une heure pour présenter un disque, une rareté. Et on discute avec les internautes et les clients à propos d'une pochette ou d'une anecdote liée au groupe ou à l'artiste.
Depuis deux ans, Jean-Claude et son fils Clovis vendent des disques vinyles collectors à Nancy dans la Galerie 31, une brocante urbaine collective. La vente de disques en direct est sa principale source de revenus. Une activité quasi à l'arrêt aujourd'hui, remplacée tant bien que mal par les commandes sur internet.
Le biker au grand coeur partage son confinement dans sa grande maison atypique avec sa compagne Cynthia et ses deux fils Clovis (24 ans) et Odin (20 ans). Une famille très respectueuse des consignes sanitaires.
À la campagne, les mesures ne sont pas forcément respectées, surtout par les jeunes, mais les miens ne sortent pas et m'accompagnent dans ma maladie, ça tombe bien, j'en ai besoin!
Cancer du sein
Intrigué par une boule située à la poitrine en octobre dernier, "JC" consulte et passe une mammographie à son retour des USA. Il apprend par son médecin qu'il est atteint d'un cancer du sein. Au programme : six mois de chimiothérapie à partir de décembre, une opération cet été suivie de 25 jours de rayons. Jean-Claude en parle sans se cacher, naturellement :
J'ai la chance de bien encaisser tous ces traitements, pas de douleurs ni de nausées, alors je vis ça sereinement.
Jean-Claude Passetemps est un être unique, même face à la maladie: seuls 1% des cas de cancers du sein sont contractés par des hommes. Alors tous les mardis, depuis décembre, il fait l'aller-retour à l'ICL ( Institut de cancérologie de Lorraine- Alexis Vautrin) de Nancy Brabois pour ses séances de chimiothérapie. Son état de santé a conduit les médecins à le dépister covid19: le résultat a été négatif.
Ça va, mais le covid19 me fait flipper. Je suis devenu une personne vulnérable.
Super protégé, très bien suivi et pris en charge par son oncologue lors des séances, le biker redouble de vigilance dans sa vie quotidienne. L'isolement est une obligation. À part sa famille, seul un infirmier le voit trois fois par jour. Oubliées les visites à sa maman âgée de 94 ans, finis les potes. Le casque, le cuir et les bottes ont laissé place au masque et aux gants chirurgicaux. Accoutrement surprenant mais plus qu'obligatoire. Vital.
En manque de voyages
Habituellement en perpétuel mouvement, "JC" avoue que les déplacements quasi hebdomadaires en France et en Europe lui manquent cruellement. Depuis vingt-cinq ans, il voyage partout, tout le temps. Pour le boulot (les disques et les motos), pour le club et pour le fun. Ce week end je devais être à Utrecht (Pays-Bas) pour une convention, début avril j'ai dû annuler la bourse de pièces moto de Mannheim (Allemagne).
Son rêve actuel: prendre le volant de son camion pour rejoindre de vieux amis motards, quelque part, loin d'ici. Passer du bon temps avec les gens. La maladie et la crise sanitaire, il les traverse -avec une bonhommie apparente- comme une coupure sociale très pesante, une réclusion.
Cadeau de Noël... en avril
En octobre 2019, "JC" est parti aux États Unis pour y retrouver des amis et faire des achats. Résulat: un pick up, une moto et une palette de disques rares. Le tout a voyagé jusque-là sans encombre dans un container par bateau de New York vers le port du Havre. Mais, mais, mais...
Si tout va bien, un transporteur m'apporte tout ça la semaine prochaine! Ce sera Noël fin avril!