Coronavirus : "mes dettes s’élèvent à 1 million d’euros", s'affole une restauratrice haut-marnaise

Ce vendredi 17 avril 2020, devant la salle vide de son restaurant à Langres en Haute-Marne, Anabelle Logerot désespère. En cette période de confinement, ses dettes s'accumulent et se montent désormais à un million d'euros.
 

Si Anabelle Logerot devait se souvenir d’une seule date en cette année 2020, ce serait le 14 mars, le jour où le confinement dû au covid-19 a été mis en place par l’État, impliquant la fermeture de son établissement. 

 

La restauratrice haut-marnaise et sa famille ont pris les rênes de l’établissement en 2016. "Mon mari, mes deux enfants de 22 et 18 ans, et moi, travaillons tous en restauration. Nous avons donc décider de nous lancer, il y a 4 ans, dans une aventure familiale et professionnelle en rachetant un ancien mess d’officiers de la ville de Langres pour créer ce qui est aujourd’hui la Villa Vauban", raconte-t-elle. 

Chaque jour, je surveille mes comptes, j’apprends même à ma comptable des subtilités sur les reports de remboursements de prêts. 
- Anabelle Logerot, propriétaire de la Villa Vauban à Langres
 

"Le 14 mars, je venais d’acheter mes produits frais, j’achète au jour le jour, nous avons peu de produits à la carte, mais ils sont cuisinés de façon traditionnelle, les seules choses congelées chez nous, ce sont les glaces. J’avais fait de beaux achats dont j’étais très contente et là, l’annonce du confinement est tombée comme un coup de massue. Bien évidemment, je comprends cette décision au niveau sanitaire, mais j’ai immédiatement pensé à mes salariés, aux charges à payer dont les crédits. 

"Nous avions décidé, après trois ans de location de nos murs auprès de la mairie de Langres, d’acheter en décembre 2019 les locaux pour devenir propriétaires. Actuellement, avec l’arrêt de mon activité depuis un mois, mes dettes s’élèvent à un million d’euros. C’est catastrophique. Nous avions pourtant réussi à avoir une trésorerie après trois ans, ce qui n’est pas donné à tous les restaurateurs. Certes, nous avons le droit à un report de charges, mais ce n’est pas anodin, lorsque nous le faisons nous avons des intérêts en plus à payer. Me concernant, ces intérêts supplémentaires s’élèvent à plus de 2.500 € par mois. Certes nous serons autorisés à reprendre une activité dans quelques mois, mais comment le pourrons-nous sans fonds minimums ?"
 confie, angoissée, Anabelle Logerot. 

 

La restauratrice n’arrive pas à calmer son stress depuis le début du confinement. Pour le mois mars, elle a dû verser 11.100 € de salaire pour payer ses employés, mais a perçu 3.465 € d’aide pour cette dépense."J’entends beaucoup de monde parler du SMIC comme rémunération, mais c’est illusoire. Si vous payez vos employés au SMIC, vu la difficulté du travail de restauration, vous ne les revoyez plus. Sans parler des heures. Nous ne connaissons pas les 35 heures quand on me dit qu’il faut travailler plus, je veux bien, mais dans ce cas, il faudra que finisse par travailler de nuit." 


10.000 € de charges par mois en dehors des salaires

Anabelle Logerot a perçu une autre aide fiscale celle du fonds solidaire de 1.500 €, une aide insuffisante par rapport aux charges s’élevant à 10.000 € par mois en dehors des salaires. "J’aimerais que l’État fasse plus et nous supprime les charges notamment d’Urssaf sur cette période particulière. Ou alors qu’il nous autorise à ouvrir notre restaurant à partir du 11 mai, car avec la place que j’ai, je peux espacer les tables et les gestes barrières seront bien plus respectés que dans les écoles ou même lors du premier tour des élections municipales", s'insurge la restauratrice.

Soit il faut être cohérents dans les mesures, soit il faut permettre la réouverture au cas par cas selon les établissements. Mais il faut une vraie décision de l’État car les aides ne sont malheureusement pas suffisantes et plus la fin du confinement sera repoussée, plus énormément d’établissements ne pourront pas rouvrir leurs portes à cause des charges à payer beaucoup trop importantes." 

Un avis partagé par le chef étoilé Michel Sarran, également juré de l’émission Top Chef qui a publié sur ses réseaux une réaction au discours d’Emmanuel Macron appelant à la solidarité envers les restaurateurs.

 

Anabelle Logerot a bien évidemment cherché des solutions pour continuer d’avoir une clientèle en temps de confinement. Comme beaucoup d’autres, elle a envisagé la vente à emporter, mais à abandonner l’idée quand son mentor, Jean-Michel Turin, chef étoilé du château de Vauchoux, lui a déconseillé. "Je l’ai appelé comme toutes les semaines depuis que je le connais, c’est mon maître à penser. Heureusement qu’il est là pour moi. Je lui ai parlé de mon idée et il m’a remis les miennes en place comme toujours. La vente à emporter implique des dépenses que je ne pourrais pas me permettre actuellement en produits frais et une incertitude quant à la vente de nos produits. Cela représente un trop gros risque de pertes."

La restauratrice langroise est soutenue par ses clients à distance, certains lui ont même suggéré de lancer une cagnotte pour récupérer un peu d'argent. Impensable selon la restauratrice : "Si je ne peux pas réouvrir cet été et que mes dettes se creusent. Je pense à toutes les options et je ne veux pas avoir encore plus de dettes."

Actuellement, Anabelle Logerot vit dans l’incertitude et l’angoisse de pouvoir réouvrir son restaurant. Elle surveille chaque jour ses comptes et espère une reprise de l’activité rapide où les Langrois et autres clients n’auront pas peur même, une fois le confinement terminé, de revenir déjeuner en terrasse. 

 
L'actualité "Société" vous intéresse ? Continuez votre exploration et découvrez d'autres thématiques dans notre newsletter quotidienne.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
Grand Est
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité