Menacé de mort, Jean-Faustin Mondoko a dû fuir la République Centrafricaine. Il a trouvé refuge à Reims en 2013. Cinq ans après, son épouse et ses quatre enfants ont obtenu leurs visas pour le rejoindre. Nous avons filmé les derniers jours de la famille à Bangui avant leur départ pour la France.

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Son pays, la Centrafrique, lui est devenu hostile. Jean-Faustin Mondoko, photographe pour le gouvernement au début des années 2000, est torturé et laissé pour mort après le coup d'État de François Bozizé. En 2013, lors de la guerre civile qui ravage le pays, il est à nouveau menacé.

Athlète de haut niveau, coureur de fond, Jean-Faustin profite d'un déplacement à Lyon avec la délégation centrafricaine d'athlétisme pour fuir son pays. Et rester en France. Le choix a été compliqué, car il sait que sa femme et ses quatre enfants sont confrontés là-bas à des violences extrêmes.

A Reims, où il vit désormais, il a trouvé des amis auprès de l'Église évangélique. Ses réunions hebdomadaires avec ses "frères" l'aident à tenir bon. Le sport lui permet aussi de réussir son intégration en France. Dans son nouveau club d'athlétisme, le Dac de Reims, il officie comme entraîneur. L'athlétisme lui offre ce qui lui manque le plus, une grande famille.

D'un continent à l'autre

Cinq ans se sont écoulés depuis la fuite de Jean-Faustin Mondoko. Ces années de démarches, d'attente et de solitude lui ont permis d'obtenir son titre de séjour et la protection subsidiaire de l'État français. Il a récemment reçu son livret de famille et et le droit de faire venir ses proches en France.

En janvier 2018, son épouse Nelly-Franceline et leurs quatre enfants, Naomie, Jefferson, Vérane et Patrick obtiennent leurs visas français. Ils s'apprêtent à rejoindre leur mari et père, mais aussi à quitter leur famille, leurs amis, leur vie à Bangui, la capitale centrafricaine.

La séparation s’achève le 5 février 2018, où, à l'aéroport d'Orly, la famille est enfin réunie.

Une équipe de France 3 Grand Est est partie à Bangui, la capitale centrafricaine, en janvier pour filmer les derniers jours de la famille Mondoko avant le grand départ pour Reims. Beaucoup d’émotion pour ces derniers instants de vie dans leur pays. Si les enfants sont heureux de retrouver leur père, ils partent aussi pour l’inconnu.

Un reportage de 26 minutes à découvrir ICI :

Diffusions : le dimanche 29 avril et le mercredi 2 mai, après le Soir 3, dans l'émission Enquêtes de Région.

Voir quelques photos​

Interview d'Isabelle Forboteaux, journaliste à l'initiative du reportage

Comment est né ce projet de documentaire ?
I.F. : Il est né de la rencontre avec Jean-Faustin Mondoko qui est réfugié à Reims depuis juillet 2013. Un de mes collègues avait fait un premier reportage sur lui parce que c'est un athlète de haut niveau qui était à l'Esfra à l'époque (ndlr, club d'athlétisme rémois bien connu). La Centrafrique est un pays que je connais bien. J'ai rencontré Jean-Faustin dans ce cadre-là et nous sommes restés en contact jusqu'au moment où il m'a dit "J'ai mes papiers, ça fait quatre ans que je me bats, j'ai obtenu la réunification familiale". Et là je me dis qu'il y a une belle histoire, une vraie histoire à raconter.

Pourquoi avez-vous souhaité raconter cette histoire ?
I.F. : Je voulais raconter l'histoire de tous ceux qu'on appelle banalement des migrants, qu'on a appelé avant des réfugiés et qu'on appelait encore avant des boat people, tous ces gens qui arrivent sur un territoire qui n'est pas le leur et qui ne quittent pas leur pays par gaieté de cœur. Ils partent parce qu'ils sont menacés, parce que c'est la guerre, parce qu'ils savent que demain, après-demain, ils vont mourir. C'est cette histoire-là que j'avais envie de tenter de raconter à travers l'histoire de cette famille. Jean-Faustin a été torturé, mutilé. Il a été menacé de mort. Il est resté en France parce que s'il repartait là-bas, il allait mourir. Sa famille aussi avait cette chape de plomb sur la tête. Elle est partie au Cameroun pendant un temps pour se réfugier. Elle a vécu les pires horreurs pendant la guerre. Il faut que les gens sachent que ces "migrants" ne viennent pas en France, en Allemagne, en Angleterre, en Europe parce qu'ils ont envie de venir, mais parce qu'on les pousse à partir de chez eux.

Est-ce difficile de tourner en Centrafrique ?
I.F. : C'est difficile si on ne prépare rien. En Centrafrique, on ne peut pas tourner sans autorisation de tournage. Ce n'est pas comme ici en France où l'on peut tourner sur la voie publique. En Centrafrique, il nous faut des autorisations du ministère de la Sécurité publique, de la Présidence de la République pour pouvoir tourner quel que soit l'endroit. Ensuite, il faut être proche des habitants, se présenter aux policiers, aux représentants de quartier. Nous avons pu tourner tout ce qu'on avait prévu de faire parce que tout un travail en amont avait été mis en place.

Comment préparer un reportage à des milliers de kilomètres ?
I.F. : C'est un pays que je connais, c'est un pays où je suis allée en 2012, en 2013, en 2016, en 2017. C'est un pays où j'ai des attaches, où j'ai un réseau. Je ne me serais pas lancée dans cette histoire sans avoir la connaissance précise de Bangui, de la Centrafrique, et sans avoir sur place des gens de confiance qui ont pu travailler pour nous pendant des semaines pour pouvoir décrocher ces fameuses autorisations. Cela ne s'improvise pas. C'est un pays difficile, un pays où la misère est à tous les coins de rue, c'est un pays très instable politiquement, très instable au niveau de la sécurité. Il faut prévoir les déplacements, les autorisations, avoir quelqu'un en permanence avec nous, ce qu'on appelle communément un "fixeur", qui connaît la façon de faire de la population.

Qu'est-ce qui vous a le plus marqué lors de ce reportage ?
I.F. : On a beaucoup pleuré, on a beaucoup ri aussi. C'est un pays que je connais bien. Mais je n'avais pas vécu à ce point immergée dans la population, immergée dans les quartiers. C'est un pays où l'on bascule très vite dans la misère et où on peut vivre aussi de grandes joies avec ces gens qui, grâce à un groupe de musique, reprennent l'espoir, chantent, rient et retrouvent le sourire et tout ça en repartant ensuite vers leur vie très difficile. On est passé par tous les stades d'émotions. On a vécu dans les quartiers avec les gens et on a fini dans le bureau du Président de la République. Vous imaginez le grand écart entre l'un et l'autre. C'est aussi cela que l'histoire raconte.

Qu'en est-il de la famille de Jean-Faustin aujourd'hui ?
I.F. :C'était l'euphorie des retrouvailles, cela faisait presque cinq ans qu'ils ne s'étaient pas vus. Mais le départ a été un déchirement pour eux. Le petit, Patrick, vit les choses différemment parce qu'il a 5 ans et demi. Mais pour Nelly, la maman, et pour les plus grands, Vérane, Jeff et Naomie, qui ont 12, 13 et 17 ans, leur pays, c'est la Centrafrique. Ils ont reconstitué leur noyau familial et, en même temps, ils se trouvent confrontés à la vie française et à l'administration française. Si Patrick a fait sa rentrée des classes très vite après les vacances de février, les trois grands sont toujours à la maison. Ils ont passé leurs tests de niveau, mais n'ont aucune nouvelle de leur entrée possible au collège, au lycée. Ce sont des enfants qui n'ont qu'une envie, se refaire des copains ici, rentrer dans leur vie française. Ils sont francophones, ils ont sans doute un niveau scolaire qui n'est pas le même que les Français mais il faut les insérer dans cette vie-là. C'est comme ça qu'ils vont s'installer en France. Ce sont des enfants mineurs, l'état français doit les scolariser.

Comment va la République centrafricaine en ce moment ?
I.F. : C'est un pays qui ne se remet pas de la guerre civile. L'instabilité politique demeure, l'instabilité sécuritaire demeure. Aujourd'hui, le pays est occupé à près de 80% par des mercenaires qui sont sur des points stratégiques, c'est-à-dire les richesses. Le pays ne va pas bien. Le niveau monte d'un cran en ce moment. Les Centrafricains commencent à refaire des provisions. Ils ont vécu de telles horreurs pendant ces trois années et demie de guerre qu'ils sont effrayés rien qu'à l'idée que ça puisse recommencer. Les prochaines semaines seront décisives pour savoir si le pays bascule à niveau ou si le gouvernement tient le coup, mais ce n'est pas simple du tout.
 

Voir l'interview d'Isabelle Forboteaux, journaliste pour France 3 Champane-Ardenne

 

 

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