Pris en étau entre des charges qui augmentent et des rentrées d’argent qui stagnent, les EHPAD sont en grande difficulté financière. Pour comprendre les enjeux de ces établissements, Robert Kohler, directeur depuis 1999 de La Roselière, à Kunheim dans le Haut-Rhin, a répondu à nos questions.
Directeur de l’EHPAD La Roselière à Kunheim, dans le Haut-Rhin, Robert Kohler alerte sur la situation financière de son établissement, mais également de celle de tout un secteur. Également maire depuis 2014 d’Urschenheim, il explique qu’il finance désormais ses nombreuses charges avec les économies normalement dédiées aux investissements. Une situation qui devient de plus en plus critique.
En tant que directeur d’EHPAD, sur quoi alertez-vous aujourd’hui ?
Mon établissement est entré dans un déficit chronique. Il sera de 200.000 euros d’ici la fin de l’année 2024 si je ne réagis pas aujourd'hui. Il y a une évolution des charges, notamment due à l’inflation, qui met l’ensemble des gestionnaires en difficulté. Les salaires ont augmenté, sachant que les deux tiers du budget y sont dédiés, l’électricité est passée de 69.000 en 2021 à 230.000 euros cette année, la part alimentaire de 355.000 à 504.000 euros. La part hébergement est également en hausse de 14% alors que mes tarifs ont augmenté de 3%, le maximum fixé par la Collectivité européenne d’Alsace (CeA).
Toutes nos charges augmentent de manière importante et ne sont pas compensées. Sur les 7,2 millions de budget global, l'État, via l’Agence Régionale de Santé (ARS), verse 3,1 millions pour le soin; la CeA 495.000 euros pour la dépendance et la part des résidents, la part hébergement, représente 3,3 millions d’euros. Chez nous, une personne paye 72 euros par jour, mais le coût réel d’une place en maison de retraite est en réalité de 140 euros. S'ajoute la problématique de recrutement du personnel. Avec tout cela, nos structures deviennent difficiles à gérer.
Comment faites-vous face à la situation ?
La marge de manœuvre c'est de faire des économies là où c’est possible, notamment les charges de personnel et l’arrêt des investissements : à la place de changer une machine à laver ou un véhicule, on attendra un ou deux ans de plus avant. Mais les économies ont atteint leurs limites et on est obligé de pomper dans nos réserves. Si elles peuvent absorber le déficit encore 4 ou 5 ans, elles ne sont toutefois pas inépuisables. Si on ne se pose pas la question aujourd'hui, on va arriver au pied du mur.
D’autant que le Conseil d’Administration a décidé de maintenir l’ensemble de nos prestations. Et si vous contractez les budgets, indéniablement, vous aurez une diminution de la qualité des prestations. D'où l'intérêt de tirer la sonnette d'alarme.
Quelle serait selon vous la meilleure solution ?
Nous avons plus de charges donc il faudrait que l'évolution de ces charges soit répartie entre les différents financeurs des établissements, chacun avec leur contrainte budgétaire. Soit l’État au travers des budgets soins nous donne plus d’argent, soit c’est la Collectivité européenne d’Alsace qui augmente ses dotations ou alors on facture un prix supplémentaire aux résidents. Aujourd'hui, l'une des voies proposée est la tarification différenciée au niveau des maisons de retraite. C'est-à-dire que le résident de la maison de retraite sera obligé de payer en fonction de ses revenus. Ce qui est certain c'est que l’ensemble des structures sont dans un déficit chronique, sauf que l’on a des personnes âgées dépendantes en face de nous et qu’il faudrait essayer de faire jouer un tout petit peu plus la solidarité nationale. Il faudrait que les services de l'État, la collectivité européenne d'Alsace et les responsables d'établissements se rencontrent pour essayer de trouver une solution commune.