Les petits poucets de Coupe de France de football ont rencontré les ogres de la Ligue 1. Un 32e sans surprise où les gros n’ont fait qu’une bouchée ou presque des petits. Dinan, équipe de National 2, recevait le Stade de Reims pour une très belle fête, entachée par la décision des dirigeants rémois de ne pas laisser au club de Dinan-Léhon la moitié de la recette de la billetterie. La tradition voulant que les clubs pro offrent leur part aux clubs amateurs.
"Ce fut une très belle fête. La rencontre s’est très très bien passée avec les dirigeants, les joueurs de nos deux clubs, explique Laurent Dartois, président du football Club de Dinan-Léhon. Dommage qu’à la fin, les dirigeants du Stade de Reims soient venus nous réclamer la moitié de la recette, soit 12 000 euros".
Le président breton est plus dépité qu’en colère. "Nous les avons accueillis dans notre stade du Clos Castel, invités à manger et reçus en soirée VIP après, tout frais payés, reprend Laurent Dartois. Le président Caillot n’était pas là, c’était son fils, mais il ne brille pas par sa solidarité. Alors bien sûr, ils sont dans leurs droits, mais ce sont des choses qui ne se font pas. Je vais vous, dire, ajoute-t-il, nous, nous laissons toujours la recette aux plus petits que nous et pour ce 32e de finale, nous allons en reverser une partie au Téléthon. Le Stade de Reims avait aussi cette possibilité, ils ont coché non".
Du rêve au cauchemar : la marge est faible
Thionville Lusitanos, équipe de National 3 recevait Marseille. L’US Revel, club de Régional 1 recevait le PSG. Des affiches inédites pour ces joueurs amateurs et des supporters qui ne se sont pas fait prier pour assister aux rencontres. Carton plein pour les deux clubs en termes de remplissage de stades.
28 000 personnes au Stade Saint-Symphorien de Metz où se déroulait la rencontre Thionville-OM. "C’est une vraie satisfaction, déclare François Ventrici le président du club mosellan. Sur le plan sportif, nous avons réalisé une très belle prestation et nous avons presque fait jeu égal avec les marseillais. Sur le nombre d’occasions, on ne peut pas dire qu’ils en aient eu beaucoup plus que nous".
Il y avait un risque financier. J’ai fait un mail au président marseillais Pablo Longoria pour organiser la rencontre et connaître les intentions du club quant à la recette de la billetterie.
François Ventrici, président du club de foot de Thionville Lusitanos
Accueillir l'OM est, certes, un événement à ne pas rater. C'est aussi un moment de gros stress pour les "petits clubs" qui ont la lourde de tâche de l'organisation de la rencontre. Il faut être à la hauteur sans se mettre en danger. Répondre à toutes les contraintes administratives, de sécurité, tout en se préparant sportivement et mentalement. C'est pour cela, qu'avant d’envisager de jouer dans un stade de 28 000 places, le président Ventrici a pris les devants. "A l’annonce du tirage au sort, j’étais ravi, tout le monde était sur son petit nuage. Mais, si on n’anticipe pas, le rêve peut très vite se transformer en cauchemar. J’ai pris les devants, car on ne savait pas que nous allions remplir le stade. J’ai prévenu les collectivités locales car il y avait un risque financier. J’ai aussi fait un mail au président marseillais Pablo Longoria pour organiser la rencontre et connaître les intentions du club quant à la recette de la billetterie".
Le président Longoria ne répondra pas à son homologue mosellan, mais François Ventrici est vite rassuré. En 48 heures, les 28 000 places du stade Saint-Symphorien sont vendues, c’est le soulagement. "Il ne m’a pas répondu, précise le président de Thionville, mais le jour du match, les dirigeants nous ont tout de suite précisé que la totalité de la recette serait pour notre club". Les bonnes nouvelles se sont donc enchainées pour que la fête soit vraiment belle. "Nos dépenses prévues sur ce match, c’est 300 000 euros. Nous n’avons pas encore fini les comptes, nous attendons de recevoir toutes les factures, mais au pire nous ferons une opération blanche, au mieux il nous restera entre 50 000 et 80 000 euros. Nous avons un petit budget de l’ordre de 800 000 euros".
Nous avons dû prévoir 170 stadistes pour assurer la sécurité à l’entrée des supporters et pendant le match. Nous savions que les renforts de policiers et de gendarmes nous coûteraient 60 000 euros.
Didier Roques, président du club de foot de l'US Revel
La parole des Parisiens
Revel aussi n’en revient toujours pas d’avoir reçu le PSG en 32e de finale de Coupe de France. "En Régional 1, en championnat, nous jouons devant 100 personnes, sourit le président Roques. Contre Blagnac au 8e tour c’était 1000 personnes et là, face au PSG 10 000 supporters. C’est fou. Tout le monde sait où se trouve Revel aujourd’hui".
Une rencontre inédite et une organisation qui l'était également. "Nous avons joué sur le stade de l’équipe de rugby de Castres qui n’était plus homologué pour le football, reprend le président de l'US Revel. Nous avons dû faire face à quelques problématiques techniques et administratives. Mais les villes de Revel et de Castres ont parfaitement collaboré". L’homologation obtenue, d’autres inquiétudes d’ordre financier sont arrivées.
"On savait que le coût de l’organisation serait très élevé, précise encore le dirigeant. Par exemple, nous avons dû prévoir 170 stadistes pour assurer la sécurité à l’entrée des supporters et pendant le match. Nous savions que les renforts de policiers et de gendarmes nous coûteraient 60 000 euros. Dès le début, lorsque nous avons appris que nous jouions le PSG, nous sommes entrés en contact avec les dirigeants. Paris laisse traditionnellement sa recette et ils nous ont donné leur parole que ce serait le cas. Nous avons tout fait pour satisfaire leurs demandes et ils ont respecté leur engagement".
L’US Revel n’a pas encore bouclé les comptes de cette rencontre, "mais ce sera positif, précise encore Didier Roques le président. Entre 50 et 100 000 euros. Nous avons à peu près 250 000 euros de billetterie, moins les frais". Sans compter les autres recettes de buvette notamment.
Une autre galaxie
A Dinan, la joie d’avoir joué le 32e de finale de la Coupe de France n’a pas été gâché par ces 12 000 euros en moins dans la caisse, et demandés par le Stade de Reims. Sportivement, le club est fier de ses joueurs, de ses bénévoles qui ont passé des heures a préparé cette rencontre face aux rémois. "C’est la troisième fois que nous atteignons ce niveau. Face à Brest et Guingamp les années passées tout c’est aussi très bien passé mais ils n’ont jamais fait ça, reprend Laurent Dartois, le président. C’est comme quand on va au restaurant, lorsque l’on est contents de la prestation, on peut laisser un pourboire".
L’attitude des dirigeants du Stade de Reims est un véritable pied de nez à nos bénévoles. Nous ne jouons pas dans le même monde.
Laurent Dartois, Président du club de foot de Dinan Lehon
Les dirigeants du Stade de Reims ne seraient-ils donc pas satisfaits de la réception de Dinan ? Auraient-ils des reproches à formuler au club ? Conditions de jeu, petit stade sans beaucoup de supporters ? Des demandes d’interview ont été formulées au service communication comme à Jean-Pierre Caillot, le président. Elles sont restées sans réponse.
"Nous avions envisagé de jouer cette rencontre sur le terrain du Stade Rennais, se souvient encore Laurent Dartois, le président de Dinan. J’ai de très bonnes relations avec le président. Nous savions que cela représentait des frais de location et d’électricité. Mais quand je vois ce qui s’est passé, ce n’est pas 7000 billets qu’il fallait vendre, mais le double. J’aurais pu mettre à mal mon club en jouant à Rennes". Le président Dartois a vraiment du mal à accepter la situation. "Ces 12 000 euros représentent ce que nous donne un gros mécène et, en quelques secondes, cet argent nous échappe. Il représente aussi le travail de nos bénévoles qui ont œuvré pour que la rencontre puisse se faire. L’attitude des dirigeants du Stade de Reims est un véritable pied de nez à nos bénévoles. Nous ne jouons pas dans le même monde, dans la même galaxie, mais ces gros clubs ne doivent pas oublier qu’ils remplissent leurs stades grâce à des passionnés comme nous qui achetons des billets. Je préfère être à ma place de président plutôt que d’utiliser ces méthodes".
Paris gagnés
Dinan, Thionville, l’US Revel ont logiquement perdu leur rencontre face aux cadors de Ligue 1. Mais ce qu’ils en retiennent est forcément positif.
L’US Revel n’avait plus atteint ce niveau en Coupe de France depuis la saison 1961-62 où ils avaient joué contre Lyon. "Pour nos 400 licenciés, nos 70 dirigeants, l’implication a été générale, reprend le président Roques. C’est une fierté, nous avons tous tiré dans le même sens. Avant la rencontre, j’ai dit aux gars : nous avons déjà gagné. Nous avons su donner une bonne image, nous aurons des retombées sur le nombre de licenciés et sur l’arrivée de nouveaux partenaires. Nous l’espérons". Petit bémol de la rencontre : les 130 fauteuils détruits dans la tribune des supporters parisiens. "Nous devrons payer les réparations, mais les dirigeants du PSG nous ont précisé qu’ils nous rembourseront. Nous l’espérons aussi".
Pour Thionville Lusitanos, ce 32e de finale est "un rêve pour tout un club qui s’est réalisé, reprend le président. Une grosse équipe, un stade plein… pour nous, le meilleur reste à venir. Nous défendons les valeurs et l’image de notre région. Nous nous sommes battus comme des diables. Nous espérons que la recherche de sponsors sera plus facile".
À Dinan, les fameux 12 000 euros en moins de recette de billetterie ne mettent pas en péril le club. "Nous n’avons pas de contrat fédéral a payé. Tous nos joueurs travaillent, dit encore le président. Ce sont des valeurs que je veux inculquer. Le Stade de Reims est venu chez nous, ils ont été bien accueillis à la force du poignet et à la sueur de nos bénévoles".