Seth Kintege, 18 ans, a été invité au 77ᵉ festival de Cannes en mai 2024 pour se voir remettre un prix pour son court-métrage. Le lycéen mulhousien nous raconte ce moment inoubliable de sa vie.
"Je suis encore sur mon petit nuage". Au lendemain de son retour de Cannes, c’est par téléphone que nous demandons à Seth Kitenge de nous raconter son incroyable aventure. Et on parvient presque à entendre les étoiles qu’il a encore dans les yeux. Une aventure incroyable qu’il y a trois mois encore, ce lycéen de 18 ans ne s’attendait pas du tout à vivre.
Depuis tout petit, Seth est fan de cinéma. Comme pour beaucoup, ça a démarré en famille, quand il regardait des films d’action avec son papa. À 15 ans, il tourne ses premières images avec un smartphone. À 16 ans, il travaille tout l’été - emploi jeune dans une mairie -, pour se payer sa propre caméra. La passion naît au point de choisir la spécialité « cinéma » dans ses options de terminale.
L’occasion de concrétiser ses rêves se présente en mars. Par hasard. À cause d’une vidéo qu’il voit passer sur un réseau social. C’est le comédien, réalisateur et producteur Jonathan Cohen qui invite les jeunes amoureux de cinéma à participer au concours de court-métrage Moteur! dont il est le président cette année. Nous avons retrouvé cette vidéo, à voir ci-dessous.
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Les règles du concours sont précises : réaliser un film d’1 min 30 sur une personne qui t’inspire. "C’est le thème qui m’a tout de suite parlé. J’ai immédiatement pensé à mes deux meilleurs potes qui ont chacun eu des histoires difficiles". Mais Seth hésite. Pas sûr que ce soit fait pour lui, d’être à la hauteur du concours. Finalement, par une nuit d’insomnie, l’évidence : il se rappelle avoir tourné des images avec eux dans leur jeunesse. Ce sera le point de départ de son film, repartir de ses vieilles archives.
"Quand j’ai finalement décidé de me lancer, il ne me restait qu’une semaine avant la clôture des candidatures. Une semaine pour finir le tournage, faire le montage, le mixage. Le tout en parallèle du lycée. Je n’ai pas beaucoup dormi", se souvient-il.
Trois semaines après l’envoi de sa vidéo, c’est par téléphone que la vie de Seth va être chamboulée. "Je sortais des cours. J’étais à la gare pour prendre mon train et rentrer chez moi. Coup de fil de l’équipe de Moteur! : « C’est gagné Seth. » J’avais passé une sale journée, donc sur le moment, je ne réagis pas vraiment. C’est plus tard, dans le train, que j’ai réalisé. Et d’un coup, il a fait beau dans ma tête, je me suis mis à sauter partout".
Car à la clef pour les gagnants du concours, la remise de leur prix pendant le festival de Cannes, avec la fameuse montée des marches. Sur les 508 jeunes ayant participé, Seth fait partie des 25 lauréats retenus.
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"Cela a été un séjour incroyable", s’émerveille le jeune mulhousien. Quatre jours sur la Côte d’Azur, à vivre la même vie que les stars. "On n’a pas arrêté : des interviews, des séances photo, des conférences de presse, des invitations dans tous les endroits VIP, tellement de rencontres. Tout est allé très vite. On a découvert une ambiance de dingues. On passait notre temps à se demander si n’était pas en train de rêver."
Mais le moment le plus fort, inscrit à jamais dans sa mémoire, restera la soirée de la montée des marches, pour la remise de son prix. "C’est totalement dingue. Quand on arrive, les photographes crient des noms de partout. Les flashes crépitent dans nos yeux. Certains nous disent d’avancer un peu, d’autres de s’arrêter. Regard à gauche, à droite, pour les photos. Puis, on doit à nouveau s’avancer. Et encore s’arrêter. Regard gauche, droite…. Cela a dû prendre entre 3 et 5 minutes. Mais on a l’impression que ça a duré 30 secondes."
La montée des marches, ça flashait de partout. Cela a été le grand moment de ma vie
Seth Kitenge
Juste avant, j’ai appelé ma mère. "On va monter les marches, regarde vite la retransmission sur Internet. Elle m’a envoyé plein de photos de moi prises sur l’écran de son ordinateur", sourit-il.
Le soir de leur remise des prix coïncidait avec la projection du film L’amour ouf de Gilles Lellouche. Avec un casting d’exception : François Civil, Adèle Exarchopoulos, Alain Chabat, Vincent Lacoste, Benoît Poelvoorde, Jean-Pascal Zadi, Elodie Bouchez et Raphaël Quenard. Entre autres. "En vrai, tous sont super cool. Entre leur image d’acteur et ce qu’ils sont en vrai, rien à voir : ils sont vraiment adorables, ils prennent leur temps, très abordables. Ils nous ont donné plein de conseils et d’encouragements."
Le tout jeune adulte rentre de Cannes, chargé de souvenirs, et de confiance en lui. "Avant, j’étais sceptique sur ma capacité à faire des films et des bons films. À Cannes, beaucoup de professionnels ont dit que mon film était touchant, mon montage très beau. Je n'y croyais pas au début, mais quand plusieurs personnes le disent, on finit par l’entendre. Maintenant, je sais que je suis capable de transmettre des émotions", évalue Seth, avec beaucoup de maturité pour ses 18 ans.
Depuis Cannes, je vois moins le monde du cinéma comme inatteignable. J’y ai peut-être ma place
Seth Kitenge
Les émotions, elles sont au cœur de son film, Seth et ses amis. Le récit en 1 min 29 d’une amitié entre trois adolescents confrontés chacun à des coups durs, à des blessures, mais qui parviennent à ne pas sombrer, grâce au lien qui les unit. "Je suis parti des archives que j’avais d’eux, et j’ai voulu garder ce grain à l’ancienne et le cadrage un peu décousu." Le rendu est simple, subtil, touchant. Voir le film ci-dessous.
L’aventure cannoise inattendue aura été le déclic. Seth a pris sa résolution. Il va tenter de se lancer dans le cinéma dès son bac en poche à la fin de l’année. Sans faire d’études préalables. "Je n’ai pas envie d’être Monsieur tout le monde. Alors, je ne vais faire comme tout le monde". Il a déjà trois projets de nouveaux films en cours. "À Cannes, beaucoup de gens m’ont dit « dès que tu as un projet, appelle-nous, beaucoup de producteurs nous ont pris sous leur aile. Je veux et je peux me lancer de façon autodidacte. J’ai maintenant assez de contact pour cela."
Forcément, le retour en cours, trois jours après être rentré de Cannes, va être difficile. "C’est clair que j’appréhende. Je n’ai plus du tout la tête à cela. Je suis encore sur mon nuage et déjà dans ma vie d'après."
Une vie d’après dans laquelle il pourra aussi compter sur le soutien du projet Moteur!. Lancé en 2017, ce dispositif d’égalité des chances vise à déclencher chez les jeunes de 14 à 22 ans « l’envie de progresser et de gagner en confiance, en favorisant leur rencontre avec des modèles inspirants, en les encourageant à se projeter dans l’avenir ». Objectif largement atteint semble-t-il pour Seth Kitenge, prêt à vivre à fond son rêve de cinéma.