Kiné, infirmière, orthophoniste… elles réclament le même "congé maternité pour toutes"

Début février, le gouvernement a choisi de revoir à la hausse les indemnités de congé maternité des femmes médecins, laissant de côté le cas des professionnelles paramédicales. Une "véritable injustice" selon les professionnelles, conventionnées au même titre que les médecins.

30.000 euros. Anne-Sophie Marchand a estimé que son troisième enfant pourrait bien lui coûter ce prix-là. La kinésithérapeute, qui officie à Sainte-Maure dans la banlieue de Troyes, ne s'offrira pas le "luxe" d'un troisième "enfant". Du moins pas pour l'instant.

Comme les 135 kinésithérapeutes femmes de l'Aube qui exercent en libéral, Anne-Sophie Marchand doit s'adapter à chaque congé maternité. En France, les professionnelles paramédicales (kiné, sages-femmes, dentistes, orthophonistes) perçoivent une indemnité journalière de 50€ par jour, auxquelles s'ajoutent environ 3.200 euros d'allocation forfaitaire.

"Je dois ajouter 2.000 euros par mois de ma poche"

Des indemnités jugées insuffisantes pour couvrir les frais de la thérapeute. "Tous les mois, je dois payer 4.000 euros de frais pour mon cabinet : le loyer, les charges, le prêt pour le matériel, détaille-t-elle. Pour cela, je dois ajouter 2.000 euros de ma poche chaque mois. Et ce sans me verser de revenus." Coût total de l'opération : 16.000 euros pour son premier enfant, issus de son épargne personnelle pour "s'offrir un congé maternité".

En octobre dernier, le gouvernement a décidé d'augmenter ces indemnités, mais seulement pour les femmes médecins. Désormais, ces dernières, si elles sont conventionnées secteur 1, pourront prétendre à une allocation pouvant aller de 2.066 euros à 3.100 euros sur trois mois de congés, et une allocation forfaitaire de 3.269 euros. Pourtant, le fait que toutes les femmes aient le même congé maternité était une promesse de campagne d'Emmanuel Macron, reprise en juin par la secrétaire d'Etat pour l'égalité entre les femmes et les hommes. La distinction entre corps médicaux est vécue comme une véritable injustice.


Une pétition signée par plus de 43.000 personnes​

"Dans cette société dans laquelle on ne parle que d'égalité homme/femme, ne serait-il pas évident que les femmes soient égales entre elles aussi ?", interrogent les kinésithérapeutes dans une pétition mise en ligne il y a deux semaines, signées par plus de 43.000 personnes le 27 février.

Nous sommes évidemment très heureuses pour les femmes médecins, mais nous voulons comprendre pourquoi une telle différenciation

questionne Anne-Sophie Marchand. L'Auboise l'admet, ces nouvelles indemnités ne parviendront toujours pas à payer l'intégralité de ses frais, mais elles lui permettraient d'envisager un troisième enfant.


Laëtitia Michel a décidé de sauter le pas : elle aura bien un troisième enfant. Enceinte de trois mois, elle est orthophoniste à Ambonnay, dans la Marne. Pour "se l'offrir", elle a augmenté son volume horaire : elle travaille désormais six jours par semaine pour pouvoir payer ses 2.750 euros de charges mensuelles. Elle fera de même à son retour de congé maternité. "C'est la meilleure décision", justifie la Marnaise.

Des métiers de plus en plus féminins

"C'est un véritable problème, souligne Guillaume Bravo, trésorier national du syndicat de kiné Alizée. Les femmes augmentent leur volume de travail pendant la grossesse et reprennent plus tôt, au risque de mettre leur santé et celle de leur enfant en danger."
Une question d'autant plus importante que les professions paramédicales se féminisent au fil des années. A l'école de kinésithérapie de Reims, sur dix étudiants, sept sont des femmes. En 2016, 62% des élèves en médecine ou odontologie étaient des étudiantes. En France, parmi les 86.459 kinésithérapeutes en exercice, 50% sont des femmes et 80% exercent à leur compte.

Une problématique à laquelle il faut ajouter celle du désert médical. Anne-Sophie Marchand l'a vécu de plein fouet. Arrêtée à six mois de grossesse à cause de violentes contractions, la future maman a dû trouver un remplaçant en urgence. Faute de disponibilités, elle a mis plus d'un mois à en trouver un. Un mois et demi durant lequel son cabinet a tourné à vide, soit 6.000 euros de pertes sèches.

A défaut de couvrir l'intégralité de leurs frais, une nouvelle indemnisation permettrait à ces professionnelles de moins puiser dans leurs économies. Le gouvernement a demandé à la députée et présidente de la délégation aux droits des femmes à l'Assemblée nationale, Marie-Pierre Rixain, de diriger une mission pour que toutes les professionnelles de santé puissent bénéficier d'un avantage maternité. Pour le moment, "avoir un enfant, c'est un projet", souligne Laëtitia Michel. Et Anne-Sophie Marchand de conclure :

C'est un luxe

 

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