Mittelwihr : les amandiers sont en fleurs, une fierté locale apportée par Charlemagne qui attire de nombreux visiteurs

Rund Um. Depuis début mars, les promeneurs se pressent à Mittelwihr pour admirer les amandiers en fleurs. Ces arbres, plutôt typiques du sud de la France, sont arrivés dans le village par hasard il y a plus d'un millénaire. Un habitant, très attaché à leur histoire, se bat pour les sauver.

Le spectacle est d'autant plus beau qu'il est éphémère. Chaque année pendant une dizaine de jours, les amandiers de Mittelwihr (Haut-Rhin) s'habillent de leur robe d'un blanc rosé. Partout sur le "Mandelberg" (ou "colline des amandiers"), des taches colorées égayent le paysage. Un moment que les habitants attendent avec impatience, d'autant que ces arbres sont les premiers fruitiers à dévoiler leurs fleurs, à la fin de l'hiver.

Des randonneurs et des curieux en quête de belles photos accourent également, surpris d'apprendre la légende qui entoure ces amandiers. Charlemagne, de passage pour une nuit sur la colline, y aurait oublié un sac d'amandes. Les paysans auraient alors enterré les fruits. Et voilà que des amandiers sauvages seraient apparus à Mittelwihr.

"Il y a du monde en permanence, je pourrais jouer le guide toute la journée", sourit Jean-Jacques Mauler, dont la maison est située sur la colline. C'est lui qui a commencé à replanter des arbres au début des années 1970, alors qu'il n'en restait quasi plus : "Il y en avait partout ici, mais lors de la Seconde Guerre mondiale, la plupart ont été touchés par des éclats d’obus et sont morts. C’est pour ça que je me suis mis à en cultiver".

Jean-Jacques Mauler, le gardien des amandiers de Mittelwihr

À 87 ans, il continue à faire pousser de petits amandiers dans son jardin, avant de les planter sur la colline deux ans plus tard environ, lorsqu'ils ont suffisamment grandi. Une passion qui l'occupe une grande partie de l'année. Peu avant les vendanges, il gaule les amandes, puis les ramasse. Il passe ensuite ses soirées d'hiver à les craquer. 

"Elles sont délicieuses, assure sa femme Liesel. Je fais plein de choses avec : de la tarte aux amandes, des gâteaux, des Kugelhopf... Tous les samedis, je prépare trois Kugelhopfs, décorés de belles amandes."

Jean-Jacques, lui, n'accorde qu'une importance relative à sa récolte. Ce qui compte pour lui, c'est de transmettre ses connaissances. Il est intarissable en la matière. "Je suis content quand des gens me réclament un amandier. Je leur montre comment il faut s'y prendre pour en cultiver. J'aimerais que certains prennent ma relève pour que ces arbres ne disparaissent pas", insiste-t-il.

Des visiteurs et touristes ont emmené certains de ses plants à l'autre bout de la France et même à l'étranger. Marie-France Siegler, elle, en a placé une dizaine en bordure de ses vignes, sur la colline des amandiers. "C'est magnifique, se réjouit-elle. Cette variété est originaire du Mandelberg, elle se sent bien ici, c'est pour ça qu'on obtient des amandes. Si j'avais planté des amandiers cherchés dans le sud de la France, ils n'auraient rien donné".

Un microclimat qui profite aux amandiers...et aux raisins

La variété apprécie le microclimat de la colline, qui bénéficie d'un ensoleillement idéal et protégée du vent du nord par les Vosges. Des conditions parfaites aussi pour le raisin. 20 hectares de vignes sont d'ailleurs classées en grand cru, le Grand Cru Mandelberg auquel le site a donné son nom. 

"Les raisins peuvent bien mûrir, explique Stève Siegler, viticulteur. Cela donne un vin très fruité, avec des arômes d'agrumes, de pamplemousse, de citron". Un avantage naturel que les vignerons veulent doubler d'un argument commercial : profiter de l'engouement suscité par les amandiers et de la proximité entre les vignes et les arbres pour attirer les touristes vers leur vin. 

Après avoir longtemps arraché les rares petits amandiers sauvages qui pointaient le bout de leur nez dans les vignes - au prétexte qu'ils étaient incompatibles avec les travaux mécaniques - les vignerons de Mittelwihr se mettent maintenant à en planter.