Tourisme et handicap : "On s'est aperçu qu'on pouvait, du jour au lendemain, être soi-même légèrement handicapé"

Pascal et Marie Lyne Folleau ont adapté leur hôtel dès les années 2000 aux touristes handicapés. Parce qu'ils ont eux-mêmes vécu quelques mois à mobilité réduite, ils ont saisi l'importance d'accueillir tous types de clients.

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Le roulis des voitures et les passages de camions rythment les journées et les nuits du gîte de l'Arcombelle. Au centre de tout et au milieu de nulle part, Montigny-le-Roy est situé sur l'axe Metz-Nancy-Dijon, à proximité de l'autoroute et des gares de Chaumont, Langres et Dijon. Une place rêvée pour tous les touristes qui descendent ou remontent de vacances. Plus qu'un emplacement géographique stratégique, l'Arcombelle affiche dans un coin de la réception un autre atout : une plaque bleu et jaune, marque du label tourisme et handicap. 

Une certification qui en dit long sur l'accueil que réservent Marie Lyne et Pascal Folleau à leurs clients. Pour elle Lyne, accueillir, c'est avant-tout aider. Aider des touristes qui arrivent à vélo de la gare de Langres, à une heure de trajet en voiture de Montigny. "Mettez les vélos dans le monospace", leur dit-elle alors. Une évidence pour la quinquagénaire. "Ils étaient gênés mais à mes yeux, c'est normal de le faire." Sans surcoût, on a trouvé peu d'établissements qui acceptent de tels services.
 

 

Accueillir, c'est aider et accompagner

Naturellement, quand il a fallu adapter l'établissement aux normes de la loi de 2005, pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, Marie Lyne a suivi une formation d'apprentissage de la langue des signes. "J'ai que cinq niveaux sur vingt-cinq, avance-t-elle, comme pour s'excuser d'avoir perdu de l'entraînement. On n'a que peu de clients sourds ou mal-entendants, je ne pratique plus beaucoup." Idem quand il a fallu s'adapter aux aveugles et mal-voyants. La Haut-Marnaise s'équipe de lunettes spéciales qui reproduisent le handicap. "Je vous dis pas combien de temps il a fallu pour monter les escaliers", se souvient la gérante dans un rire, mimant la scène les bras tendus devant elle. Désormais, une rampe en inox et des lampes ont été installées pour réfléchir la lumière, un moyen de rendre la rampe visible aux déficients visuels. Les murs sont rouges et les portes vertes cerclées de marron afin de créer de forts contrastes. 
 

Tant qu'on n'a pas le nez dans le handicap, tant qu'on ne se met pas en condition, on ne peut pas comprendre ce qui est bon ou non pour bien les accueillir.

Marie Lyne Folleau, gîte de l'Arcombelle.



Pascal défend une vision légèrement différente. Selon lui, l'accueil des personnes handicapées est dans l'accompagnement. "Un sourire, un bonjour pour commencer, pas besoin de trop en faire. Ce qu'ils veulent, c'est être traités comme tous les autres clients", assure-t-il. Accompagner les clients, bien sûr, mais lui aussi a su se laisser guider. "Il faut accepter de faire venir quelqu'un qui vous dise que vous avez tort", tranche le gérant. Quand il a initié les travaux, il a fait venir un spécialiste. "Il est arrivé et a détaillé tout ce qui n'allait pas. J'ai mis mon égo de côté, j'ai écouté et j'ai pris des notes."
 

Quand nous avons demandé à l'office du tourisme du département quel était la personne la plus avancée dans cette démarche, la réponse a fusé, visiblement évidente : Pascal Folleau. Il faut dire que son gîte est le premier de Champagne-Ardenne à avoir obtenu la certification, en 2007. Et ce n'est pas seulement la loi de 2005 qui a forcé la main du Haut-Marnais, mais un concours de circonstances. 
  

Des entorses et des aides publiques

Le déclic a eu lieu quand lui et son épouse ont souffert de blessures handicapantes. "J'étais convaincu de devoir le faire car moi-même j'ai été par deux fois légèrement handicapé, se souvient-il. J'ai eu des entorses à la cheville, des entorses aux genoux et quand on a des entorses, ce n'est pas facile de monter les escaliers." Un manque de mobilité qui lui a donné du temps pour se renseigner. Les genoux de Marie Lyne ont également montré quelques faiblesses, à tel point qu'elle est équipée de prothèses. 
 

Les personnes handicapées, ce ne sont pas que le mal-entendants ou les malvoyants. Les personnes qui rentrent du ski et qui ont une attèle, elles sont bien contentes d'avoir la chambre dite handicapé ou même rien que l'ascenseur. Il est bienvenu pour tout le monde.

Marie Lyne Folleau, gîte de l'Arcombelle.


Le couple n'est pas le seul à dresser ce constat. Chaque année, l'association tourisme et handicaps estime que 17 à 18 millions de Français pourraient avoir besoin d'un logement adapté des suites d'une blessure ou d'un handicap passager. Un chiffre qui englobe également les personnes âgées, les femmes enceintes, les blessés de retour du ski. 
 

Quand Pascal Folleau a fait installer un ascenseur dans son établissement, il s'est vite rendu compte qu'il allait faire des heureux. Pas seulement pour les personnes à mobilité réduite, mais pour son personnel. "Les femmes de chambre l'utilisent tous les jours, leur travail est moins pénible. Sans compter pour les personnes âgées ou les commerciaux qui arrivent chargés, avec des sacs et des valises." 

Les blessures des Folleau n'ont pas été leurs seules motivations. Pascal le concède, les subventions publiques de l'époque ont joué un rôle capital dans son choix. Son plus gros investissement, l'ascenseur, a été financé à 90% par des subventions. "Chez Pascal Folleau, à l'époque, les aides étaient conséquentes. Une mise aux normes ça coûte de l'argent et cela demande du temps pour les travaux et monter les dossiers, appuie Emmanuel Mosini, chargé du label tourisme et handicap en Haute-Marne. À l'époque, il fallait être volontaire." Justement, troisième élément de la recette de l'Arcombelle : un technicien que Pascal employait dans les années 2000, capable de "tout faire", des travaux au montage de dossiers complexes. 

Au même moment, peu de gérants d'établissements se bousculent pour se plier aux nouvelles législations en vigueur. Pas seulement à cause des aspects techniques, mais aussi psychologiques qui freinent les entrepreneurs. "Il est question de sensibilité et de développement durable, au même titre que l'écologie, tout le monde n'a pas cette fibre ou cette sensibilité", explique Emmanuel Mosini.
 

Ce n'est pas forcément dans leur parcours de vie. C'est la même chose pour l'écologie, certains ne sont pas encore convaincus. Cela ne fait pas partie de leurs priorités.

Emmanuel Mosini, chargé du label tourisme et handicap en Haute-Marne.

 

Le Guide Tourisme et Handicap de la Haute-Marne


Au fil du temps, Pascal, Marie Lyne et Emmanuel ont essuyé les mêmes remarques. "Trop cher", "pas assez de clients handicapés", "de la paperasse en plus"... En tant que représentant des Logis de France, "M. Folleau", comme s'amuse à l'appeler son épouse, tente de répandre la bonne parole. "Je leur dis : ce n'est pas seulement pour les clients, mais pour votre personnel. À la fin, tout le monde bénéficie des aménagements", assène-t-il. De son côté, Emmanuel Mosini s'évertue lui aussi à défendre la cause du handicap, "un combat de très longue haleine. En 2005, certains patrons ont été obligés de faire des dérogations pour pouvoir prolonger l'activité car trop peu d'établissements étaient aux normes."

Tous le reconnaissent, les choses vont dans le bon sens. "Mais il faut sans arrêt rappeler les évidences : c'est que le handicap et l'accessibilité, c'est une question de dignité. On doit tout faire pour leur permettre d'avoir une vie standard : aller où ils veulent comme ils le veulent. Comment tolère-t-on que des gens restent au bord de la route ? C'est une question de droits. C'est de l'humanité, de la dignité. Il faut toujours être vigilant et lutter pour faire avancer les choses." Des rappels constants pour que l'accueil ne soit jamais conditionné à un fauteuil, des lunettes, une maladie. En tout, 18 musées, gîtes, hôtels et restaurants hauts-marnais sont labellisés tourisme et handicap.
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