Ils sont producteurs d'asperges ou de fraises dans la Marne ou dans l'Aisne. Ils travaillent habituellement avec une main d'oeuvre étrangère. Mais Covid oblige, ils se sont réadaptés de façon surprenante pour écouler leur stock.
"Moi, je n’ai pas de problème de main d’œuvre car je ne fais pas appel à du personnel venant de l’étranger." Patrice Richard est serein.
Fraises en fleurs
Dans un mois, la récolte de fraises va commencer mais il n'y a pas de quoi inquiéter ce maraîcher de la rue de Mars, bien connu des Rémois : "je fais appel à 4 ou 6 personnes venant de la région toujours les mêmes et ce depuis des années !" D’ailleurs, la récolte de fraises ne connaît pas le covid-19 : "la mise en production des fraises se fait 1 an à l’avance donc ça ne change rien." Le maraicher produit une seule sorte de fraise, la Charlotte. Pas de peur non plus de ne pas la vendre car explique-t-il "la fraise reste un achat impulsion" mais l'agriculteur est en revanche plus discret sur les volumes de production.Depuis le début de la pandémie, le commerçant a revu totalement ses façons de vendre ses produits. La boutique n’a jamais baissé le rideau. Il a mis en place un système permettant de respecter les règles sanitaires, pas plus d’un client dans le magasin avec une chose importante : "le client ne touche jamais la marchandise ici. Alors qu'en grande surface, la laitue a déjà été touchée 6 à 7 fois avant de finir dans votre chariot !"
Ce côté sanitaire rassure la clientèle qui ne boude pas ce commerce. Alors bien sûr, il ne vend plus sur le marché du Boulingrin, fermé par décision municipale mais s’est reporté sur d’autres marchés comme Witry-les-Reims, Ludes ou Sillery.
Les livraisons à domicile, entre 30 et 40 par jour font que Patrice Richard n’a aucun mal à écouler sa marchandise, il se dit même être en "tension".
Tomates en berne
Il a pourtant une inquiétude. Cela concerne les tomates. "Comme pour la production de fraises, cela s’anticipe de longs mois en amont, 6 mois précisément," explique le maraîcher.Ses tomates de toutes les couleurs, dont il produit une vingtaine de variétés, sont de type "anciennes". Très qualitatives, elles poussent sans engrais. Mais à la différence des autres légumes, le maraîcher y consacre la moitié de sa production, dont le chiffre reste là encore secret, aux grandes tables comme les Crayères.
C’est un des dommages collatéraux du Covid. Les restaurants étant fermés jusqu’à nouvel ordre, il craint de perdre cette production qu’il ne pourra pas écouler autrement. Des tomates qui ont fait une partie de sa renommée. Patrice Richard les cueille lui-même en raison de leur fragilité.
Tout est loin d'être rose dans ce contexte. Sébastien Beauvais, installé dans l'Aisne, accuse le coup : "les marchés représentent 70 % de mes ventes, depuis le confinement , c'est compliqué."
Chiffre d'affaires en berne
Lui comme beaucoup d'autres s'est organisé. Il constitue une centaine de paniers chaque jour, cela lui permet d'écouler les produits de son exploitation, asperges ou pommes de terre."Cela me prend un temps fou, je reçois beaucoup de commandes" se félicite-t-il, il a même du mal à suivre. Mais c'est à tempérer car lui qui vend notamment sur le marché du Boulaigrin n'a qu'une hâte, c'est qu'il rouvre : "certes, j'écoule ma production mais je ne fais pas de chiffre," confie-t-il.
"Je vis au jour le jour, mais heureusement, je ne devrais pas avoir d’asperges qui me restent sur les bras." C'est sur son exploitation que nous recueillons le sentiment de Benoît Wiart, maraîcher installé dans l’Aisne, à Menneville, aux confins de la Marne. "Evidemment au début de la pandémie alors que la récolte d’asperges pointait le bout de son nez, ça a été le branle-bas- de combat. Comment faire pour ne pas perdre 10 hectares de production ?"
Car côté cueilleurs étrangers, il lui a été impossible de faire venir qui que ce soit en période du confinement "à part 2 ou 3 personnes qui étaient déjà présentes depuis mars, j’ai dû me réorganiser." En temps normal, ce sont au moins 10 employés vacataires qu’il fait venir. Du coup, il a dû se tourner vers une main d’œuvre française.
Système D et huile de coude
Une main d’œuvre qu’il a formée mais qui, confesse Benoît Wiart, est "moins performante." C’est logique, ils n’ont pas l’habitude et "certains même abandonnent au bout d’une matinée". Il faut dire que le travail est physique ! L'agriculture a même calculé qu’il lui faut 30 % de bras supplémentaires pour accomplir la même tâche.Des appels pour venir sur son exploitation "j’en reçois tous les jours, même le dimanche" et il a même des restaurateurs en chômage partiel qui le contactent. L'un d’eux vient d’ailleurs de Betheny, près de Reims.
Récolte en forme
Donc la récolte d’asperges s’annonce sous les meilleurs auspices. Au final, il y aura assez de bras. Mais il reste le problème de l’écoulement de la marchandise. A la différence des autres maraîchers, lui ne vend pas sur les marchés mais pour partie à la ferme ou encore en livraison pour le particulier mais surtout il fournit la grande distribution : "Leclerc m’achète 60 % de ma production."Une asperge vendue selon les magasins (il commerce avec 8 magasins de l’enseigne de la région depuis 2012) en cette fin avril entre 7,90 et 8,90 € et "qui trouve sa clientèle" dit, tout sourire, Benoît Wiart.
Le maraîcher se prépare aussi à récolter ses fraises. 3000m2 de fraises sous-serres, notamment la variété Cléry. Il fera appel à la même main d’œuvre française, que celle des asperges : "Oh, il y aura bien un peu de casse car c’est un fruit fragile, d’autant qu’on ne cueille ici que des fruits à maturité mais ça v aller ! "
Une fraise qu’il espère pouvoir vendre sans trop de difficultés. Le producteur est dans la place depuis 1980. "Depuis le début de la crise, tout le monde a joué le jeu," explique-t-il. Une sorte de solidarité qui lui fait chaud au cœur.