Déjà visé par un rapport de la cour des comptes en 2017 pointant le manque de transparence de ses comptes, le Mulhouse Olympic Natation vit des heures sombres. Des accusations viennent de toutes parts, questionnant l'utilisation des subventions publiques.
L'un des plus gros clubs de natation de France dans la tourmente. Le MON (Mulhouse Olympic Natation), 2400 adhérents, qui a formé entre autre la ministre des sports Roxana Maracineanu, doit faire face à de multiples accusations notamment d'opacité dans ses comptes. C'est une enquête de la cellule investigation de Radio France qui le révèle ce vendredi 9 octobre après que nos confrères de l'Alsace et des DNA ont dévoilé en début de semaine que le club faisait l'objet d'une enquête judiciaire, une information confirmée par le parquet de Mulhouse, qui précise que "certains éléments sont parvenus aux autorités judiciaires concernant des suspicions d'infractions commises dans la gestion du MON".
Que reproche-t-on au MON?
Côté nageurs, visiblement, l'attribution des suventions n'est pas claire. Jean-François Bernard habite Metz. Sa fille, Margaux, est inscrite au club à la rentrée 2014 et suit les cours dispensés au sein même de la piscine, ce qui lui permet de suivre une scolarité tout en s'entraînant. "Sauf que cela a un coût, environ 5.000 euros, que nous avons accepté parce que nous devions obtenir une subvention de 1.900 euros. Que nous n'avons finalement jamais touchée", explique le papa de Margaux. Nous avons donc consulter un conciliateur judiciaire en septembre 2016, en retour de quoi le MON nous a surfacturés la somme de 5.417 euros au motif que notre fille avait été exclue de l'équipe en juillet. Sauf qu'elle a couru sous les couleurs du club à la fin de l'été et a fait des podiums!", ajoute exaspéré Jean-François Bernard. Une plainte a donc été déposée pour escroquerie, une enquête ouverte en 2017. Le papa de Margaux précise que depuis la médiatisation de l'affaire, il reçoit de nombreux soutiens de parents, eux aussi confrontés à ce problème.La cellule d'investigation de Radio France de préciser que les litiges touchent également les stars du club. Ainsi Yannick Agnel a dû recourir au tribunal pour toucher les 60.000 euros que lui devait encore le club pour sa dernière année de contrat. Coralie Balmy ou Stéphane Rouault aurait connu eux aussi des déboires financiers avec le MON.
Les collectivités lâchent le club en attendant les audits
Coté subventions publiques, le doute plane sur l'utilisation de l'argent et sur les facturations. Déjà en 2017, la cour des comptes avait épinglé la gestion du club de natation mulhousien, aujourd'hui en déficit. "Avec 453 742 entrées en 2015, le centre d’entraînement et de formation à la natation de haut niveau est l’établissement le plus fréquenté de l’agglomération ; si son accès est limité aux 2 400 adhérents du Mulhouse Olympic Natation (MON), leur pratique s’avère intensive. Le centre d’entraînement est géré par une association, le MON, pour ce qui relève du sport de haut niveau, et par la SARL MON Club, pour ce qui relève des autres activités (loisirs, remise en forme, etc.). L’accompagnement financier du club d’élite Mulhouse Olympic Natation (MON) manque de lisibilité et doit mieux s’inscrire dans le cadre de la régularité budgétaire et comptable. Le suivi analytique des dépenses et recettes occasionnées par le centre d’entraînement ne peut d’ailleurs être regardé comme satisfaisant. La mise en place, au premier semestre 2017, d’une nouvelle gouvernance au MON et d’un dialogue de gestion renforcé avec m2A, est susceptible de clarifier les relations financières entre les deux entités."
Depuis rien n'a visiblement changé. Et les collectivités de se désengager. La région Grand Est a fait savoir qu'elle stoppait ses subventions jusqu'à nouvel ordre, alors qu'elle finance le club depuis 40 ans. Et la Communauté d'agglomération M2A en a fait autant. Daniel Bux, vice-président en charge des sports, précise qu'"on est arrivés au bout de ce qu'on pouvait faire, on a donc décidé de lancer un audit sur le MON ainsi que sur la SARL MON club, nous avons bloqué la première partie des subventions pour l'année 2020/2021, et le club a l'obligation de nous présenter un plan de redressement pour éponger le déficit constant qui augmente tous les ans. Sinon la situation va s'aggraver, il faut qu'on revoit les deux conventions qui nous lie au MON, la première de 2011 qui met les installations à disposition et qui précise les objectifs du haut niveau, ensuite celle de 2013 avec cette SARL qui gère les activités sportives qui ne relève pas du haut niveau: bébés nageurs, activités aquatiques et autre, le club est d'ailleurs demandeur d'une réactualisation de ces conventions, nous maintenons notre confiance aux dirigeants en attendant le résultat de l'audit," précise encore Daniel Bux.
"Choqué mais pas déstabilisé"
Dans le collimateur, Franck Horter, le président du club, qui a repris les rennes en 2017 du club dirigé par son père des décennies durant. "Je suis choqué mais pas déstabilité, explique-t-il par téléphone. Je suis prêt à répondre à toutes les questions et n'ai rien à me reprocher. Nous sommes stigmatisés alors que nous avons tout donné à ce club pour essayer d'en faire une école de champions, alors ça fait un peu mal". Dans un communiqué, Franck Horter précise que "nous avons appris à nager à plus de 25 000 enfants, nous avons obtenu avec nos jeunes des médailles sur le plan national et international. Nous jouons ainsi pleinement notre rôle de locomotive du territoire sur le plan sportif mais aussi en terme d’attractivité et de communication. Nous nous levons à 5h du matin pour mettre en route ce formidable centre dont nous pouvons tous être fière(e)s, nous accueillons 1 000 jeunes, 800 membres, nous prenons soin des enfants et des jeunes que les parents nous confient, nous les faisons grandir, sans compter les heures. Aujourd’hui, Nous enregistrons des retards de versement de subventions liées à la saison 2019/2020. Nous ne pouvons pas imaginer que ce soit pour des raisons extra-sportives, comme mon récent engagement en politique, et nous espérons leur déblocage rapide." Franck Horter, en effet, figurait sur la liste LREM de Lara Million aux municipales.Le parquet de Mulhouse, n'a pour l'instant pas souhaité faire de commentaires, jugeant qu'il est trop tôt. L'instruction suit son cours.