Il s'intéresse à tous les objets qui touchent à la préhistoire, et encore bien en-deça. Un collectionneur de la région mulhousienne dévoile ses trésors.
Mon univers de collectionneur, je le constitue depuis quarante ans.
La "collectionnite" de Bernard a commencé voici une quarantaine d'années, lors d'une randonnée dans les Vosges. "Il y avait un tas de cailloux, sur lequel j'ai trouvé une sorte de galet rond, en silex. En réalité, un oursin fossilisé. Je l'ai emmené parce que je le trouvais beau." Une découverte qui a transformé sa vie.
Dans un premier temps, cet ancien électricien-instrumentiste de Rhône-Poulenc s'est principalement intéressé aux minerais, et a rejoint une association de collègues animés par la même passion. Par la suite, il s'est également initié à la chimie, afin de mieux comprendre la composition de ces pierres pas comme les autres qui l'attiraient tant. Et il a suivi des stages pour apprendre à repérer les sites propices à d'éventuels gisements.
Ses quêtes ont été régulièrement couronnées de succès, puisque ses vitrines contiennent de belles trouvailles, comme ces géodes de célestine bleu pâle, qu'il a trouvées dans le Lubéron. Ou ce gros fragment de calcite miel, (une couleur brune assez surprenante pour ce minéral d'ordinaire blanc ou transparent), originaire d'une ancienne fosse des mines de potasse d'Alsace à Tagolsheim. "Quand je marche, je regarde sans cesse par terre. Et dès qu'il y a quelque chose, je le trouve" avoue-t-il.
Des minerais, Bernard est inévitablement passé aux fossiles. Il en possède également de splendides exemplaires de poissons et de coquillages. Et parmi les plus belles pièces de sa collection, certaines sont également le fruit de ses propres quêtes. Ainsi, de splendides cérhites, des coquillages de 30 à 40 centimètres de long, qu'il a trouvés en Champagne. "Dans le vignoble, il y a des sablières où on prend le sable pour stabiliser le sol. Et là, à 3 ou 4 mètres de profondeur, dans une certaine couche, on peut trouver les coquilles de ces gastéropodes qui ont vécu il y a 40 millions d'années."
Mais pour être présentable, ce genre de fossile doit d'abord être dégagé de sa gangue de sable solidifié. Un travail de longue haleine. Car il faut gratter délicatement le sable, pour faire ressortir peu à peu le fossile sans trop le fragiliser. "Et parfois, il faut le restaurer, s'il lui manque un petit bout" précise Bernard. Car un fossile n'est pas toujours retrouvé entier. Souvent, un autre morceau de fossile permet de remplacer la partie manquante. Et si l'orifice est petit, un peu de sable tamisé mélangé à de la colle de papier peint suffit à le reboucher.Quand je marche, je regarde toujours par terre. Et dès qu'il y a quelque chose, je le trouve.
Depuis des années, Bernard rencontre d'autres passionnés lors de bourses et de salons spécialisés : à Sainte-Marie-aux-Mines, bien sûr, mais également à Mulhouse, Paris, Munich et, tous les deux ans, Tucson, en Arizona. Ce sont toujours pour lui des occasions de nouvelles rencontres et de belles découvertes. Il y complète sa collection, et y revend aussi les pièces auxquelles il ne tient pas – et qu'il présente sur des supports en bois de sa propre fabrication.
C'est à Tucson qu'il se procure aussi les plus belles pièces de sa collection d'arbres pétrifiés, originaires du monde entier. Des "tranches" de troncs fossilisés, allant d'une dizaine de centimètres à près d'un mètre de diamètre. "Ces arbres sont tombés au sol, souvent après une éruption volcanique" explique-t-il. "Ils ont été rapidement recouverts de boue et d'eau. Et par l'action de minéraux, se sont peu à peu transformés en pierre." Toutes ces pièces sont très lourdes, parce que principalement constituées de quartz, et offrent souvent de belles couleurs, "qui proviennent des minéraux qu'ils contiennent. S'ils sont verts, c'est du cuivre ou du chrome. Le brun, c'est du fer, et la calcite donne diverses couleurs."
Mais ses pièces les plus émouvantes ne sont pas forcément les plus esthétiques. Ainsi, ce morceau de roche grise, en réalité un fragment fossilisé d'une tige de fougère géante, qu'il a découvert près de Wattwiller. Ou encore cet objet à l'aspect d'un gros noyau de pêche grisâtre, en réalité "une noix fossilisée d'il y a environ 20.000 ans, trouvée dans une gravière du Bas-Rhin. Aussi vieille que les mammouths."
Et à propos mammouths, Bernard est particulièrement fier de sa série d'ossements : "un fémur d'1,35mètre de long. Là, le cubitus, d'un animal jeune, et quelques fémurs plus petits, probablement de femelles"… ainsi que plusieurs humérus, une côte et un morceau de sternum. Sans compter les innombrables petits fragments d'os, qu'il revend pour quelques euros lors de salons.
Les restes de ces animaux colossaux, qui ont vécu il y a 10.000 à 100.000 ans, sont généralement découverts par hasard, lors de travaux d'excavation dans des gravières près de Darmstatt, en Allemagne, ou par des chalutiers le long de la côte hollandaise. "A la période glaciaire, l'eau était gelée, et le niveau de la mer du Nord était très bas. Les mammouths traversaient donc à sec entre la Grande Bretagne et les Pays-Bas" rappelle Bernard. "Et pour les gravières, c'était pareil. En Allemagne, il y avait des steppes – comme aujourd'hui en Sibérie. Les mammouths sont morts sur place, et bien plus tard, leurs ossements se sont retrouvés dans des trous d'eau."
Là aussi, selon l'état de l'os, Bernard fait un peu de nettoyage à la meuleuse, ou reconstitue les parties manquantes, tout en ayant grand plaisir à s'informer sur l'histoire de ces animaux et leur mode de vie.A la période glaciaire, les mammouths traversaient à sec entre la Grande-Bretagne et les Pays-Bas.
Petite fantaisie un tantinet moins préhistorique : il s'est aussi constitué une belle collection d'une centaine de balances de cuisine ("Wirtschaftswaagen") du début du 20e siècle. Et durant la belle saison, son jardin s'orne d'une remarquable collection de cactus. Mais bientôt, avec le retour des frimas, ces derniers vont devoir retourner dans la cave, pour passer l'hiver en compagnie des minerais, fossiles et bois pétrifiés.