La production d’acier est-elle compatible avec l’épidémie? Dans la vallée de la Fensch, la production de tôles pour l’automobile et l’emballage ne s’est arrêtée que quelques jours pour mettre en place des mesures qui excluait jusqu’à récemment le port du masque.
"La direction ne fait que suivre à la lettre les directives gouvernementales et leurs contradictions permanentes".
Lionel Kozinski, élu CGT au Conseil Economique et Social (CSE) d’ArcelorMittal Florange, enrage à son bureau, dans des locaux syndicaux désertés par les autres organisations syndicales. "Cela fait des semaines qu’on demande à ce que tous les salariés dans l’usine portent des masques, c’est la meilleure protection individuelle et collective, mais les seuls qui en ont ce sont ceux qui ont réussi à s’en procurer à l‘extérieur !"
Du protocole à la réalité
Le respect des consignes de la direction paraît difficile à mettre en œuvre sur le terrain. Les sidérurgistes à feux continus, ceux qui font les postes, prennent immédiatement la place de ceux qui les ont précédés… Comment mettre en place toutes les huit heures une désinfection des cabines des pontiers, des vestiaires, des postes de commandes? "La direction a mis en place un protocole, mais sans masques, c’était ridicule" commente Lionel Kozinski, technicien de maintenance au train à chaud, "comment faire un dépannage à plusieurs sans risquer de se contaminer ?"Même son de cloche à la CFDT (majoritaire): "le problème c'est que l'Etat n'impose pas le port du masque dans l'entreprise, donc on est pris au dépourvu. Nous, on voudrait que dans la mesure du possible, si l'entreprise dispose de masques, chaque salarié puisse en recevoir deux par jour" résume Jérôme Baron, élu CFDT au CSE de Florange, "mais on n'est pas dupe, on est 7.000 salariés d'ArcelorMittal France, si chacun reçoit deux masques par jour, ça va vite chiffrer!"
Masques alternatifs
L’exemple British Steel
Au sein de l’usine à rails d’Hayange, ambiance toute autre. "Le risque zéro n’existe pas, et les salariés restent inquiets face au virus. Nous, syndicalement, on aurait préféré arrêter complètement la production, le temps que le Covid-19 disparaisse. Mais on reconnaît que la direction a pris des mesures à la hauteur des enjeux: ils ont acheté pour 200.000 euros de masques !" explique Djamal Hamdani, membre CFDT du conseil d’administration British Steel Hayange.D’abord de son propre chef, et ensuite en coordination avec les représentants du personnel, la direction du site a mis le paquet pour protéger ses salariés: désinfection des postes de travail entre chaque prise de poste, idem pour les vestiaires, les toilettes, gel hydroalcoolique à disposition, masques également… Tout pour faire face, et renflouer la trésorerie, mise à mal par plusieurs semaines d’arrêt.
"Notre carnet de commandes est plein, mais on est en retard forcément, on a repris sur un poste la semaine dernière, sur deux cette semaine, et on va monter en cadence", résume Djamal Hamdani.