La Warner a annoncé la réalisation pendant dix années d'une nouvelle série tirée des livres Harry Potter de J.K. Rowling. Une partie des fans s'étonne de cette annonce. Explications avec "La Gazette du Sorcier", plus ancien site de fans francophone reconnu.

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La rumeur courait depuis des années, entretenue par pléthore d'articles infondés et sensationnalistes. La confirmation faite le mercredi 12 avril 2023 au cours d'une conférence de presse par la Warner, concernant l'offre de sa future plate-forme de streaming, (HBO) Max, a donc fait l'effet d'une bombe.

On aurait pu croire que l'enthousiasme serait unanime, mais ce n'est pas tout à fait le cas. Bien sûr, beaucoup de personnes sont ravies de l'annonce de la réalisation à venir d'une nouvelle série Harry Potter.

Pour autant, l'ensemble des fans ne partage pas forcément cette allégresse. France 3 Champagne-Ardenne avait déjà parlé avec La Gazette du Sorcier. Il s'agit du plus ancien site de fans francophone (22 ans) sur l'univers du petit sorcier créé par J.K. Rowling (d'origine alsacienne). Un média spécialisé à la qualité journalistique, dont le responsable de la communication Corentin Faniel a une lointaine ascendance dans une maison de champagne.

Il paraissait donc naturel de se tourner à nouveau vers le co-auteur (avec Alix Houllier) de Harry Potter décrypté par ses fans pour prendre la température. Et celle-ci se révèle plutôt tiède, comme on a pu le constater lors d'une soirée spéciale questions-réponses diffusée sur Twitch (voir via le lecteur ci-dessous).

Lors de cette soirée, l'équipe de la Gazette a donné son avis. Il ne s'agit pas de la position de toute la Gazette, ni de l'avis représentatif de son lectorat, ni même de l'ensemble de la communauté de fans (qu'on nomme Potterheads). Il s'agit d'un simple éclairage.

Petit sondage au préalable

Quels sont les retours que vous avez eus ?

"Cela n'a pas valeur de sondage représentatif, mais sur les réseaux sociaux de la Gazette, on a fait un petit sondage. On est littéralement à 49-51%, ça oscille, ça s'inverse. Autant dire que l'opinion est extrêmement partagée. Après, certaines personnes disent être pour, mais dans le sens où elles disent être contentes mais qu'elles auraient quand même préféré avoir autre chose."

Pourquoi cette série a (enfin) été annoncée ?

"On ne peut faire que des suppositions, il n'y a pas de raison officiellement communiquée. Il y a plusieurs facteurs. Le besoin de Warner Bros-Discovery de faire quelque chose de sa licence et continuer à la faire vivre. Rassurer les actionnaires en montant des projets importants à partir des grosses franchises comme Harry Potter, suffisamment puissantes pour porter la croissance de la plate-forme Max." 

"Ce sont des annonces régulières. Il y a quelques années, Warner Bros annonçait qu'ils allaient capitaliser énormément sur le Wizarding World [monde magique de J.K. Rowling ndlr], Batman, et la franchise Lego. Cette dernière, aujourd'hui, on n'en voit plus grand-chose. Et le Wizarding World, manifestement, n'est plus que Harry Potter de nouveau [Animaux fantastiques écartés ndlr]."

"[Également], le constat que Les Animaux fantastiques est un échec, le constat aussi que la pièce de théâtre Harry Potter et l'Enfant maudit sera difficile à justifier s'ils tentent de l'adapter sans les acteurs originaux puisqu'on sait qu'ils ne reviendront pas pour de très nombreuses raisons. Que reste-t-il à faire ? La seule porte ouverte semble être de faire ce qui a déjà fait : réadapter les livres. Peut-être aussi que J.K. Rowling refuse de les laisser créer de nouvelles histoires, ainsi que d'en créer elle-même. D'où le fait qu'ils reviennent sur les livres."

Une annonce troublante d'un point de vue créatif

Pourquoi cette nouvelle série vous fait tiquer d'un point de vue artistique ?

"Les films sont encore assez récents [le premier date de 2001, le dernier de 2011, c'est-à-dire hier d'un point de vue phénomène et industrie du cinéma ndlr]. Beaucoup d'expériences fonctionnent très bien : les parcs d'attraction, la visite des studios [de tournage des films]... qui possèdent les identités visuelles des films, encore très présents dans la culture populaire. C'est très incarné, très populaire, donc on peut se demander quelle est la stratégie derrière."

"Vont-ils essayer de reprendre la même chose, de conserver l'ancien en faisant du nouveau ? Mais ce serait compliqué. De donner une identité visuelle inédite ? Mais à ce moment-là, ça mettrait toutes ces expériences à mal. Comment concilier le fait de vouloir imposer une nouvelle vision, tout en essayant de préserver l'ancienne ? Il y en a forcément une des deux qui va souffrir de la présence de l'autre. Si on pousse la série comme étant la nouvelle représentation officielle, on va inévitablement minimiser ces expériences comme les parcs ou les studios. Et si on les préserve, ça revient à dire que la série n'est qu'une simple redite, ça l'affaiblira [faire oublier certains acteurs emblématiques, comme feu Alan Rickman ayant interprété Severus Rogue, sera aussi très compliqué; ndlr]." 

Que dire du format série ?

"C'est sûr que le format des séries est populaire à l'heure actuelle. Que tous les services de streaming se battent pour essayer d'obtenir le contenu exclusif qui va attirer les abonnés sur leurs plates-formes. HBO, c'était déjà Game of Thrones. La série a rencontré un grand succès. Est-ce qu'on peut vraiment la comparer à une série Harry Potter qui reprend exactement l'intrigue des livres alors qu'il n'y a jamais eu de films Game of Thrones auparavant ? Est-ce qu'on peut véritablement comparer aux Anneaux de pouvoir [préquel du Seigneur des anneaux sur Amazon Prime; ndlr] alors qu'il s'agit d'une histoire différente ? C'est un peu compliqué. C'est sûr que le format est le même mais le succès de ces autres séries n'est pas un indicateur viable pour le succès ou non de la future série Harry Potter."

"C'est une décision logique. Ça fait des années qu'on dit que Warner Bros cherche à faire une série Harry Potter, d'une manière ou d'une autre, et à produire du contenu pour Max. C'est donc une non-annonce, une non-surprise. La surprise réside dans la nature de cette série, qui semble être presque un aveu d'échec quant à la possibilité d'ouvrir le monde magique à autre chose que la saga Harry Potter."

Ça fait des années qu'on dit que Warner Bros cherche à faire une série Harry Potter, d'une manière ou d'une autre, et à produire du contenu pour Max.

Corentin Faniel, directeur de la publication de la Gazette du Sorcier

"Il est aussi certain que le format série ne va pas pouvoir apporter la même chose qu'un film. On ne va pas pouvoir calculer les bénéfices et la réussite de la même manière. Les abonnements [sont un critère], mais ils sont payés pour l'ensemble du contenu. Le nombre de personnes qui ont regardé [en est un autre] mais à quel point les gens vont prendre un nouvel abonnement pour regarder cette série ? Et à quel point cet abonnement va-t-il être maintenu dans le temps ? C'est un calcul compliqué. Le retour sur investissement est extrêmement spéculatif à l'heure actuelle. Les Anneaux de pouvoir : on disait que seulement 37% de l'audience américaine avait regardé la série jusqu'au bout [45% en France; ndlr]. Cela montre que le format série n'est pas une garantie de succès. Et que s'engager sur dix ans pour un projet comme ça, c'est extrêmement ambitieux."

Un commentaire sur l'éventuelle redite ?

"Il y a la décision de reprendre la même histoire [les sept tomes suivant l'épopée de Harry; ndlr]. Alors qu'il y avait un potentiel énorme dans plein d'autres histoires [inédites] attendues par les fans [origines de Poudlard, jeunesse de Voldemort, épopée des Maraudeurs, première guerre des sorciers... certaines et certains ont d'ailleurs tenté de les adapter parfois avec un haut degré de sophistication ndlr]."

Au sujet du caractère inédit, pourquoi revoit-on les mêmes noms à la production des films et de la nouvelle série ?

"On revoit les mêmes financeurs, les mêmes noms à la production exécutive. Mais ce n'est pas forcément étrange de les retrouver. Ce sont les personnes qui gèrent la marque, l'univers Harry Potter, qui mettent leur argent pour avoir un pouvoir décisionnaire dessus."

Le rôle de l'autrice

Que penser de la présence de J.K. Rowling dans ce nouveau projet ?

"J.K. Rowling était productrice sur la fin des films. Elle était d'abord consultante. Cela paraît être une évidence pour certains [qu'elle soit présente pour cette série], vu qu'elle a façonné cet univers et qu'elle a toujours eu son mot à dire sur celui-ci. Mais sa présence pose inévitablement beaucoup de questions."

Il y a d'une part son militantisme transphobe [on va au-delà d'une petite phrase anodine prononcée à une occasion, mais plutôt sur des années d'activisme, publicité, voire financement de positions à ce sujet; ndlr]. Il y a aussi ceux qui posent son implication comme un gage de qualité, alors qu'elle a été impliquée dans des projets qui ont reçu une critique mitigée ces dernières années, dont les Animaux fantastiques actuellement dans les limbes... Il n'y a aucune garantie que sa présence apporte du succès à cette nouvelle série. Ce n'est qu'une question de gestion de l'image de cette marque."

Que dire du fait que J.K. Rowling participe en promettant une adaptation authentique, quelle image cela donne des films originaux ?

"Sa déclaration est paradoxale. Depuis des années, elle affirme que les films sont une représentation incroyable de son histoire et qu'elle n'aurait jamais pu rêver mieux. Que les acteurs choisis étaient parfaits et extrêmement fidèles à sa vision. Si on part là-dessus, comment pourrait-on faire mieux ? Les opinions peuvent évidemment évoluer avec le temps, on peut changer d'avis et estimer maintenant qu'il faut traiter d'aspects supplémentaires ou vouloir ajouter des scènes des livres qui ont dû être sautées pour les films."

Ça peut sonner comme un désaveu [par J.K. Rowling] de ce qui a été fait par le passé.

Corentin Faniel, directeur de la publication de la Gazette du Sorcier

"Mais sa vision de ce nouveau projet est clairement un paradoxe. Ça peut sonner comme un désaveu de ce qui a été fait par le passé. Libre à chacun de spéculer sur les raisons de ce dernier : je ne m'y risquerai pas."

Quelques apports bénéfiques

Qu'est-ce que cette nouvelle série pourrait amener de bien ?

"Une nouvelle vision artistique, mais ce n'est même pas encore une garantie que ce soit le cas. On pourrait aussi pouvoir ouvrir à d'autres histoires si cette série rencontre le succès. Ils pourraient se dire pouvoir faire d'autres séries, pour d'autres [histoires de cet univers]. Mais c'est un point positif qui dépend d'une condition incertaine... Il y a aussi une occasion d'amener plus de diversité, ce qui est nécessaire pour séduire un nouveau public : ce serait une bonne chose en soi. "

Quid de la possibilité d'inclure des scènes jamais tournées ?

"Ce serait chouette d'avoir des scènes qui ne figuraient pas dans les films originaux. Mais je suis personnellement convaincu que ces scènes auraient pu trouver leur place dans des contenus inédits, un format dédié. Ces scènes ne justifient pas en elles-mêmes un reboot. Des gens diront peut-être être contents de voir des souvenirs de Voldemort dans la sixième saison. Certes mais une série sur l'enfance et l'adolescence de Voldemort aurait pu permettre de les avoir. D'autres le seront de voir un peu plus l'histoire des Maraudeurs dans la troisième saison, oui, mais une série sur leur histoire aurait apporté la même chose, de manière encore plus développée."

Et de celle d'ajouter des scènes "bonus" non-présentes dans les livres ?

"C'est difficile de savoir : il n'y a pour l'instant aucun showrunner ou scénariste qui peuvent amener leur vision, suggérer qu'on puisse ajouter des éléments depuis des [sources additionnelles]. Mais si J.K. Rowling veut être fidèle à ce qu'elle a déclaré, à ce qui a été fait, il y a inévitablement des éléments non-présents dans les livres [mais présents dans les films] qui figureront - et doivent figurer - dans la série. Elle a précisé qu'Anthony Goldstein [un personnage tertiaire de la maison Serdaigle; ndlr] était juif : comment ils vont le représenter ? Elle a mentionné que Dumbledore était homosexuel : comment ils l'intégreraient ? Ce sont des éléments qui font maintenant partie de l'histoire créée par J.K. Rowling par ses propres déclarations [on parle du canon de l'oeuvre, qui émane de diverses sources dont la pertinence n'est pas toujours reconnue ndlr]. Soit ces éléments ne sont pas intégrés, et on pourra dire que la série n'est pas si fidèle que ça à l'histoire [dans sa globalité]. Soit ils sont intégrés, et donc ce sont des ajouts par rapport au livre." 

Peut-on anticiper l'émergence d'une nouvelle génération Harry Potter ?

"Peut-être que oui; peut-être que non. C'est très dur à dire. Ça dépendra du ton adopté par la série. Est-ce qu'elle s'adressera à des enfants ? Pourront-ils la regarder ? Sera-t-elle aussi enfantine que les premiers films [la saga a vieilli avec son premier public et a adopté un ton de plus en plus sombre après des débuts assez joyeux ndlr] ? Si la série ne s'adresse pas à ce public, inévitablement, elle ne pourra pas créer une nouvelle génération de fans. Si elle est déconseillée aux moins de 12 ans ou aux moins de 16 ans - ce serait improbable - c'est à voir. Impossible de le savoir aussi tôt."

La série sera-t-elle aussi enfantine que les premiers films ? Si la série ne s'adresse pas à ce public, inévitablement, elle ne pourra pas créer une nouvelle génération de fans.

Corentin Faniel, directeur de la publication de la Gazette du Sorcier

"Si elle s'adresse à un jeune public, est-ce que ce public sera réceptif ? On sait que les nouvelles générations sont beaucoup plus progressistes que les anciennes, et que les sujets de société sur TikTok, par exemple, sont approchés de manière très différente. L'opinion de J.K. Rowling et du Wizarding World [de ces sujets n'est plus du tout perçue de la même manière] dans plein de milieux."

"À noter aussi que si Harry Potter, à l'époque, était un phénomène inédit et a véritablement lancé une littérature pour jeunes adultes, aujourd'hui Harry Potter n'est plus unique. De très nombreuses sagas, qui ont un succès considérable, attirent les jeunes générations. Certains univers sont très appréciés, même si le phénomène n'a plus la même portée, simplement par le fait qu'il y en a tellement aujourd'hui qu'on ne peut plus en avoir une seule qui domine. On voit bien que Harry Potter n'est plus seul sur son créneau. Ce qui veut dire potentiellement que la nouvelle génération traitera cette série comme toute autre série, et non pas comme un phénomène, un monolithe, un monument culturel [comme les livres et les films]."

Que sait-on sur les noms, dates, éléments de cette future série ?

"Il y a des bruits de couloir qui évoquent 2025. Ce serait l'objectif pour le lancement de la série. Mais ce sont des spéculations et des espoirs. Ça ne garantit pas que ça sera le cas. Ce qui est sûr, c'est qu'il faudra attendre plusieurs années. Et que d'ici là, les choses auront encore bien le temps de changer. Ça dépendra de beaucoup de choses, dont le succès de la plate-forme de streaming Max d'ici-là. De l'impact de la saga d'ici deux encore, de la réaction du public... Il y a beaucoup de flou. Tout ce qu'on sait, c'est cette volonté de créer une série sur la base des livres."

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