Israël Nisand : « le déni de grossesse n’arrive pas à n’importe quelle femme »

Le gynécologue-obstétricien strasbourgeois Israël Nisand s’intéresse depuis plusieurs années au phénomène du déni de grossesse, régulièrement évoqué en France dans des affaires au fort retentissement médiatique. Il était hier soir l’invité du journal de France 3 Alsace. 

C’est une affaire que l’on pensait définitivement classée qui a refait surface cette semaine. Celle des bébés retrouvés morts dans des sacs plastiques dans une forêt de Galfingue en 2003. Quatorze ans plus tard, une femme de 53 ans a été interpellée à Petit-Landau et mise en examen jeudi 30 novembre. Elle a reconnu être l’auteur d’un quintuple infanticide. L’enquête est en cours, et à ce stade, rien ne dit qu’il s’agisse d’un cas de déni de grossesse. Il n’empêche que « l’affaire Galfingue » en rappelle d’autres plus anciennes et qu’elle relance le débat sur un phénomène énigmatique, mal connu et pourtant courant, qualifié de pathologie.

« Le déni, c’est la grossesse inconsciente » résume le gynécologue-obstétricien strasbourgeois Israël Nisand. Le praticien s’intéresse depuis de nombreuses années aux cas recensés partout dans le monde. Co-auteur d’un livre intitulé « elles accouchent et ne se savent pas enceintes : le déni de grossesse », il répond aux questions soulevées par  le phénomène.

Le déni de grossesse, est-ce un phénomène courant ?

Dans le monde, on comptabilise un déni pour 500 grossesses. Heureusement, ils ne mènent pas tous à un fait divers.

« Le déni, c’est la grossesse inconsciente. C’est connu depuis 2500 ans. Hippocrate parlait déjà de grossesses inconscientes » explique le Professeur Nisand. « Beaucoup de femmes finissent par se rendre compte qu’elles sont enceintes à l’occasion d’un examen ou d’un malaise, plus ou moins tôt dans la grossesse. Assez peu de dénis recouvrent l’accouchement. Ce qu’on appelle les dénis complets. Et lorsqu’ils recouvrent l’accouchement, il y a 25% de mortalité des enfants. »



Qui sont les femmes concernées ?


« Ce sont toujours des femmes qui ont une histoire lourde dont elles se souviennent dans la moitié des cas. Mais parfois elles ne s’en souviennent pas. En tout cas il y a toujours un contexte psychique lourd. Le déni de grossesse n’arrive pas à n’importe quelle femme. Ce sont des femmes qui ont comme une coupure entre leur corps de femmes, le corps de reproduction et ce qu’elles perçoivent. Elles ne ressentent aucun signe de la grossesse, et d’ailleurs leur grossesse ne se voit pas ».

Mais comment un enfant peut-il, malgré-tout, se développer dans le corps d’une femme qui ne perçoit pas les symptômes de grossesse et qui ne voit pas son ventre s’arrondir ? Pour le professeur Israël Nisand, il n’y a rien de de mystérieux. 


Un enfant qui naît d’un déni de grossesse est-il viable ?


« Il n’y a pas pire scène que la scène d’un accouchement d’une femme qui ne se savait pas enceinte et qui toute seule se met à accoucher. La femme est bousculée, elle est dans la douleur. Et l’accouchement d’une femme seule, ce n’est pas un accouchement, c’est un arrachement. Beaucoup de ces enfants meurent non pas du fait que leur mère est meurtrière, mais ils meurent d’asphyxie parce que la tête arrive à sortir, puis les épaules se coincent et la femme a beau tirer sur la tête de l’enfant, l’enfant meurt d’asphyxie. Ce n’est pas rare. C’est à peu près une fois par semaine en France. »

Dans le pays, on estime que le déni de grossesse toucherait entre 800 et 2000 femmes par an. Israël Nisand rappelle leur nécessaire accompagnement psychologique. 
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