Covid-19 et écoles : 52 classes fermées dans l'Académie de Reims, "depuis 15 jours, on sent la colère monter"

Avec 52 classes fermées dans l'Académie de Reims, le 26 mars, contre aucune quinze jours plus tôt, et avec une dégradation des conditions sanitaires, la question d'une fermeture des écoles se fait de plus en plus pressante. Les professeurs veulent enseigner mais les parents sont très inquiets.

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Le 12 mars 2021, dans l'Académie de Reims, aucune classe n'était fermée. Une semaine plus tard, on en comptait 28. Le 26 mars dernier, le Rectorat annonçait la fermeture de 52 classes, dont 23 dans le département de la Marne, 17 dans les Ardennes, 2 en Haute-Marne et enfin 10 dans l'Aube, avec pour ce département la fermeture de 3 écoles. Des chiffres qui ne battent pas encore des records (69 classes étaient fermées ainsi que 6 structures au 12 février) mais qui inquiètent alors que le taux d'incidence vient de franchir la barre des 500 dans l'Aube. Au 26 mars, 454 élèves étaient positifs ainsi que 41 personnels de l'Education Nationale. 

Ce lundi 29 mars, le maire de Troyes François baroin s'est d'ailleurs entretenu sur le sujet avec le préfet de l'Aube et le directeur académique de l'Aube, Frédéric Bablon. L'adjointe au maire en charge de l'éducation, et Laurent Godart, du syndicat SG DSDEN de l’Aube, étaient aussi présents. "En raison de la situation sanitaire dans notre département et de la tension dans les services du centre hospitalier de Troyes, la question de l'ouverture des établissements scolaires est au cœur des récents échanges afin de renforcer la lutte contre la pandémie. La circulation importante du virus et de ses variants impose de prendre toutes les mesures et la question de l’ouverture des établissements scolaires et des services périscolaires sont essentielles mais ne doivent être ni un totem ni un tabou", affirme la Ville de Troyes

"Il faut continuer à enseigner"

Ce qui est certain, c'est que le nombre des fermetures de classes va très vite augmenter. En effet, si jusqu'à présent la fermeture intervenait à partir de trois cas positifs, dans une même classe, depuis ce lundi 29 mars 2021, en vertu du protocole renforcé, dès qu'un enfant se révèle atteint par la Covid 19, sa classe est fermée. La mise en place de tests de dépistage salivaires dans les écoles maternelles et élémentaires va par ailleurs accélérer cette tendance.

Fermetures de classes en Champagne-Ardenne
Infogram

 

Francis Gamon enseigne les mathématiques au lycée Edouard Herriot, à Troyes. Il est secrétaire départemental du syndicat FSU, dans l'Aube. Pour lui, il faut vacciner en priorité dans l'éducation les personnels vulnérables et ceux qui travaillent en maternelle où les petits n'ont pas forcément de masque. Mais il considère que ce n'est pas l'école qui est responsable de la hausse des contaminations, car "pendant les vacances de février, l'épidémie a progressé. Ce n'est donc pas l'école qui est en cause".

"On est attaché à l'éducation des enfants. Il faut continuer à enseigner. Moins l'école est présente, plus les inégalités se creusent. A la maison, on ne voit pas l'enseignant, il y a un décrochage. C'est difficile de conserver la motivation toute l'année. Notre système scolaire fonctionne en flux tendu. Quand arrive un tel problème, on n'a pas de marge de manœuvre. Si on ferme les écoles, les élèves se retrouveront à l'extérieur. Si on ne ferme que les écoles, ça va développer l'épidémie".

Depuis le mois de septembre, on demande un protocole strict, mais on est ignoré par le ministre. On apprend les chiffres par la presse. C'est inquiétant.

Yohan Odivart, co-secrétaire départemental de la FSU dans la Marne

Le protocole sanitaire en question

Pour la FCPE., la Fédération des Conseils de Parents d'élèves, Pascal Andrieux qui en est secrétaire départemental dans l'Aube, exprime son inquiétude. "Le sujet, ce sont les classes surchargées. Des professeurs ne sont pas remplacés et des classes sont supprimées. La Covid-19 n'a fait qu'empirer les choses. Les gamins sont les uns sur les autres." Pascal Andrieux  déplore que les parents n'aient pas été consultés sur le protocole sanitaire et se dit inquiet pour les acquis. "Il y avait déjà des décrocheurs, avant. La crise n'a fait que renforcer les problèmes."

Cette question du protocole sanitaire se pose également pour Yohan Odivart. Il enseigne l'histoire et la géographie, au collège Robert Schuman, à Reims. Co-secrétaire départemental du syndicat FSU dans la Marne, il considère que les protocoles changent et sont impossibles à appliquer. "Depuis le mois de septembre, on demande un protocole strict mais on est ignoré par le ministre. On apprend les chiffres par la presse. C'est inquiétant. On veut de vraies mesures, des mesures fortes, au moins la mise en place de demi-groupes pour permettre de respecter les gestes barrière, à la cantine, notamment".

Ce syndicaliste souhaiterait qu'on procède à des fermetures, préventivement, dès qu'on voit le taux de contamination monter dans un bassin de population. Il souhaiterait obtenir des règles valables, nationalement. "On n'a pas envie de voir fermer les écoles, mais je crains que ça devienne nécessaire". Pour l'enseignant, la priorité va à des règles sanitaires qui protègent tout le monde. Il indique que les élèves sont préoccupés. "Depuis février, ils sont persuadés qu'ils ne finiront pas l'année, à l'école." Il est donc compliqué de conserver la motivation, et le risque pèse sur les plus fragiles. A cela s'ajoute le stress, pour ceux qui ont un examen, comme le brevet, en fin d'année.

Il y avait des décrocheurs avant. La crise n'a fait que renforcer les problèmes.

Pascal Andrieux, Secrétaire départemental de la FCPE dans l'Aube

Des parents de plus en plus inquiets

"Depuis 15 jours, on sent la colère monter". La présidente de la PEEP de la Marne raconte qu'il ne se passe pas un jour sans qu'elle ait au moins un parent d'élève qui ne fasse part de son incompréhension. "On tire sur la ficelle, mais, est-ce-qu'il n'est pas dangereux de laisser les écoles ouvertes, et de laisser ramener le virus à la maison ? On est sur un fil tendu. Pourquoi ils ne ferment pas? Aux vacances de février, on était prêt psychologiquement".

Béatrice Lutz explique qu'on leur a dit tout et son contraire, et elle s'interroge : "Pourquoi ne pas prolonger les vacances de Pâques, d'une ou deux semaines? On sent que beaucoup ne vont pas bien. Il y a une demande de confinement. On n'a plus le choix." La présidente de la PEEP dans le département de la Marne indique qu'on a d'excellents professeurs, qui continuent, ont toujours répondu présent, et ont su s'adapter. Elle reconnaît aussi l'implication de l'Inspecteur d'Académie.

On est attaché à l'éducation des enfants. Il faut continuer à enseigner. Moins l'école est présente, plus les inégalités se creusent.

Francis Gamon, secrétaire départemental de la FSU dans l'Aube

C'est l'avenir qui se joue

"La jeunesse d'aujourd'hui, c'est notre bâton de vieillesse". Cette petite phrase, Béatrice Lutz aime la souligner. Elle indique que sa fédération a offert gratuitement aux familles "Prof express", un service de soutien scolaire en ligne, qui permet d'accompagner les élèves de 17 à 20 heures, week-ends compris. Ne voulant pas mettre les équipes en danger, la PEEP a aussi offert des masques FFP2, à ses membres pour les réunions.

"Ce qui est inquiétant, confie cette maman de trois enfants, au lycée, c'est que certains parents testés positifs au virus, mettent quand même leurs enfants à l'école. C'est une maladie qui épuise. C'est gênant pour ces parents. Ils ont peur d'être montrés du doigt, d'être traités comme des pestiférés."

En 2020, La PEEP avait ouvert une cagnotte pour permettre aux jeunes de l'enseignement supérieur, de manger. "27.400 euros ont ainsi été récoltés et redistribués sous forme de bons d'achat. Cette jeunesse est en grande souffrance, et les parents aussi", constate Béatrice Lutz. Cette parente d'élèves a d'ailleurs vérifié le désarroi des Français. "Samedi, trois personnes testées positives au coronavirus, se sont présentées, à la pharmacie,  pour demander comment faire, quel protocole appliquer."

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