Harcèlement scolaire : les conseils d'un pédopsychiatre rémois pour déceler les premiers symptômes

Silence, agressivité, coups de déprime… autant de symptômes qui peuvent alerter les parents d'élèves victimes de harcèlement scolaire. Thierry Delcourt, pédopsychiatre à Reims auteur de Je suis ado, j'appelle mon psy (Max Milo, 2016), éclaire sur les signes à détecter chez son enfant.
 

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Comment réagir ? Déceler le harcèlement scolaire ? Faire parler son enfant ? Autant de questions que les parents se posent une fois leurs chérubins rentrés à l'école.
Après le témoignage de Timéo*, 11 ans, nous avons posé ces questions à Thierry Delcourt, pédopsychiatre à Reims et auteur de Je suis ado j'appelle mon psy (Editions Max Milo, 2016), nous éclaire sur le phénomène.
 

Quels sont les premiers symptômes chez un enfant victime de harcèlement scolaire ?

Il faut en retenir trois principaux.
Le premier, c'est être agressif, bougon, ne pas vouloir parler. Dans un premier temps, l'enfant fait preuve d'une agressivité qui se reporte dans le milieu familial.
Le second symptôme, plus fréquent, se caractérise par un enfant tristounet, très sensible, qu'il pleure de manière incohérente.
Enfin, la dernière, c'est la baisse de niveau scolaire.

Tout cela peut avoir d'autres causes. Mais dès qu'il y a un de ces trois symptômes, on doit toujours s'enquérir de la situation, demander si tout va bien avec les copains, les copines, si quelqu'un les embête. Parfois, c'est difficile pour eux de le dire, mais c'est un signe d'appel très important. A un degré supérieur, l'enfant s'angoisse à l'idée d'aller à l'école et refuse de s'y rendre et ainsi débute la phobie scolaire.
 

Si on détecte ces troubles, comment aborder l'enfant ?

Il faut qu'il comprenne que ses parents sont là pour le protéger et le défendre. C'est d'ailleurs important de le dire d'emblée : "Si des personnes t'embêtent, surtout, tu nous le dis. Ce n'est pas une trahison, tu as le droit le dire, on n'a pas le droit de se faire maltraiter." C'est important car, souvent, ils sont pris dans un conflit de loyauté car "on ne cafte pas", "on ne dénonce pas", "on n'est pas une balance", qui les poussent à se replier sur eux-mêmes.

Leur dire cela, c'est leur dire à la fois qu'on est là pour les entendre, qu'on ne va pas les gronder et qu'on va les protéger. En général, une fois ces précautions prises, les enfants commencent à parler de tel ou tel camarade qui les insulte ou qui les tape. Ces cas sont très fréquents, surtout en ce début de rentrée; la preuve, j'en ai encore eu deux aujourd'hui.
 

Au bout de combien de temps s'en rend-on compte ?

Souvent tard, malheureusement. Certains enfants savent se plaindre tout de suite, ils en rajoutent dès qu'on les contrarie, mais mieux vaut prévenir que guérir. Ce n'est plus aussi tabou qu'il y a quelques années. Donc un certain nombre d'enfants, notamment au début des années collège, savent en parler. Mais en général encore, il s'est déjà passé 15 jours, un mois voire beaucoup plus avant que l'enfant ne parle. Parfois, c'est même en fin d'année scolaire qu'ils le disent.

Il suffit qu'ils se sentent pris dans une menace, ou qu'ils pensent que parler aggravera les choses, pour qu'ils se taisent. Ils ne le diront pas d'eux-mêmes. C'est le même problème que pour les agressions sexuelles : la honte et le sentiment de dépréciation pèsent.

La meilleure prévention pour les parents est d'anticiper cela en leur expliquant que ce n'est pas facile et surtout, de ne pas banaliser. La plupart du temps, c'est encombrant pour des parents de savoir que leur fils ou leur fille est victime de harcèlement. Ils se disent alors qu'il va falloir faire quelque chose, leur conseille de se défendre, de ne pas se laisser faire, mais cela ne se passe pas comme ça.
 

Que se passe-t-il dans la tête d'un enfant à ce moment-là ?

Très rapidement, il y a une dépréciation. Si on lui dit qu'il est moche, gros… cela vient pointer une fragilité déjà présente. Car les enfants populaires à la cour de récrée, pour être plus populaire, s'attaquent à plus faibles qu'eux, qui ont déjà une sensibilité un peu plus forte. C'est ce qui va les amener à vivre cela de la manière suivante : "S'il me dit cela, c'est que c'est vrai." La honte est alors installée.

C'est assez proche d'une agression sexuelle, l'enfant va penser qu'il est peut-être responsable. C'est aussi cela qui les amène à ne pas oser en parler.
 

Dans le cas de Timéo* (lire notre article ici), il a essayé d'avertir ses professeurs qui n'ont rien fait et l'ont puni. Est-ce quelque chose de récurrent ?

Cela est récurrent et grave. Il existe des directives de l'éducation nationale mais il y a encore une fâcheuse tendance à banaliser les choses ou parfois dire que "c'est parce que tu les as embêtés", des choses extrêmement violentes.

C'est déjà un effort important pour un enfant d'aller dire "il m'embête", et si c'est banalisé parce que le prof n'a pas envie de s'embêter ou que le CPE a autre chose à faire, c'est pour ça que les parents sont un maillon essentiel, voire la gendarmerie dans certains cas.
 

Une fois que l'enfant dénonce ces actes, que peuvent faire les parents ?

La première étape pour les parents est de rencontrer l'enseignant pour l'école primaire et un rendez-vous avec le principal ou le principal adjoint au collège.

Puis on tombe sur deux situations. Soit on tombe sur des personnes un peu paresseuses dans leur réponse, et on a tendance à banaliser. C'est de moins en moins le cas mais cela arrive encore. S'ils ont une réponse molle, il faut immédiatement les avertir qu'une démarche sera faite auprès de la police et de la gendarmerie avec une main courante. C'est important dans la mesure où l'école a une protection déléguée, et si cette protection n'est pas assurée alors les parents doivent le faire. Et ce n'est pas la peine d'attendre qu'il y ait des coups. Même si ce sont "juste" des insultes, cela est déjà énorme.

Autre configuration : les parents sont reçus et entendus et l'école primaire ou le collège intervient en convoquant et sanctionnant les enfants. Là on doit être vigilant car si c'est un "parole contre parole", il ne faut pas ne rien faire. Si l'un des enfants souffre et l'autre se défend, qu'il ait des arguments de défense, c'est important de les entendre.
 

Une fois que l'enfant s'est livré, que faut-il faire ?

Déjà le fait qu'il ait été entendu et qu'on ait agi, c'est déjà une part de reconstruction. L'autre étape importante est de le valoriser. De lui dire que ce qu'on lui a dit n'est pas vrai, car dans le cas de moqueries sur le poids, on peut retrouver plus tard des cas d'anorexie mentale.

Les paroles des parents ont un poids très important. Ce sont eux qui sont les mieux placés pour resituer les choses. Ce que l'on constate aussi malheureusement, c'est que parfois l'un des deux parents va abonder dans le sens des insultes. En reprenant le cas des moqueries sur le poids, souvent, un des deux parents va dire "ils ont raison, arrête de manger". Il faut sensibiliser les parents.
 

Dans le cas de Timéo*, sa mère se dit impuissante, malgré le fait que le harcèlement ait été reconnu. Ils ont même déménagé pour éviter qu'il ne se retrouve dans la même classe que ses bourreaux. Est-ce la bonne solution pour éviter de nouvelles violences ?

Tout n'est pas à mettre sur le compte du harcèlement scolaire. Un enfant peut déjà avoir ses propres fragilités, symptômes, difficultés. Je m'oppose toujours à changer l'élève d'établissement scolaire car ensuite, c'est la double peine. Non seulement il vit une situation de harcèlement et en plus, c'est à lui de changer d'endroit, de se faire de nouveaux copains. Lui-même aura l'angoisse que tout cela recommence et le placera dans une situation de repli.

Il faut que l'école fasse le travail pour remettre l'élève à sa place dans la classe. Elle doit aussi faire en sorte que tout cela ne se reproduise plus. Ce n'est qu'une fois qu'il a été écouté et reconnu comme victime qu'il pourra retrouver l'équilibre. Dans un deuxième temps, il retrouvera même des copains, qui viendront vers lui une fois qu'ils se sont aperçus de ce qu'il a vécu.

*Le prénom a été modifié.
 
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