Deux musées préparent leur Nuit

Ce samedi 18 mai aura lieu la 15e Nuit européenne des musées. L'occasion de se laisser surprendre par ces lieux de culture, dans une ambiance inédite. Petit avant-goût dans deux musées d'Alsace du Nord, l'un consacré à l'archéologie et l'histoire et l'autre au judaïsme alsacien. 

La Nuit des musées, c'est l'occasion de savourer - gratuitement - une visite dans une ambiance nocturne et décalée. Certains musées invitent leurs visiteurs à se promener à la lueur d'une lampe de poche, d'autres leur offrent une boisson chaude, ou encore invitent des musiciens. En Alsace du Nord, plusieurs musées ouvrent leurs portes en début - ou en milieu- de soirée, jusque tard dans la nuit. Deux exemples à Niederbronn et Bouxwiller.


A Niederbronn, entre homme de Neandertal et dieu Mercure



La Maison de l'Archéologie des Vosges du Nord, à Niederbronn-les-Bains, participe depuis des années à la Nuit des musées. Ses collections permanentes entraînent le visiteur de la préhistoire jusqu'à la Renaissance. Mais cette année, son principal atout est une exposition qui présente les plus récentes découvertes sur les tout premiers Alsaciens : Neandertal et Cro-Magnon. Eh oui, ces espèces hominidées ont également vécu sous nos latitudes. La présence de l'homme de Neandertal est attestée en Europe aux alentours de 300 000 avant Jésus-Christ. Des fouilles récentes à Mutzig dans le Bas-Rhin, ainsi qu'à Morschwiller et Wolschwiller dans le Haut-Rhin, ont révélé ses traces en Alsace aux alentours de l'an -100.000, jusqu'à sa disparition pure et simple, vers -35.000. Dès -45.000, c'est-à dire durant près de 10.000 ans, il aurait cohabité avec un autre hominidé, l'homme moderne, Sapiens sapiens, Cro-Magnon de son petit nom. "En Alsace, tous deux ont laissé des traces, mais on ne sait pas encore tout", explique Jean-Claude Gérold, référent du musée. 
 


A côté de l'exposition temporaire, les collections permanentes offrent un parcours chronologique, qui commence par l'âge de pierre, paléolithique et néolithique. "Le néolithique se caractérise par les haches de pierre, qu'on polissait sur un polissoir abrasif en grès, explique Jean-Claude Gérold. Ce type d'outils a permis de construire les premières maisons chez nous en Alsace, et ailleurs, voici 5.000 à 7.000 ans." D'une salle à l'autre, après la préhistoire, le visiteur fait un grand saut dans le temps pour arriver à l'époque romaine, qui a fait la renommée de Niederbronn. Les Romains ont vécu dans cette ville du 1er au 4e siècle. Ils y ont construit des bains et de nombreux édifices dont il reste de nombreuses traces dans le sous-sol. "A Niederbronn, dès qu'on construit une maison, des vestiges et des pans de mur sont remis au jour" précise Jean-Claude Gérold. Et sur la colline dominant la ville, où se dressent encore les ruines médiévales du château de la Wasenbourg, les Romains avaient édifié au préalable un temple dédié à Mercure. Plusieurs effigies en grès de ce dieu protecteur des voyageurs et des voleurs, trouvées près de la Wasenbourg, sont conservées au musée. Et pour finir, les dernières salles regorgent d'objets trouvés lors de fouilles dans les ruines des châteaux forts médiévaux : armes, fers à cheval, boulets de canon, fragments de poêles en faïence...    


"On entraîne nos visiteurs dans une dimension irréelle"


Précédemment, lors de l'une ou l'autre Nuit des musées, les visiteurs de la Maison archéologique des Vosges du Nord ont été équipés d'une lampe de poche. D'autres années, on les invitait sur une place du centre-ville, au milieu de ruines romaines. Cette année, la soirée sera plus sobre, avec deux visites guidées proposées à 19h30 et 21h30. Et, bien sûr, la possibilité de flâner librement dans la pénombre. Et de côtoyer, en un même soir, l'homme de Neandertal et le dieu Mercure, tout en rêvant aux premiers constructeurs de maisons alsaciennes, et aux bâtisseurs de châteaux forts. "Venez, venez en courant, sourit Jean-Claude Gérold. C'est une tout autre atmosphère. On entraîne nos visiteurs dans une dimension irréelle."


Sur les traces des juifs du Pays de Hanau à Bouxwiller



Au centre de Bouxwiller, l'ancienne synagogue abrite depuis 20 ans le musée Judéo-Alsacien. Il y a quelques décennies, le bâtiment aurait dû être démoli, pour céder la place à un parking de supermarché. Mais un natif du lieu et professeur d'urbanistique, Gilbert Weil, l'a sauvé. Il en a totalement modifié l'intérieur, en créant des étages intermédiaires, des couloirs et des salles, et a conçu et réalisé toute la muséographie. En franchissant la porte d'entrée, le visiteur se retrouve... sur une petite place de village. Au sol, des pavés, et devant lui, la façade reconstituée d'une maison alsacienne, avec ses colombages et ses volets percés d'un coeur. Devant la fausse fenêtre, une menorah, signe distinctif d'une maison juive.
 


Le visiteur est invité à une déambulation, par des couloirs et des salles, et même le long d'une "rue des juifs", avec ses maisons et ses vitrines en bois, telle qu'on en trouvait dans toutes les petites villes alsaciennes. "C'est une promenade à travers le temps et l'histoire, et toute la vie des juifs de Bouxwiller et d'Alsace du Nord", explique Raymond Lévy, guide et membre de l'association AMJAB (Amis du musée judéo-alsacien de Bouxwiller). 
Le premier espace aborde l'histoire des juifs d'Alsace, de l'an 1000 jusqu'à Napoléon. La présence juive est attestée depuis la fin du premier millénaire, "mais ils sont peut-être arrivés bien plus tôt dans la région" ajoute Raymond Lévy. 'Peut-être dès l'époque romaine." Dans une grande salle, la vie quotidienne des familles juives est évoquée par d'innombrables objets, costumes et petites reconstitutions. Religion, études, écriture, rites et coutumes, particularités vestimentaires, recettes culinaires... Une charrette à bras, pleine de poteries, rappelle qu'un ferrailleur juif du secteur, proposait en échange de la poterie de Soufflenheim et Betschdorf. Un troc apparemment apprécié des ménagères, bien plus que de la monnaie sonnante et trébuchante, que leur mari aurait rapidement dilapidée au bistrot. Cet épisode rappelle que durant des siècles, les juifs d'Alsace et d'ailleurs n'avaient pas le droit d'exercer de vrai métier, ni d'avoir pignon sur rue. "On leur accordait juste de petites occupations, pour survivre" précise Raymond Lévy : "marchand de bestiaux, de ferraille, de lunettes… rémouleur... fabricant de matelas…"
 


Une autre salle présente les différentes étapes de la vie, une autre encore les particularités architecturales des synagogues. La Seconde guerre mondiale et la Shoah sont également évoquées, ainsi que l'après-guerre, période de reconstruction et de renaissance, avec la construction de la grande synagogue de Strasbourg et le regroupement des (trop) petites communautés rurales dans les grandes villes. Le musée offre aussi régulièrement des expositions temporaires, des concerts et des conférences. 
 


Pour Raymond Lévy, ce petit musée très complet fait office de miroir inversé. Il ne se contente pas de faire découvrir la vie des juifs d'antan en Alsace du Nord. Il reflète aussi celle de tous les chrétiens. "Il montre comme on était ennemis au début, explique Raymond Lévy. Et comment, par l'histoire, on s'est peu à peu rapprochés, jusqu'à une cohabitation paisible aujourd'hui." Une belle idée résumée par le dicton inscrit à l'entrée, mot d'ordre de l'ancien comté de Hanau-Lichtenberg : "Lewe un lewe lonn" - "Vivre et laisser vivre" qui exprime parfaitement l'esprit du lieu, et ce qu'il entend transmettre


Ici, la Nuit commencera... à 22h10


Mais pour visiter ce lieu durant la Nuit des musées, ce samedi 18 mai, le public devra s'armer d'un peu de patience. Car le musée n'ouvrira ses portes qu'à... 22h10. La raison ? "C'est shabbat, le jour férié des juifs, précise Raymond Lévy. On n'a donc pas le droit de travailler jusqu'à ce qu'il fasse nuit." Mais les visiteurs persévérants auront droit à une boisson chaude. Et pourront rester aussi longtemps qu'ils le souhaitent. "On fermera quand le dernier visiteur sera parti, sourit le guide. Pour nous, l'essentiel est que les gens se sentent bien, et puissent repartir en ayant appris quelque chose."

Une quarantaine de musées alsaciens ouvriront leurs portes ce samedi 18 mai au soir, généralement à partir de 19h. Et partout, l'entrée sera libre. 
 
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