Le château du Landskron à Leymen, un joyau franco-suisse

La ruine du Landskron, à Leymen, domine le Sundgau et la Suisse jusqu'à Bâle. Ce château à l'histoire mouvementée, d'abord propriété de familles bâloises, puis forteresse militaire française, a été racheté en 1983 par une association franco-suisse qui veille à sa sauvegarde.

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Depuis le sommet du donjon du Landskron, à 559 mètres d'altitude, la vue est époustouflante. A ses pieds, l'enclave française de Leymen (Haut-Rhin). Tout autour, l'helvétique Baselbiet (canton de Bâle campagne), et au second plan, la ville de Bâle. "De là-haut, on comprend bien la signification du nom du château ("Couronne du pays")" sourit Max Wyss, vice-président d'honneur de l'association Pro Landskron, et guide bénévole. "Il domine tous les alentours."  

Max Wyss se fait un malin plaisir de rappeler qu'à sa construction, à la fin du XIIIe siècle, le Landskron surplombait une région sans frontières, l'empire romain germanique : "J'ai souvent des visiteurs de la France "de l'Intérieur", qui ne comprennent pas qu'ici, c'était un seul pays, et qu'on n'y parlait qu'allemand" (ou du  moins d'anciennes langues germaniques).

"Du haut du donjon, on comprend bien la signification du nom du château ("Couronne du pays")."

Max Wyss, vice-président d'honneur - Pro Landskron

Pourtant, durant sa longue histoire mouvementée, ce majestueux château de calcaire a aussi subi les conséquences de la création des frontières. Mais depuis près de quarante ans, il sert également de trait d'union entre les membres suisses et français de l'association qui l'a racheté en 1983 et qui l'entretient. Ainsi, près de huit siècles après son édification, a-t-il renoué avec sa vocation transfrontalière.

Du château d'habitation à la forteresse militaire française

Le donjon est la partie la plus ancienne. "Evoqué pour la première fois en 1297, c'était une tour d'habitation à l'époque" explique Max Wyss. Ses 34 mètres de hauteur offraient une belle protection, car en cas d'attaque par des archers, "les flèches enflammées ne brûlaient plus en arrivant en haut."

Construit par la famille bâloise des Münch, qui s'éteint en 1461, le Landskron passe ensuite aux mains des Reich de Reichenstein, également d'origine bâloise. A la Renaissance, il sert d'avant-poste aux Habsbourg, qui règnent alors sur le Sundgau. En 1515, pour aider à le transformer en une véritable forteresse, conforme aux techniques les plus modernes d'alors en matière de défense, l'empereur Maximilien 1er lui-même met la main au porte-monnaie.

Un siècle plus tard, en 1648, la Guerre de trente ans s'achève, et le Landskron tombe dans l'escarcelle de Louis XIV. Contrairement aux traitements que celui-ci fait subir à d'autres châteaux alsaciens, abandon ou destruction, le roi Soleil s'y intéresse de près, et le fait fortifier par Vauban en 1689, afin de le transformer en garnison.

"N’imaginez pas un château de conte de fées, avec roi et princesses. On en est loin" précise Max Wyss. Lui-même a retrouvé des archives indiquant qu'en 1717, on y comptabilisait "jusqu’à 14 canons, 2.500 boulets et 8 tonnes de poudre. Il y avait aussi un grand four, où l'on cuisait chaque jour 180 pains." A l'intérieur du château,  dans le palais nord ceint de hauts murs, il reste des traces de la salle à manger et du dortoir des soldats "qui dormaient à trois pour un lit, sur des paillasses. Ils travaillaient en équipe, quand certains étaient réveillés, d'autres les remplaçaient dans le lit."

"N’imaginez pas un château de conte de fées, avec roi et princesses. On en est loin."

Max Wyss, vice-président d'honneur - Pro Landskron

A une vingtaine de mètres, une autre salle à ciel ouvert s'orne encore de magnifiques fenêtres Renaissance, témoins de la période des Reichenstein. Sans cesse remaniés, les bâtiments présentent un millefeuille architectural, où chaque époque a laissé sa marque, et qui offre un véritable casse-tête aux architectes membres de l'association qui tentent de s'y retrouver. A la Révolution, le Landskron sert également d'hôpital militaire, et même de prison d'Etat.

Mais en 1813 et 1814, en opposition à Napoléon, les Autrichiens et les Bavarois s'attaquent au Landskron et le font sauter, principalement les fortifications de Vauban. La ruine est rachetée par des privés. Dans les années 1970, elle est grillagée pour héberger une colonie de singes que les visiteurs viennent admirer.

L'association franco-suisse Pro Landskron, actuel propriétaire

C'est en 1983 que le destin du château prend un nouveau virage. "Il était à vendre. Alors, les maires de Leymen et des communes suisses des alentours ont décidé qu'il ne devait pas passer dans des mains étrangères" rappelle Danielle Ott, l'actuelle présidente de l'association Pro Landskron. "Ils ont cherché des fonds, fait l'acquisition du château pour 300.000 francs (environ 45.000 euros) et créé notre association en 1984."

Une association internationale, propriétaire d'un château alsacien. Un cas unique en son genre. "Les assemblées générales sont bilingues" confie la présidente. Mais en petit comité et lors des journées d'entretien du site, les échanges se font spontanément en dialecte. Haut-rhinois pour les Français, et Baseldytsch (dialecte bâlois) pour les Suisses.  

Et pour le Landskron, c'est une renaissance. Grâce aux cotisations de son petit millier de membres, dont plus de 700 sont suisses, l'association dispose de quelques fonds propres qui lui permettent de solliciter des subventions complémentaires auprès des pouvoirs publics. Résultat : au fil des ans, plusieurs tranches de travaux de rénovation et d'entretien lourds, exécutés par des entreprises professionnelles.

"Là-haut, il n'y a ni Français, ni Suisses, on est tous ensemble."

Marcel Pflüger, membre suisse - Pro Landskron

Parfois, de bons contacts et des arrangements inédits ont permis de belles réalisations supplémentaires. Ainsi ce superbe pavage de la montée depuis la cour extérieure, exécuté il y a une quinzaine d'années par de jeunes apprentis paveurs suisses et autrichiens, avec 70 tonnes de pavés, cadeau de la ville de Bâle.

Cette année, c'est la poudrière qui vient de subir un rafraîchissement, et d'être étanchéifiée. Et les échafaudages sont en train de migrer vers le donjon. Des travaux indispensables, mais à chaque fois, en amont, le travail administratif est énorme.

"On a déjà fait des choses impressionnantes. Et à chaque nouvelle réalisation, on se dit : "Ça y est, on a réussi."

Danielle Ott, présidente - Pro Landskron

Pourtant, même si sa tâche est lourde, la présidente de Pro Landskron est heureuse du chemin parcouru… et des capacités de son association à soulever des montagnes. Ainsi, l'installation de tables d'orientation au sommet du donjon : "Il a fallu les amener par hélicoptère, car elles étaient trop lourdes pour les passer par l'escalier. On a déjà fait des choses impressionnantes" reconnaît-elle. "Mais c'est notre joie et notre motivation. Et à chaque nouvelle réalisation, on se dit : "Ça y est, on a réussi."

Un lieu transfrontalier qui transcende les limites

Le "on", c'est ce millier d'amoureux du château, dont les trois quarts sont Suisses. Et dont une poignée, très active, monte chaque semaine au Landskron pour y faire l'entretien courant, enlever la végétation trop envahissante, ou refaire quelques joints. Parmi eux, Konrad Knüpp qui, au départ, venait simplement dans le coin pour la promenade quotidienne de son chien. "Alors, un jour, ils m'ont demandé si j'acceptais d'en profiter pour jeter un coup d'œil au château" se souvient-il. "Ça a commencé comme ça."

Son rôle d'expert : contrôler et signaler tous les endroits fragilisés, ou les pierres devenues branlantes. Il s'est pris au jeu, et le château ne l'a plus lâché. "Entretemps, mon chien, je ne l'ai plus, mais ce travail, je le continue."

Pour Marcel Pflüger, autre membre actif suisse, peu importe que le Landskron se trouve en territoire français. "A l'école déjà, on parlait du château de Leymen" se souvient-il. "Et quand on aime un château, il ne vous laisse plus tranquille." Devenir membre actif de l'association était donc une évidence pour lui, car "là-haut, il n'y a ni Français, ni Suisses, on est tous ensemble. C'est un lieu transfrontalier, qui transcende les limites, c'est super. Et puis, pour les vieux bonshommes comme nous, un château, c'est un truc génial."

"C'est du bénévolat, de la passion. On aime notre château pour lui restituer sa beauté d'antan."

Charlie, de Leymen, 13 ans

Mais l'âge ne fait rien à l'affaire. Du haut de ses 13 ans, Charlie, qui vit à Leymen, monte aussi régulièrement avec ses petits frères et son père, pour donner un coup de main et ôter les mauvaises herbes. "Si le lierre rentre dans la pierre et s'il gèle, la pierre se fissure" explique-t-il avec grand sérieux. "C'est du bénévolat, de la passion. On aime notre château pour le restaurer, lui restituer sa beauté d'antan. C'est notre château."      

Un accès libre pour tous les visiteurs

Un château que les visiteurs aussi affectionnent. L'an dernier, malgré la crise sanitaire, ils étaient plus de 36.000 à venir l'admirer. Pour les membres de l'association, c'est d'ailleurs cela, le premier objectif de leur engagement : "Que les gens aient du plaisir à venir dans notre château. Qu'il soit sécurisé, pour que chacun puisse y déambuler librement, y faire des grillades et passer une bonne journée. Et si possible, organiser aussi quelques fêtes et animations" détaille Christophe Lequin, le vice-président (leymenois) de l'association.

Hors contexte de crise sanitaire, l'association propose aussi tous les deux ans une fête médiévale. "Mais le but n'est pas de faire de grandes manifestations" précise Danielle Ott. Nous n'avons pas l'infrastructure nécessaire (…) Si on attire trop de monde là-haut, on ne sait plus comment gérer, l'accès est étroit, et il y a peu de places de parking." Le château doit avant tout rester un but d'excursion, "pour que des randonneurs et des touristes puissent y passer une belle journée."

"Notre joie, c'est que les visiteurs aient du plaisir à venir dans notre château."

Christophe Lequin, vice président - Pro Landskron

Mais pour ses plus proches admirateurs, tel Max Wyss, le Landskron représente bien davantage. "Pour moi ? Tout gamin déjà, c'était mon premier terrain de jeu, là où j'ai vécu mes premières aventures", avoue-t-il. "Et puis, il recèle encore bon nombre de mystères. D'ailleurs, j'espère bien réussir à en élucider quelques-uns… Peut-être."

Même durant la crise sanitaire, le château reste libre d'accès – à l'exception du donjon, qui sera fermé au public jusqu'à fin mai pour cause de travaux. Mais Max Wyss attend avec impatience la fin du confinement, pour pouvoir reprendre les visites guidées. Et transmettre de vive voix sa passion à tous les nouveaux visiteurs.  

 

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