Climat : ce qui attend la Lorraine selon le nouvel atlas interactif du GIEC, le groupe d'experts sur le climat

Les températures vont continuer de grimper en Lorraine. C'est ce qui ressort du 6 e rapport du Giec paru ce lundi 9 aout 2021, et plus particulièrement du nouvel atlas interactif mis en ligne à la disposition du grand public. Le groupe d'experts intergouvernemental tire la sonnette d'alarme.

On le savait déjà, le climat en Lorraine va être de plus en plus chaud. Mais ce qui ressort du 6 e rapport du Giec publié ce lundi 9 aout 2021, c’est une intensification du réchauffement climatique. On atteindra le seuil des + 1,5 °  près de 10 ans plus tôt que prévu, soit vers 2030. La Lorraine n’est pas épargnée par le phénomène, même si cette année a été beaucoup moins chaude que l’an dernier, "ce n’est qu’un incident climatique " nous explique Pierre Nabat, chercheur en modélisation du climat à Météo France, "qui est dû à la circulation atypique de gouttes d’eau froides d’altitude propre à la France. Le climat des prochaines années devrait plutôt ressembler à celui de 2020" . Autrement dit plus de soleil, plus sécheresse l’été et plus de pluies concentrées notamment l’hiver.

Plus de journées au-dessus de 35°

Et c’est bien ce qui ressort du nouvel Atlas interactif du Giec mis à la disposition du grand public, et des décideurs, afin que chacun puisse faire ses propres projections et appréhender le réchauffement climatique dans sa région. Un atlas qui agrège des milliers de données de chercheurs dans le monde. Ainsi si on choisit la variable ‘jours au-dessus de 35 degrés » ( days tx above 35°)  pour la période de 2041-2060 avec le scénario optimiste ( SSP 2.6),  on obtient une moyenne de 4 jours par an en Lorraine où les températures seront supérieures à 35 degrés.

Si aucun effort n’est fait (scénario SSP3 7) , et si nous continuons à émettre autant de gaz à effet de serre qu’actuellement, le nombre de jours où la température dépassera les 35° en Lorraine passera à 6 voire 7 par an, et à plus de 13 jours en 2100. Ce qui signifie aussi que ces températures pourront dépasser les 40°. Des projections à la fin du 21e siècle font apparaitre des journées d’été à plus de 45 degrés en Lorraine.

Une intensification des pluies

Et l’avenir n’est pas beaucoup plus réjouissant si l’on regarde du côté des précipitations. L’Atlas interactif du Giec permet également de simuler celles-ci avec quatre différents scénarios d’émissions de gaz à effet de serre ( SSP1 à SSP 5 dans l’onglet valeur et période). Les simulations effectuées en parallèle avec Pierre Nabat, chercheur en modélisation du climat à Météo France, et qui a contribué au rapport du Giec, nous apportent plus de précisions.

Ainsi les hivers lorrains qu isont déjà bien pluvieux, vont l’être encore plus !  Dans le scénario le plus optimiste (SSP1 2.6), on constate une augmentation des pluies de près de 10% entre décembre et février à horizon 2050. Par contre s’il l’on ne fait rien pour réduire les gaz à effet de serre, ce sera une augmentation de pluies de près de 20% d’ici la fin du siècle. Des précipitations qui seront de plus en plus intenses et risquent de provoquer de plus en plus d’inondations et de crues dans la région dans les années à venir, à l’image des récentes inondations dans le pays-haut,et en Belgique ou du déluge de grêle tombé sur Plombières les Bains. En clair, notre inaction entrainerait des précipitations deux fois plus importantes, alors qu’on pourrait les limiter en réduisant drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre.

Des pluies qui en revanche se feront de plus en plus rares l’été, selon les simulations sur l’Atlas interactif. 6 % de précipitations en moins l’été pour le scénario optimiste,  et 10 % d’eau en moins si l’on ne diminue pas nos émissions de gaz à effet de serre  pour la période 2041-2060..autrement dit, demain !  Il faut donc s’attendre à de nouveaux épisodes de sècheresse en été en Lorraine. Mais le plus alarmant c’est que s’il l’on augmente nos émission de gaz à effet de serre, à la fin du siècle, l’atlas du Giec prédit une diminution des précipitations l’été d’un quart ce qui est énorme et risque d’avoir des conséquences graves sur l’agriculture.

Les conséquences sur la faune et la flore Lorraine

Les conséquences du réchauffement climatiques se font d’ailleurs déjà sentir en Lorraine ; Les trois dernières années ont été particulièrement sèches ! Une sècheresse qui a diminué de près de 50 % les rendements notamment du maïs en 2020. Et l’abondante pluie qui est exceptionnellement tombée cette année 2021 aurait, dans le Toulois, "des conséquences sur la mauvaise qualité des graines", selon Michel Grojean, président du comité agricole local.

Concernant les forêts vosgiennes, "les épicéas vont continuer à souffrir du manque d’eau, et dépérir" selon François Vernier, président du Conservatoire botanique, "même en altitude". Mais ce qui l’inquiète encore plus c’est l’arrivée de plantes invasives comme le séneçon du cap, qui arrive tout droit d’Afrique du Sud, s’installe aux bords des chemins lorrains et rentre maintenant dans les prairies. La douceur du climat actuel a favorisé son installation et sa prolifération. Le souci c’est que cette plante est hépatotoxique notamment pour les animaux qui broutent l’herbe.

L’autre spécimen qui inquiète le botaniste lorrain, c’est la grande Jussie. Une plante aquatique jaune, qui vient, elle du sud de l’Amérique du Nord, et prolifère dans les rivières et les canaux lorrains. "Sans cette douceur climatique elle ne pourrait pas se développer. Il a déjà fallu en arracher dans le canal des Vosges l’an dernier", explique François Vernier, "sinon elles bloquent la navigation".

Pour Damien Aumaitre, du Conservatoire d'espaces naturels de Lorraine, "le réchauffement climatique en lorraine menace les zone humides, pourtant essentielles à la survie des dizaines d’espèces végétales, d’insectes et de batraciens". A Pagny-sur-Meuse par exemple, les équipes du Conservatoire ont dû faire des travaux pour faire remonter l’eau de la nappe dans le marais qui était en train de s’assécher.

Avec le réchauffement certains batraciens risquent de disparaitre comme le sonneur à ventre jaune, une espèce qui avait trouvé refuge en Lorraine. Quant aux libellules arctiques qui virevoltent sur les sommets vosgiens, "impossible pour elles d’aller chercher la fraîcheur plus haut, elles sont aussi vouées à disparaitre" selon lui, si l’on ne fait rien pour ralentir le réchauffement.

De gros efforts à faire

Pour donner une idée des efforts à faire, Gerhardt Kinner, climatologue à l’université joseph Fourier de Grenoble, nous explique que pour respecter le scénario optimiste qui permettrait de limiter à 2 ° le réchauffement climatique il faut enclencher très rapidement  une diminution de 2 % de nos gaz à effet de serre par an jusqu’en 2050, et en continu. A titre de comparaison, les confinements successifs de 2020 et l’arrêt du trafic aérien et automobile notamment ont permis de réduire de 7 % nos émission de Gaz à effet de serre l’an dernier. Il faut donc maintenant que des décisions radicales soient prises afin d’inverser la courbe des températures et de limiter les pluies hivernales et les sècheresses estivales. Des solutions qui seront présentées dans le 3e volet du 6e rapport du Giec en 2022.

Qu’en pensent les écologistes ?

Pour Gilles Bilot, secrétaire régionale de EELV Europe écologie les Verts, interrogé dans notre journal régional mardi 10 aout 2021,  ces données ne sont pas surprenantes. Elles viennent le conforter dans l’idée qu’il faut agir très vite ; "On peut encore changer les choses à condition de s’y mettre réellement, de passer aux actes. Il faut débloquer tous les freins administratifs qui empêchent de passer à l’action" a-t-il déclaré sur notre plateau.

Ce garde forestier, écologiste convaincu, constate les conséquences du réchauffement climatique tous les jours en Lorraine : du dépérissement des épicéas à cause de la sécheresse, aux récoltes précoces des céréales et du raisin, quand ce n’est pas la perte d’une partie des productions comme l’an dernier.  

Il appelle les hommes et les femmes politiques de la région, et plus généralement de France à "arrêter de faire de belles promesses, et de passer enfin aux actes".

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