Annabelle Logerot, gérante d'un restaurant familial à Langres (Haute-Marne) a reçu une facture d'EDF assez salée le jeudi 8 octobre. Elle dépasse les 18.000 euros.
Au Monopoly, la banque peut faire une erreur en votre faveur. Mais dans la vraie vie, c'est plus souvent l'inverse : dans une facture envoyée le jeudi 8 octobre 2020, EDF réclame la coquette somme de 18.628 euros (et 31 centimes) à Annabelle Logerot.
Cette entrepreneuse vit à Langres (Haute-Marne), où elle a ouvert un restaurant avec sa famille en 2016. Il s'agit de la Villa Vauban, qui se trouve au 1 place du Colonnel de Grouchy (voir sur la carte ci-dessous).
Annabelle Logerot est médusée. Habituellement, elle reçoit sa facture mensuelle par Internet, tout ce qu'il y a de plus normal. C'est aussi par Internet qu'est arrivée la (mauvaise) surprise. "J'ai reçu un récapitulatif depuis 2016, une dizaine de pages, et je vois à la fin que c'est écrit 18.628 euros. Et pour quoi ? Pour une composante gestion, une composante sous-tirage, et une composante comptage. Je ne sais même ce que ça veut dire..."
"Je me suis renseignée à droite et à gauche... Ce serait à cause d'une erreur du logiciel qu'on ne m'a pas fait payer cette somme. Il y a eu une mise à jour, et j'ai reçu toutes ces factures depuis 2016. C'est vraiment la facture de trop, surtout en cette période, avec le coronavirus. On a bossé comme des dingues cet été, on n'a pas embauché nos saisonniers, on avait prévu de mettre de côté pour l'hiver qui serait plus dur... Et voilà."
La restauratrice ronge son frein. "Apparemment, je ne vais pas avoir le choix de payer. Je vais sans doute demander un échéancier..." Même si son notaire, et son banquier, lui ont dit que ce n'était pas normal. Elle a d'ailleurs bloqué l'autorisation de prélèvement d'EDF sur son compte, la somme devant être prélevée le 20 octobre. "J'espère qu'ils ne vont pas nous bloquer EDF..." Cela signifierait la mort de son activité : difficile d'ouvrir un restaurant sans courant. À moins d'un dîner froid aux chandelles...
Une situation d'autant plus ubuesque qu'en 2019, Annabelle Logerot avait... trop payé. "Ils m'avaient redonné ce que j'avais payé en trop, car j'ai un échéancier. J'aurais préféré qu'ils ne rendent rien et ne demandent pas cette somme..." Et pour débroussailler la situation, la compagnie d'électricité ne semble avoir guère aidé. "La dame que j'ai eu au téléphone ne se rendait pas compte, je n'ai eu aucune explication. Elle était hautaine et répétait que je devrai payer : j'ai fini par lui raccrocher au nez." Quant à la réclamation envoyée via le service-client en ligne, elle n'avait donné lieu à aucun retour au 9 octobre, en fin d'après-midi. Elle n'a pas (encore) saisi la médiatrice d'EDF.
La réponse d'EDF
Jointe par France 3 Champagne-Ardenne, EDF confirme l'envoi de cette facture de régularisation, et avoir reçu la réclamation de la gérante de la Villa Vauban. Elle est en cours d'instruction. Jean-Luc Ferrero, le directeur de la communication à la direction commerciale d'EDF Région Est, se veut rassurant. "On n'est pas sans ignorer la situation actuelle de cette restauratrice et de ses collègues. Sans aucune difficulté, si la régulation est confirmée - et elle le sera sans doute - alors on examinera dans quelle mesure et pour quelle durée échelonner."Il rappelle au passage "l'accompagnement" fourni par EDF auprès des petits commerces lors du confinement, avec le report et échelonnement de factures, dont "elle a dû bénéficier". Et il justifie la tardive régularisation depuis 2016. "Ça arrive. Nous traitons un nombre de factures considérable. Ça se passe bien, mais il y a de petites difficultés parfois. Avec le flux envoyé par l'opérateur, il peut y avoir un souci de transmission. La facture n'est pas émise sur une bonne base, ou pas émise du tout. Et quand ça revient à la normale, voilà... Mais on a connaissance de la situation : on ne va pas lui mettre la tête sous l'eau." Sa promesse : le dossier d'Annabelle Logerot sera traité en priorité.
Une telle situation n'est pas si rare. Le Figaro avait rapporté un cas semblable avec une retraitée de 70 ans en 2016, puis un monsieur qui avait reçu une grosse facture à son retour de vacances en 2018. Le journal rappelait que la loi de transition énergétique interdit en temps normal aux compagnies d'électricité de réclamer plus de quatorze mois d'arriérés de factures (article 224-11 du code de la consommation). Il s'agissait toutefois de particuliers, relève EDF : madame Logerot n'étant pas une particulière, le délai de réclamation serait de cinq ans (code civil), et pas quatorze mois (code de la consommation). L'avocat de la famille, Jean-Marc Florand, doit donner son avis sur la question.