Le week-end avant le début du confinement, Denis Leroy a décidé de rentrer à Strasbourg, où il vit, pour prendre quelques affaires et emmener compagne et enfant sur son lieu de travail : l'Ecomusée d'Ungersheim (Haut-Rhin). Tous pensaient en avoir pour quinze jours au plus, ils y sont toujours.
"Je venais tout juste de fêter ma première année à la direction de l’Écomusée " me dit Denis Leroy quand je l'appelle pour savoir comment se passe son confinement. A la tête du site depuis mars 2019, il ne se voyait pas rester dans son 60m2 strasbourgeois alors que l'Ecomusée, avec ses maisons à colombages et ses 90 ha, a besoin d'être constamment entretenu."On a fait nos valises, mais on pensait en avoir pour 15 jours (...) certains vêtements commencent à manquer", lance-t-il presque amusé. Moi je lui dis que je suis jalouse. 90 hectares, de la verdure à perte de vue, de l'eau, le calme...Un beau cadre pour un confinement.
"Comptabilité, gestion des emprunts, nourrissage des animaux, j'ai de quoi faire" et puis Denis Leroy est assez bricoleur "j'aime ça" et cela tombe bien car il y a toujours une peinture à refaire où des nids de cigognes à entretenir. Au bout de 15 jours, Jonah, lui, est finalement reparti à Strasbourg pour prêter main-forte aux employés d'un supermarché.
J'ai pas de télé donc je lis beaucoup de choses sur l'histoire du site
- Denis Leroy, directeur de l'Ecomusée
Depuis le début du confinement, Denis Leroy passe six heures par jour à arpenter le site. Il nourrit les bêtes, répare ce qui doit l'être et observe, observe beaucoup et réfléchit : "J'ai le temps de bien regarder les choses, de comprendre et de réfléchir à l'évolution de l'Ecomusée". Le site connu pour ses maisons à colombages et son ambiance de village alsacien du début du 20e siècle a encore et toujours besoin d'être repensé, amélioré.
Huile de lin sur les colombages, vérification des sous-bassements, peinture des intérieurs, Denis Leroy apprend au fil de ses petits chantiers menés avec sa compagne, architecte en télétravail. Des restaurations qui respectent, bien sûr, les matériaux et les techniques d'antan.
"Nous vivons l'Ecomusée au quotidien" et quand Denis Leroy a besoin de conseils, il peut compter sur les agriculteurs et bénévoles du site avec qui il reste en contact. Les champs, par exemple, sont entretenus par un paysan et les ruches, elles, restent sous la vigilance de l'apiculteur qui vient s'en occuper quand cela est nécessaire.
Si le cadre de vie est enviable, Denis Leroy pense évidemment beaucoup à l'après, un après dont les contours restent encore très flous. Il ne pense pas rouvrir l'Ecomusée "avant deux mois au moins". Pour faire face à la situation il a demandé un prêt garantie par l'Etat (PGE), "en fait j'ai demandé deux emprunts pour amortir et investir dans ce lieu" qu'il souhaite développer autrement. "On entend qu’il y avait un avant, qu’on est en guerre, il faut donc en tirer les leçons et se préparer à un après (...) Ce moment de vie insolite est certainement une nouvelle leçon dans mon apprentissage de la vie" confesse-t-il. Un confinement durant lequel Denis Leroy tente de se poser les bonnes questions afin qu'une fois rouvert, l'Ecomusée puisse trouver un nouveau souffle. En attendant sa plus grande hâte est de revoir les 300 bénévoles (dont 200 actifs) du site.Pour cet habitant de l’Écomusée que je suis aujourd’hui, le « retour à la normale » n’est pas souhaitable
- Denis Leroy