Malaises d’écoliers dans différentes communes d'Alsace : intoxications réelles ou syndrome collectif inexpliqué ?

Après Kogenheim (Bas-Rhin), le 28 janvier dernier, trois écoles colmariennes ont été le théâtre d’étranges malaises chez des écoliers. Les relevés et tests n’ont rien révélé, par endroits les recherches continuent et un possible syndrome collectif inexpliqué est évoqué.  

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Que se passe-t-il réellement dans les écoles depuis plusieurs semaines en Alsace? Dans le Haut-Rhin, dans les trois dernières semaines, des groupes d'enfants ont été pris de malaise dans trois écoles différentes de Colmar. Etrangement toujours le vendredi. Des analyses ont été faites sur de la nourriture prélevée dans les cantines. L'air et l'eau ont été analysés ou sont encore en cours, mais pas de résultats tangibles pour l’instant.

Le 22 janvier, 23 enfants sont pris de vomissements et de maux de ventre à l’école Jean Macé à Colmar. Vers 15 heures, dans un poste médical avancé -une salle de classe dans ce cas- le médecin des pompiers du STIS 68 sépare les enfants qui se sentent mal, des autres. Il les ausculte, relève leurs symptômes. "Nous n'avons rien trouvé de tangible chez les enfants" explique le pompier, mais il précise que par expérience, ils savent que lorsqu'un enfant vomit, certains aux alentours peuvent être pris de vomissements à leur tour. Si l'un dit qu'il a mal à la tête, d'autres peuvent exprimer la même chose. Une sorte de phénomène de "contagion".

Le 29 janvier, deux enfants de l’école élémentaire Louis Pasteur sont pris eux aussi de vomissements dans le bus qui les ramène de la cantine. Le 5 février, sept élèves de CM2, de l'école primaire Saint-Nicolas ont des nausées et maux de tête.

Les analyses faites sur les lieux n'ont finalement rien révélé. "Des repas ont été prélevés, des mesures de l'air ont été faites pour détecter les gaz incolores et inodores, rien non plus. Mais il y a un niveau de stress ambiant chez les enfants. La première question qu'ils nous posent avec des yeux inquiets, c'est "Est-ce que c'est le covid?". A quoi se rajoutent sans aucun doute les échos des réseaux sociaux. A force d'entendre que des maux de ventre se déclenchent le vendredi dans les écoles, les maux de ventre se déclenchent chez certains." L'astuce du médecin pompier consiste à détendre les enfants, "Dans la deuxième école, un enfant avait son anniversaire, je les ai fait chanter pour lui, ça allait tout de suite mieux". Cette technique de détente lui permet de se rendre compte de ce qui se passe réellement. S'il y a des enfants vraiment malades, ils sont séparés des autres et pris en charge à part. Ce qui ne s 'est pas révélé necessaire dans les écoles où ses équipes sont intervenues. 

Dans ces cas alsaciens, ni intoxication liée au chauffage, ni intoxication alimentaire n'a été décelée. Les protocoles covid ont été vérifiés et ne seraient pas non plus en cause. Ce qui est étrange, c'est la rapidité avec laquelle les symptômes disparaissent. Le lundi, tout va très bien, tous les enfants sont de retour à l’école. 

Le syndrome collectif inexpliqué 

Corinne Droehnle-Breit est psychologue pour enfants et adolescents, près de Strasbourg, depuis trente ans. Ce phénomène collectif, auquel on ne trouve pas vraiment d'explication rationnelle, ne lui est pas inconnu. Surtout en ce moment : "Les enfants sont des éponges émotionnelles et actuellement ils vivent une situation de stress. Normalement le week-end est associé pour l'enfant à des activités qu'il aime. Or en ce moment, tout est arrêté. " En effet, depuis la crise sanitaire du covid, finis les cours collectifs, musique, théâtre, finis les loisirs et jeux de défoulement physique avec pleins de copains. Et pour les parents c'est pareil, à 18 heures, fin de partie. "Avant cette crise, on ne tenait plus les gamins le vendredi, parce qu'ils étaient tout excités en prévision du week-end. Maintenant c'est tout le contraire " explique la psychologue " quand arrive le vendredi, ils sont moroses, comme éteints. Pendant deux jours ils vont être avec des parents inquiets et quasiment privés de liberté."

Depuis la pandémie, cette psychologue reçoit des coups de fil de maîtresses d'écoles qui lui demandent conseil. Face au stress que subissent les enfants, en miroir de celui des adultes, elle leur conseille de les faire bouger autant que possible. Elle leur propose de faire des mini-pièces de théâtres, de simples saynètes peuvent suffire, dans la mesure où le corps est en mouvement. Même des rédactions sont efficaces selon la spécialiste, dans la mesure où elles sollicitent l'imaginaire des enfants. Faire bouger le corps et l'imagination évite les contagions émotionnelles. 

Le phénomène de la chute des dominos

"Le langage émotionnel est plus fort chez l'enfant que le langage parlé," continue Corinne Droehnle-Breit, "quand les enfants, qui sont un peu les "intello" ou leaders de la classe pour différentes raisons, parce qu'ils sont bons en sport ou chef de bande, présentent un mal-être, on peut assister à un effet domino." En fait, si cet enfant charimatique, qui occupe une place particulière dans la classe, va mal et exprime des maux de ventre ou de tête, les autres peuvent ressentir les mêmes émotions. Le malaise vagal du premier peut devenir maux de ventre, ou crampes chez les autres, et quand tout se contracte, les vomissements peuvent survenir. On parle dans ce cas d'une contamination émotionnelle. "Cela arrive aussi chez des adultes, quand une personne référente s'effondre, c'est comme si tout tombait". 

Recréer des perspectives 

Même si en ce moment, les parents sont eux aussi démoralisés et assommés de contraintes, se projeter positivement dans son samedi-dimanche pourrait bien être le début de la fin de la chute. "Il faut un projet de mouvement, organiser des activités physiques, inventer, fabriquer, jouer, sortir prendre l'air. Actuellement, un enfant qui porte des lunettes, un bonnet et un masque est complètement enfermé." Alors c'est peut-être ce qu'il faut faire pour sortir de ces vendredis qui annoncent des week-end tristes, au point où certains enfants en tombent malade. Bouger, même sur un balcon, une terrasse, sauter à la corde, faire de la gym, inventer une histoire, imaginer un futur voyage..."Etre dans l'élan de la vie" suggère la psychologue pour enfants. "L'enfant a besoin de l'imaginaire, où il reprend le contrôle." Voilà, on on en sait peut-être un peu plus sur ces mystérieux malaises dans les écoles et peut-être même comment les éviter ou du moins les réduire. Bientôt carnaval. On peut commencer à fabriquer soi-même son déguisement, son masque. Un autre bien sûr que celui qu'on porte actuellement. Un autre, qui nous fera rêver.

Des phénomènes similaires, ailleurs en France 

Dans le Vaucluse, une école a été fermée à « cause d’un mystérieux phénomène »  apprend-on dans lefigaro.fr. Là-bas, des parents s’inquiètent du port prolongé du masque pour leurs enfants. Serait-il à l’origine de ces malaises, voire d’une intoxication ? un collectif de parents aurait que «Le taux d'oxygène des élèves mesuré par le médecin scolaire par un oxymètre confirme un taux en dessous de la norme». La réouverture de l'établissement serait prévue pour le lundi 15 février. "En attendant, l'agence régionale de santé préconise une surveillance sanitaire renforcée des enfants." conclut l'article. 

Près de Toulouse plusieurs dizaines de cas ont été relevés, comprenant cette fois aussi des parents, mais tout aurait démarré dans une école. Des analyses bactériologiques ont été faites et là aussi l’Agence régionale de Santé indique que "l’hypothèse d’une intoxication par l’eau est écartée." Par contre l'analyse de "plats témoins" prélevés à la cantine est encore en cours.

De nouvelles pistes à Kogenheim 

A Kogenheim dans le Bas-Rhin, où la situation reste également inexpliquée à la mi-février, de nouvelles recherches sont en cours et le maire a peut-être une nouvelle piste. Face à l’inexpliqué de l’événement survenu à l’école élémentaire du groupe René Cassin, dans sa commune, le maire de Kogenheim a pris de nouvelles mesures. (Des traces de monoxyde de carbone avait été relevés sur 22 élèves et 6 adultes, grâce à un appareil de mesure, utilisé par les pompiers, mais les prises de sang faites dans la foulée, n’avaient pas révélé de présence de monoxyde, et il n'y en n'avait pas traces non plus dans les bâtiments.) Le maire a fait appel a une société spécialisée dans la mesure de tous types de pollutions dans l'air, comme les formaldéhydes qui s'échappent pendant longtemps des peintures, des meubles, des murs et des sols. Les mesures sont en cours. Un spécialiste des phénomènes liés aux différences de pressions atmosphériques a également été sollicité.

 

 

 

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