Aurélien Pelluet a 16 ans. Depuis septembre dernier, il a rejoint les Compagnons du Devoir en apprentissage pour devenir machiniste agricole. Une filière qu'il a choisi "pour ne pas rester derrière un bureau". Nous l'avons rencontré avec ses camarades.
Le cours de dessin industriel terminé, Aurélien Pelluet sort s'aérer cinq minutes. Les yeux encore légèrement plissés par la concentration du cours théorique, l'apprenti machiniste agricole a besoin d'une pause. "Après le dessin, les élèves sont toujours mutiques, ce qui n'est pas l'idéal si vous voulez recueillir son témoignage", conseille Mathieu Sammut, son formateur, dans un sourire.
Aurélien apprend le machinisme agricole dans la maison des Compagnons du Devoir de Muizon dans la Marne, où une dizaine de formations sont enseignées à des jeunes comme lui. Des moins jeunes aussi, qui sont en conversion professionnelle, mais qui eux, contrairement à Aurélien, ne feront pas partie des Compagnons du Devoir. En revanche, ils obtiendront un diplôme professionnalisant.
Voir notre reportage
A la fin de sa troisième, le Normand d'origine savait déjà ce qu'il voulait faire. Plutôt que de continuer en seconde générale, "sur une chaise et derrière un bureau", Aurélien a immédiatement choisi l'apprentissage : "Depuis tout petit, j'ai su que je voulais travailler sur des engins agricoles. Mes parents sont agriculteurs, je n'ai pas voulu perdre de temps avec des études qui ne me conviendraient pas."
En rejoignant les Compagnons du Devoir, Aurélien s'est aussi engagé dans un parcours de vie spécifique. En plus d'assister aux cours théoriques pendant deux semaines, il enchaîne par trois ou quatre semaines en entreprise, chez lui en Normandie. "Comme quoi, je ne l'ai pas encore totalement quittée, ma Normandie natale", s'amuse-t-il.
[Témoignage] : Aurélien, en apprentissage chez les Compagnons du Devoir à Muizon
Un salaire à 50% du Smic
"Qui dit travail, dit salaire, ajoute Mathieu Sammut. L'apprentissage responsabilise les jeunes, qui perçoivent un salaire et donc, doivent fournir un travail en conséquence." Payé la moitié du Smic, Aurélien profite donc d'une certaine autonomie financière et le contact avec l'entreprise : "Je ne me voyais pas derrière un bureau. En entreprise, entre la maintenance, le service après-vente... je fais tous les jours des choses différentes."Outre les matières classiques du centre de formation et d'apprentissage (CFA), les compagnons du devoir astreignent leurs élèves à une discipline irréprochable. "Un élève qui vient à l'heure en cours est un travailleur qui sera ponctuel en entreprise", souligne le formateur.
En plus du cadre et de la discipline, les compagnons dispensent d'anciennes matières qui ne sont plus enseignées dans les CFA classiques, comme le dessin industriel. "C'est une matière jugée inutile aujourd'hui, car tout se fait par informatique, déplore Mathieu Sammut. Pourtant, le dessin industriel permet aux élèves de s'imposer une certaine rigueur et de comprendre comment fonctionnent les pièces qu'ils manipulent."
[Témoignage] : Mathieu Sammut, formateur chez les Compagnions du Devoir
Ce sont notamment ces deux points qui ont mené Aurélien, polo boutonné jusqu'au col, vers les Compagnons :
J'aime ce côté carré, être dans le droit chemin. Le dessin, c'est important car il faut être méticuleux et s'appliquer.
Des enseignements qui plaisent aux recruteurs. "Surtout en machinisme agricole, insiste le compagnon. Pendant longtemps, les élèves n'étaient pas au niveau en sortant de CFA. Avec les compagnons du devoir, les employeurs savent qu'ils démarchent une institution avec de bons éléments."
Aujourd'hui, ils nous sollicitent tous les jours.
Les compagnons du devoir, une exigence et un Tour de France
Les compagnons du devoir existent depuis plus de huit siècles, et sont regroupés en association loi 1901. Ils sont présents dans tous les corps de l'artisanat : de la restauration en passant par le BTP et la maroquinerie.A la maison des compagnons de Muizon, dans la Marne, une dizaine de formation sont dispensées, dont la ferronnerie, le machinisme agricole ou encore la serrurerie.
Les compagnons, une série de rites
A l'issue de leur formation en CFA, les apprentis deviennent des aspirants. C'est à ce moment-là qu'ils effectuent leur Tour de France. Une à deux fois chaque année, ils changent de ville et d'entreprise et logent dans les maisons de compagnons.
Après la "cérémonie de réception", l'aspirant devient compagnon et poursuit son voyage dans les mêmes conditions pendant une ou deux années. Il acquiert d'ailleurs un nom de compagnon : dans le cas de Mathieu Sammut, on le nomme "Tourangeau Va Sans Crainte", qui correspond ici à sa région d'origine et à un trait de caractère. Dans d'autres branches, ce trait peut être remplacé par une qualité à développer.
En plus de son travail, il forme les jeunes dans les maisons de compagnons. A l'issue de ces deux ans, il peut enfin organiser sa sédentarisation.