Une mère de famille doit répondre d'un quintuple infanticide à partir de ce mardi 18 juin à Colmar devant la cour d'assises du Haut-Rhin. Restée non élucidée durant près de quartorze ans, "l'affaire des bébés de Galfingue" a défrayé la chronique. Récit.
Elle a reconnu les faits. Sylvie Horning, 55 ans, mère de trois grands enfants comparait à partir de ce mardi 18 juin devant la cour d'assises de Colmar (Haut-Rhin) pour avoir tué cinq de ses nouveaux-nés entre 1990 et 2005. Une affaire d'infanticide restée non élucidée pendant près de quatorze ans. C'est le hasard qui a permis de confondre son ADN avec ceux des nourrissons retrouvés en 2003 dans la forêt de Galfingue. Le point sur cette affaire hors norme.
Comment est née l'affaire?
L'affaire a débuté avec une découverte fortuite dans la forêt de Galfingue (Haut-Rhin) près de Mulhouse. En octobre 2003, les corps de quatre nouveaux-nés sont retrouvés dans des sacs-poubelles par un agriculteur du secteur. Il s'agit de trois filles et un garçon. Des nourrissons, nés viables selon l'autopsie. Deux d'entre eux, au moins, avaient été étranglés avec des cordelettes retrouvées autour de leur cou. Les expertises génétiques avaient permis, alors, de déterminer leur profil génétique mais pas d'identifier les parents. A l'époque, une information judiciaire contre X pour homicide volontaire est ouverte avec un appel à témoins (voir vidéo ci-dessous).Une découverte qui avait suscité une vague d'émotion dans la région et déclenché une vaste campagne de prélèvements dans les environs, en vain. Faute de preuve, l'enquête a même été close en 2009. Avant une réouverture en 2016 à la demande d'une association de protection de l'enfance, s’appuyant sur les progrès de la science en matière de recherches d’ADN.
Comment les enquêteurs sont remontés jusqu'à la mère?
C'est finalement par hasard que la mère des enfants est identifiée en 2017. Sylvie Horning, son compagnon et son fils aîné sont impliqués dans une banale rixe entre voisins. Le prélèvement génétique de la quinquagénaire révèle qu'il correspond à l'ADN des bébés retrouvés dans les sacs-poubelle. C'est bien elle qui a donné naissance aux 4 enfants retrouvés 14 ans plus tôt. Le 28 novembre 2017 au petit matin, Sylvie Horning. est interpellée à son domicile. "Je sais pourquoi vous venez", aurait dit aux militaires Sylvie Horning, jusque-là femme sans histoire "bien insérée" a expliqué le procureur de Mulhouse.
La mère de famille reconnait sans difficulté avoir tué les nourrissons en les étouffant ou les étranglant après avoir accouché seule dans les toilettes. Mais n'explique pas son geste. "Je ne voulais pas de ces enfants" a-t-elle déclaré lors de ses aveux. Les enquêteurs découvriront lors d'une perquistion, un cinquième nourrisson mort caché dans une glacière au domicile familliale à Petit-Landau à quarante kilomètres de la forêt de Galfingue.
La famille était-elle au courant?
Son compagnon, père des enfants, assure n'avoir rien vu. Lors de la naissance de leur plus jeune fille, âgée de 17 ans au moment de l'interpellation, il n'avait découvert la grossesse que trois heures avant l'accouchement. Gravement malade, il est décédé en 2018. Sur les trois enfants du couple, seul le fils aîné, trentenaire, s'est constitué partie civile. Les deux filles sont citées comme témoins, de même que la mère de l'accusée.Peut-on parler de déni de grossesse?
Reconnue responsable pénalement par une expertise psychiatrique, Sylvie Horning "a toujours regretté. Elle n'a jamais expliqué son geste parce qu'elle ne le comprend pas" insiste son avocat Roland Moeglen, joint par téléphone. "Madame Horning a eu une enfance difficile. Violée à l'âge de 6 ans, une mère absente et une éducation sexuelle inexistante. Pour moi, nous sommes dans un cas typique de déni de grossesse avec une psychologie très fragile".
Une expertise complémentaire, confiée à une psychologue et au gynécologue Israël Nisand, qui devrait s'exprimer mardi par visioconférence devant la cour d'assises, a retenu un déni "partiel" de grossesse. "Les vrais néonaticides sont extrêmement rares dans les cas de dénis de grossesse", les bébés mourant la plupart du temps faute d'une prise en charge appropriée, selon le Dr Nisand. Le gynécologue-obstétricien strasbourgeois s’intéresse depuis plusieurs années au phénomène du déni de grossesse, régulièrement évoqué en France dans des affaires au fort retentissement médiatique.Pour Marylène Correia, avocate d'Enfance Majuscule, une des deux associations de défense des droits des enfants qui se sont portées partie civile, "ce ne sera pas le procès du déni de grossesse". "Madame Horning ne dit à aucun moment, en garde à vue ou devant le juge d'instruction : «je n'étais pas consciente que j'étais enceinte». Elle dit : «je n'en voulais pas, pour moi ce n'était pas des bébés», accuse-t-elle. Et d'ajouter: "Notre association souhaite à travers ce procès, délivrer un message. Il existe des solutions pour éviter ces drames. Il y a évidemment la contraception, les IVG ou encore l'accouchement sous X. Des possibilités offertes aux femmes qui ne souhaitent pas avoir d'enfants."
Sylvie Horning, détenue depuis le 30 novembre 2017 à la maison d’arrêt des femmes, à Mulhouse, en dira peut-être plus à partir de ce mardi. Son procès pourrait durer jusqu’à vendredi devant la cour d’assises du Haut-Rhin, à Colmar. Elle devra répondre d’avoir volontairement donné la mort à cinq mineurs de moins de 15 ans qui étaient ses descendants en ligne directe. Elle encourt la réclusion criminelle à perpétuité.