Les commissaires de l’enquête publique portant sur le projet de raccordement ferroviaire de l’aéroport Bâle-Mulhouse ont conclu à un avis favorable. Elus et associations, majoritairement opposés au projet, font valoir leurs conditions pour que les intérêts locaux soient pris en compte.
C’est un vieux serpent de mer de plus de cinquante ans qui refait surface avec la conclusion récente de l’enquête publique sur le raccordement ferroviaire de l’Euroairport. Le projet consiste à relier l’aéroport international avec la ligne ferroviaire Bâle-Strasbourg en construisant six kilomètres de voie ferrée et une gare au terminal afin de renforcer son accessibilité. Le tout pour un coût estimé à 336 millions d’euros.
Fin décembre 2021, les commissaires-enquêteurs ont rendu leur avis par un oui unanime à l’issue de la procédure de consultation publique. Cette conclusion favorable contraste avec les positions plus mitigées des collectivités locales et des associations de riverains.
Les élus locaux mitigés
Saint-Louis agglomération et la commune de Saint-Louis n’ont jamais caché leur désaccord sur certains points, notamment celui du coût jugé faramineux, et d’une manière générale sur la philosophie du projet privilégiant, selon eux, des intérêts "supérieurs" au détriment des intérêts locaux.
"Les élus, majoritairement, ne comprennent pas ce que le projet pourrait apporter au territoire. Il pourrait apporter plus de contraintes que d’avantages. On sait bien que le raccordement ferroviaire est fait pour les gens qui viennent de plus loin", sous-entendu de Mulhouse, Strasbourg ou même Paris, explique Jean-Marc Deitchmann, le président de SLA (Saint-Louis Agglomération).
Même son de cloche du côté de la ville par la voix de son 1er adjoint, Philippe Knibiely, qui dit avoir pris acte de cet avis favorable: "On veut bien se plier à l’intérêt supérieur mais pas au détriment des intérêts locaux".
Oui, mais sous certaines conditions
Bien décidés à ne pas mettre la main au porte-monnaie pour financer ce que certains dénoncent comme une gabegie, en particulier l’ADRA (l’association des riverains de l’aéroport), la ville et l’agglomération ont finalement donné leur accord mais sous certaines conditions:
- La non-participation financière au projet ;
- La construction d’un viaduc suffisamment large (170 mètres au lieu de 70 prévu initialement) pour pouvoir faire passer la nouvelle voie au milieu du Technoport. Il s’agit d’une parcelle en friche située en face de l’Euroairport où l’agglomération ludovicienne ambitionne d’implanter un pôle de développement, l’Euro3lys.
Ces deux demandes ayant été prises en compte par les collectivités partenaires (CEA, région Grand Est) et les services de l’Etat, Jean-Marc Deitchmann se dit satisfait.
La commune de Saint-Louis demande par ailleurs des garanties quant aux nuisances sonores et environnementales induites par le passage d’une ligne de chemin de fer en plein centre-ville. "Des murs anti-bruit nous paraissent nécessaires avec le cadencement d’un train toutes les cinq minutes", souligne Philippe Knibiely.
L'adjoint à la ville de Saint-Louis avoue sa préférence pour le raccordement au tram dont le coût, 25 millions d’euros, parait ridiculement bas par rapport aux quelque 350 millions du projet ferroviaire. "Ce que je crains c’est qu’à la fin on n'ait rien du tout", déplore Philippe Knibiely.
Un déni de démocratie pour l'ADRA
Rien du tout plutôt que ça, c’est en résumé l’avis sans appel de l’ADRA sur le raccordement ferroviaire. "On ferait mieux d’investir dans les infrastructures secondaires ou la rénovation du matériel de la ligne Bâle-Strasbourg", affirme Bruno Wollenschneider, le président de l’association de riverains. Pour lui, le projet de raccordement ne fait que favoriser le trafic aérien sur des voyages pas forcément utiles, voire contraires aux intérêts environnementaux.
"Ce compte-rendu n’est qu’un déni de démocratie, les délais n’ont pas été respectés et les contributions publiques n’apparaissent pas", ne décolère pas Bruno Wollenschneider qui juge scandaleux l'avis favorable rendu par les commissaires-enquêteurs.
De fait, dans le rapport mis en ligne par la préfecture du Haut-Rhin, n’apparaissent que quelques chiffres. En page 16, on peut lire que sur 225 observations émises par les particuliers, 130 sont défavorables au projet contre 76 favorables. Certains citoyens émettent des réserves ou ne se prononcent pas. Sur les 20 associations qui se sont exprimées, 14 sont défavorables au projet et sur les 23 élus qui se sont exprimés, 7 seulement sont favorables.
Des chiffres qui contredisent largement la soi-disant unanimité des voix en faveur du projet de raccordement ferroviaire.
Philippe Wollenschneider, désabusé, ne croit pas en un recours judiciaire qui selon lui ne changerait pas le cours des choses. Cependant, face à cette enquête qui, dit-il, a été menée en dehors de toutes les règles, il envisage un recours au tribunal administratif pour "remettre les autorités à l’ordre".
Si le projet est déclaré d'utilité publique, la nouvelle liaison ferroviaire de l'Euroairport pourrait entrer en service en 2028.