Dès septembre, la cour devant la maison de Vincent Stempfler, maraîcher à Spechbach-le-Haut, se pare des plus belles couleurs automnales. Celles de milliers de potirons rouges, oranges, blancs, verts et bigarrés, qu'il produit dans ses champs et vend directement à ses clients conquis.
Chaque automne, à Spechbach-le-Haut, la famille Stempfler au grand complet laisse libre cours à sa créativité. Devant la maison, Vincent, son épouse Laurence et leurs enfants disposent avec soin et humour les milliers de potirons cultivés par Vincent. Un bonheur pour l'œil des clients, qui viennent directement à la ferme acheter les innombrables variétés comestibles, et tout autant de coloquintes de plus petites tailles, destinées à la décoration.
Les cucurbitacées, Vincent Stempfler s'y est mis il y a une vingtaine d'années, lorsqu'il a décidé d'abandonner son élevage de vaches laitières. Aujourd'hui, il produit des pommes de terre, quelques légumes, du pissenlit au printemps, et une dizaine de tonnes de potirons sur deux hectares. Des potirons particulièrement beaux cette année, "plus colorés, vraiment rouges, ni grêlés ni tordus… comme sur un tableau", se réjouit-il.
Dans les champs, il a fallu tout rentrer pour fin septembre. "Dès qu'ils sont mûrs, il faut les cueillir, sinon ils ne se garderont pas durant l'hiver" précise Vincent Stempfler. Une cueillette soigneuse, à la main. L'un après l'autre, ces légumes pas comme les autres doivent être coupés, soulevés et déposés dans la remorque. Alors qu'ils pèsent souvent un bon poids, jusqu'à dix kilogrammes pièce. "Généralement, on a un peu mal au dos les premiers jours", reconnaît Jean-Marc Stoessel, l'un des cueilleurs. "Mais après, on s'y fait." Et malheureusement, là, aucune machine ne peut remplacer le travail humain.
Lorsqu'il est nécessaire d'accélérer la cadence, il faut donc augmenter le nombre de cueilleurs. René Faedy, le beau-père de Vincent Stempfler, est toujours prêt à donner un coup de main. "Dès qu'il a commencé à cultiver des potirons, j'ai participé. Il m'a immédiatement embauché" sourit-il. "Tant que je peux aider, je le fais. Et quand ça n'ira plus, mon jeune "patron" continuera quand même. Il a suffisamment d'énergie."
Vincent Stempfler s'est lancé dans cette culture, encore assez peu répandue en Alsace, parce que la demande était en pleine croissance. Mais aussi parce que le potiron ne nécessite aucun traitement. Des déchets organiques, fumier et restes de feuilles de maïs, lui suffisent. Cette sobriété a séduit ce maraîcher, adepte d'une agriculture raisonnée et qui souhaite traiter le moins possible.
Au fil des ans, son offre s'est agrandie. A la variété visuellement la plus connue, le beau potiron rouge orangé "potiron rouge vif d'Etampes", il en a bientôt ajouté beaucoup d'autres, souvent plus savoureuses. Parmi les plus récentes, une variante plus petite du fameux "muscat de Provence", "qui vous transporte sur une plage, au soleil", assure-t-il. Et le "bleu de Hongrie", "beaucoup plus crémeux que les autres, on pourrait en manger chaque jour, comme du chocolat."
A propos chocolat, sa femme Laurence n'hésite pas à marier les saveurs, et agrémenter ses cookies aux pépites chocolatées d'une purée de potimarron. Elle teste sans arrêt de nouvelles recettes, histoire de pouvoir donner des idées à sa clientèle. Dernières en date, un cake au potiron râpé et aux fruits secs, et une tarte flambée à la purée de potimarrons mélangée avec la crème. Et ce n'est pas tout : "Au petit déjeuner, on peut utiliser de la confiture de potimarron. On peut faire des crèmes pour les toasts à l'apéritif, on peut, bien sûr, faire de la soupe, et en dessert, on peut même faire de la glace" assure Laurence.
Les clients se laissent séduire, tentent les nouvelles variétés de potirons qu'elle leur recommande. Et le coin de magasin aménagé dans la grange se transforme souvent en un lieu d'échange de trucs et astuces culinaires pour cuisiniers aventureux.
Leur fils Léo, 14 ans, lui, est le spécialiste des variétés non comestibles, réservées à la décoration. A juste titre, il est très fier d'être à l'origine de toute cette partie de la production paternelle. "Quand j'étais petit, j'en avais vu dans le catalogue, et j'en voulais", se souvient-il. Son père lui a donc acheté un paquet de graines. Mais la récolte a été tellement abondante qu'il a essayé d'en vendre, "et ça a extrêmement bien marché" précise Léo. "Au départ, je n'y croyais pas" reconnaît son père. "Maintenant, on a une cinquantaine de variétés de potirons décoratifs, alors que moi seul, je n'en aurais pas eu l'idée."
Léo prévoit d'entrer l'an prochain au lycée agricole de Rouffach. Dans le but, bien sûr, de reprendre un jour l'exploitation familiale.