En marge des festivités du 14 juillet à venir, les villes s’organisent pour offrir le plus beau spectacle à leurs habitants. Chorégraphie informatique ou traditionnel bouquet final, l’offre pour faire rêver les yeux rivés vers le ciel s’est étoffée ces dernières années. Mais qui du drone ou du feu d’artifice répond le mieux aux critères écologique, économique et aux aléas climatiques ?
Des "oh" et des "ah" résonneront à coup sûr dès la tombée de la nuit pour les festivités du 14 juillet. Les spectateurs auront-ils en revanche les yeux rivés vers des drones lumineux ou des traditionnels feux d’artifice ? Les deux offres de spectacles rivalisent depuis le début des années 2010, date de l’essor des chorégraphies de drones.
Si le feu d’artifice est quant à lui bien plus ancien, son usage remonterait au 17ᵉ siècle en France, il ne semble pas avoir pris une ride.
"Le feu d’artifice, c’est populaire"
Thibaut Prevot, gérant de l’entreprise d’artifices Jacques Prevot, fondée par son père en Haute-Marne, en 1992 et aujourd’hui cogérée avec ces deux frères, a bien étudié la question. Pour lui, aucun doute ne subsiste : "Pourquoi le feu d’artifice fut populaire ? Pourquoi il l’est et le sera ? L’histoire l’a montré pour une raison simple : c’est un produit bon marché, fait avec des matières premières simples, facilement extractibles du sol, sans utiliser beaucoup d’énergie, et il y en a partout sur la planète".
La composition gagnante : le souffre, le charbon de bois et la salpêtre. Pour Bernard Deom gérant de la société pyrotechnique ardennaise Eurobengale depuis près de 40 ans, cette composition l’emporte aussi face aux drones : "C’est magnifique un drone, quand on regarde un film, quand on veut faire un spectacle, c’est moins rigolo. On est sur du spectacle vivant face à du spectacle informatisé où c’est toujours la même chose".
Le vent, pire ennemi des artificiers et des dronistes
Ces spectacles aériens et nocturnes pourraient être contraints par les conditions météorologiques. Contre toute vraisemblance, la pluie n’est pas le pire ennemi de l’artificier. Des protections de pluie, en plastique ou fécule de maïs, sont installées sur les projectiles. « Quand les feux partent, ils percent simplement la protection, la pluie n’a aucune incidence sur les feux » détaille Thibaut Prevot.
Le vent quant à lui est à surveiller pour ces éclaireurs du ciel. Les rafales deviennent gênantes à partir de 54 km par heure pour les artificiers. Pour les dronistes, aussi selon Bernard Deom : "Plus les appareils sont proches, plus ils risquent d’impacter leurs voisins, ils vont et viennent par des impulsions données par un logiciel donc si un acteur extérieur comme une rafale survient, ils risquent de percuter leurs voisins, percuter en cascade différents drones".
"On se rejoint sur la météo, le vent est un point commun : les essaims de drones n’aiment pas le vent et les artificiers non plus", ajoute Thibaut Prevot. Le vent est maîtrisable pour les artificiers, car il atteint rarement le seuil critique des 54 km par heure. Or un faible vent couplé à une condition de sécheresse peut s’avérer dangereux pour la pratique.
Les spectacles face aux enjeux climatiques
À cause du réchauffement climatique, de plus en plus de zones sont concernées par la sécheresse. « Le vent, si on le mêle à la sécheresse, peut s’avérer gênant : les projectiles sont déviés de leurs trajectoires, ça change les périmètres de sécurité pour le public et on déplace les zones de risques incendie » explique Thibaut Prevot, gérant d’une entreprise familiale d’artifices.
Autre aléa climatique de ces pyrotechnies célestes : la combustion. Un feu d’artifice génère une production de CO2 ainsi qu’une dégradation de la qualité de l’air.
Un spectacle correspond à 700 g de CO2 émis par spectateur en moyenne. Ça correspond à 3 km de parcours par un véhicule thermique.
Thibaut PrevotGérant d'une société de feux d'artifice en Haute-Marne
Pour un feu d’artifice moyen dans une commune, établi pour un budget de 2 500 euros, la combustion en CO2 équivaudrait donc à 800 km parcourus par une voiture. Concernant la qualité de l’air, une récente étude québécoise (mars 2024) l'assure : les feux ne dégradent pas la qualité de l’air au-delà des seuils recommandés.
Pour Thibaut Prevot, drones et artifices se rejoignent sur un autre aspect écologique : "Ce sont les seuls spectacles qui se déplacent vers le spectateur. Ils ne nécessitent aucune infrastructure, simplement un terrain cadastral et il y en a beaucoup en France. On est assez proches en termes d’impact CO2. La seule différence est que l’artifice est un consommable et le drone un matériel, ce qui demande plus d’efforts logistiques".
Plus d’effort de maintenance aussi, les drones sont composés de matériaux plus fragiles, comme des batteries au lithium ou des alliages métalliques.
Et le budget ?
Sur l’aspect économique, drone et artifices se distinguent. « Par exemple, un feu du 14 juillet à Reims coûte 45 000 euros et pour un spectacle de drone, il faudrait multiplier par trois » explique Thibaut Prevot. Pour une plus petite échelle, Bernard Deom confirme : « Le moindre spectacle de drone vaut 15 000 euros, c’est le seuil haut des feux d’artifices. En moyenne, cela correspond à 2 000 euros par feu. »
Le travail des artificiers s’échelonne sur l’ensemble de l’année, mais une forte concentration est observée pour les festivités du 14 juillet. Ils réalisent environ 60 % de leur chiffre d'affaires annuel pour la Fête Nationale, date durant laquelle 15 000 feux sont tirés en France.