Trois donneurs vivants et trois malades dialysés ont été opérés simultanément dans deux hôpitaux différents. Une prouesse médicale et organisationnelle coordonnée par l’Agence de la Biomédecine réalisée en 2024. L'opération a été rendue publique ce jeudi 21 novembre au CHU de Reims.
Une course de relais pour sauver trois malades. C’est le challenge qu’ont relevé les centres hospitaliers universitaires de Reims et de Bordeaux en 2024. Un triplet, soit trois dons croisés de donneurs vivants à des personnes en attente de rein. L'opération complexe a été présentée publiquement le 21 novembre.
Ce triplet s’est réalisé pour la première fois au cours de cette année. Un défi qui témoigne de l’expertise des équipes de ces deux hôpitaux. À Reims, les équipes du service de néphrologie ont réalisé une première greffe de dons croisés en 2022 et 70 greffes rénales dont 10 à partir de donneurs vivants en 2023.
Le don croisé ? On vous explique
Lorsqu'une personne atteinte d’une maladie rénale a besoin d’une greffe, les membres de sa famille sont sollicités, mais ils peuvent être incompatibles (de groupe sanguin ou immunologiquement). Dès lors, le don croisé permet de contourner cette incompatibilité entre le donneur vivant et le proche malade en comparant leurs données à d’autres “paires” de donneurs-receveurs incompatibles eux aussi. C’est le travail de l’Agence de la Biomédecine de regrouper ces informations et de faire se croiser les paires.
Le temps est court entre le moment où on retire le rein et on peut le rebrancher dans la la personne qui reçoit.
Professeur Stéphane Larréchef du service urologie CHU de Reims
Grâce à la nouvelle loi de bioéthique d’août 2021, il est désormais possible de croiser jusqu’à six paires. Pour l’instant en France ce triplet de greffe est une première. L’orchestration des six opérations en simultané relève déjà de l’exceptionnel, comme nous l’a expliqué le professeur Stéphane Larré chef de service urologie et du pôle bloc opératoire : “Il faut mobiliser tout le monde, que tout le monde soit prêt dans les timings et ça implique déjà beaucoup de préparation en amont, tous les secrétariats, les infirmières, les coordinatrices, les médecins, les néphrologues qui vont faire en sorte que les dossiers soient complets, qu’il n'y ait pas de souci pour qu'on puisse opérer dans les bonnes conditions. Après il faut les chirurgiens bien sûr, les anesthésistes, les infirmières de bloc opératoire, puis tout ce qui est la logistique.”
La nature nous a donné deux reins. C’est possible de très bien vivre avec un seul.
Professeur Philippe RieuChef de service néphrologie du CHU de Reims
Actuellement, la transplantation rénale est le meilleur traitement possible pour une personne dialysée : “le bénéfice qu'on donne est juste énorme, c’est-à-dire qu'on va donner de la vie, on va doubler l'espérance de vie des patients qui reçoivent les reins.” rappelle le professeur Larré. La qualité de vie, elle aussi, s’améliore puisque après la greffe, plus besoin d’hémodialyse (qui prend entre trois et cinq heures trois fois par semaine).
Il y a aussi de nombreux avantages à ce que le greffon provienne d’un donneur vivant. Le rein est de meilleure qualité, car le temps entre le prélèvement et la greffe est plus court et que la compatibilité sanguine et immunologique est meilleure. Le risque de rejet est réduit, la greffe fonctionne mieux et plus longtemps.
Pour le donneur, les risques sont maîtrisés puisque les complications postopératoires graves sont estimées entre moins de 1% et 3% des cas. Et puis son espérance de vie après prélèvement ne diminue pas, comme l’a évoqué le professeur Philippe Rieu, chef de service néphrologie du CHU de Reims lors de la conférence de presse : “la nature nous a donné deux reins. C’est possible de très bien vivre avec un seul.”
Le recours à ce type de programme devrait se systématiser, car de nombreuses paires de donneurs-receveurs en France sont actuellement en phase de test. Un deuxième triplet est d’ailleurs en cours d’organisation au CHU de Reims.