Découverts dans le clocher de l’église de Chatonrupt-Sommermont, les 14 tableaux d’un chemin de croix ont été confiés à un habitant pour leur restauration par le maire du village. Depuis, sur internet, le monde de l’art et de la conservation ont vivement réagi.
"Il faut surtout qu’il ne touche plus aucun tableau", s’indigne Didier Rykner, fondateur de La Tribune de l’Art, à l’origine d’un article au vitriol. "Cette affaire est significative aussi de la perte totale par nos contemporains de la compréhension de ce qu’est une œuvre et de ce qu’est une restauration", écrit-t-il en ligne en parlant de "vandalisme". Le rédacteur en chef de la publication en ligne engagée pour la défense du patrimoine a découvert la nouvelle via France 3.
Le 25 mars 2022, France 3 Champagne-Ardenne relayait le travail d’un habitant de la commune de Chatonrupt-Sommermont (Haute-Marne). Militaire à la retraite, Patrick Quercy n’a fait que répondre favorablement à la demande du maire de son village après la découverte de 14 tableaux dans un piteux état, recasés dans le clocher de l’église depuis 1973. "Il faut comprendre qu’ils étaient vermoulus et recouverts de fientes de chouettes", nous explique le Haut-Marnais.
Le maire, Joël Agnus, refusant de se séparer des œuvres, sollicite son administré pour restaurer les peintures. Un défi que ce dernier accepte de relever avec joie sans se douter du tollé qu’il allait susciter quelques semaines plus tard. "Pour moi c’était faisable de les restaurer et si nous étions passés par des restaurateurs officiels, nous n’aurions jamais eu les moyens de le faire, se défend l’habitant. Vous pensez bien que si les tableaux avaient été classés ou même signés, je n’aurais jamais fait ça." Tout partait d’une bonne intention.
"Tout est choquant. Il n’as pas restauré, il a repeint et ça ne correspond à aucun style, c’est du barbouillage. La restauration, c’est un métier à part entière" s’offusque le spécialiste Didier Rykner.
Inscrit ou classé
Au yeux de la loi, ce sont les communes qui sont propriétaires des œuvres présentes dans les églises. Elles sont responsables de leur conservation. Une œuvre peut être classée ou inscrite au patrimoine et fait l’objet, dans ce cas, d’un suivi particulier par les services de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC). "Ces fameuses toiles se trouvaient dans le grenier depuis 1973 et ne sont même pas répertoriées. Elles ne faisaient pas partie de l’inventaire régional de la DRAC" nous explique le maire de la commune. La "restauration" ne sort donc pas… du cadre. "C’est justement le problème, nous indique Didier Rykner. Un objet qui n’est ni classé ni inscrit peut être restauré sans avoir à demander à qui que ce soit, ce qui est quand même invraisemblable. Ce que je regrette, c’est qu’il n’y ait pas une action globale et permanente du ministère de la culture, dont ce travail relève, pour informer les curés, les maires et les former."
Interrogé sur le sujet, le maire reconnaît sans problème "une erreur" de sa part ainsi qu’une méconnaissance du sujet. "Si cela peut servir d’exemple pour les autres collègues à ce qu’il soient vigilants, tant mieux. Il faut demander systématiquement et moi, c’est vrai que je ne savais pas" concède l’élu. Face au tollé suscité par l’article de La Tribune de l’Art, la Drac a pris rendez-vous avec le maire Joël Agnus pour venir inspecter les 14 tableaux. Patrick Quercy, le restaurateur auto-proclamé, vient tout juste d’achever la douzième toile. A ce jour, il en reste donc deux toujours intactes.