Antoine Deltour a été condamné à un an de prison avec sursis. Salarié du cabinet PricewaterhouseCoopers (PwC, conseils aux entreprises) à Luxembourg, il avait, fin 2014, fait fuiter 30.000 documents révélant les arrangements fiscaux du Grand Duché avec des centaines de multinationales.
Au procès qui s'est tenu il y a deux mois, le procureur luxembourgeois avait refusé le qualificatif de "lanceurs d'alerte". Antoine Deltour et Raphaël Halet (son collègue chez PwC Luxembourg, également français) avaient enfreint la loi et devaient être condamnés. Il avait requis 18 mois contre les deux anciens salariés du cabinet de conseil. Ils risquaient jusqu'à dix ans de prison ferme.
Les peines prononcées ce jour sont symboliques, mais c'est une condamnation malgré tout pour les deux hommes. Le journaliste de France 2 Edouard Perrin, 45 ans, qui avait révélé dans l'émission "Cash Investigation" les pratiques fiscales décriées du Grand-Duché grâce aux documents transmis par Antoine Deltour, a quant a lui été acquitté.
Deltour et Halet devraient faire appel du jugement. L'avocat de Raphaël Halet, Bernard Colin, avait indiqué à l'AFP avant le jugement que son client ferait appel "même pour une condamnation à un euro".
Les deux anciens salariés ont bien évidemment perdu leur job chez PwC. On comprend aisément qu'ils sont un peu tricards sur le marché de l'emploi. Ils ont beaucoup perdu dans cette affaire mais ne regrettent rien.
Grande bouffe
Les documents transmis à la presse montraient que le Luxembourg accordait des "rescrits fiscaux" - en clair, des ristournes - à 350 sociétés, souvent très importantes, implantées dans le pays. Le cabinet PwC négociait ce petits cadeaux avec l'administration locale pour le compte de ses puissants clients. A l'époque, Jean-Claude Junker était Premier ministre du Luxembourg. Devenu président de la Commission Européenne, le scandale Luxleaks l'avait contraint à faire cesser ces arrangements qui pénalisaient évidemment les autres pays de l'Union.Une sorte de reconnaissance officielle de l'utilité du combat d'Antoine Deltour, et plus généralement des lanceurs d'alertes. Environ 200 personnes étaient d'ailleurs rassemblées aujourd'hui devant le tribunal pour apporter leur soutien. Des militants ont organisé un "banquet des multinationales" dont les convives aux couleurs d'Ikea, Amazon, McDonalds... se goinfraient sans retenue.