En Haute-Marne, Timéo*, 11 ans, a accepté de nous livrer un témoignage poignant. Le Haut-Marnais a été victime de harcèlement scolaire. Il ne parvient toujours pas à franchir le perron de son nouvel établissement, malgré le déménagement de ses parents pour un nouveau départ.
"Après de longues hésitations, c'est bon, tranche Noémie*. Nous ne reviendrons plus en arrière. Nous sommes déterminés." Sous ses airs catégoriques, la voix de la maman de Timéo*, tremblote, trahissant une certaine crainte. "Je ne sais pas dans quoi nous nous embarquons en témoignant ouvertement, mais nous voulons que ça change. Nous sommes perdus."A ses côtés, Timéo*, 11 ans, se tient les mains, les tord dans tous les sens. "Je ne le fais pas que pour moi, explique-t-il, ses grands yeux bleus tournés vers ses poignets. Je veux dire à tout le monde ce que j'ai vécu pour que ça n'arrive à personne d'autre."
Aujourd'hui, Timéo a emménagé dans la Meuse pour ne plus avoir affaire avec ses bourreaux. Dans son ancienne école primaire en Haute-Marne, le jeune garçon a été victime de trois camarades de classe : "Au début, il était tout seul. Puis il en a trouvé deux autres comme lui. Ils me tapaient tous les jours, dans un coin de la cour." Et de préciser : "Mais ce n'était pas juste des baffes comme ça. Ils y allaient avec le poing."
Un rituel invisible des adultes
Timéo essaie de se défendre. Sans succès. "A trois contre un, je n'y arrivais pas," lâche-t-il. Les professeurs ? "Quand j'allais leur dire, les trois autres rétorquaient que c'est moi qui les tapais. C'est moi qu'on punissait." "On a été incompris, ajoute sa mère. Autant lui, que moi."
Du cour élémentaire à la dernière année d'école primaire, Timéo ne dit mot. "Il paraissait heureux. Il ne voulait pas que l'on sache tout ça", raconte Noémie. Mais à la rentrée 2017, le silence n'est plus tenable. Timéo vomit, se plaint de maux de tête, de nausées. "On a passé tous les examens possibles, des échographies. On voyait bien que quelque chose n'allait pas niveau des intestins, que c'était dû à un stress."
Le témoignage de Timéo :
De son côté, l'école primaire assimile les symptômes de l'enfant à un manque de volonté, lui diagnostique des troubles de l'apprentissage, parle de dyslexie. Ses parents lui font passer une batterie d'examen. En parallèle, Timéo ne parvient toujours pas à franchir le perron de l'école. "On a essayé de le forcer, souligne sa mère. J'étais régulièrement convoquée par la directrice et sa maîtresse. C'était aussi un moyen de le ramener en classe." Et Timéo d'ajouter :
Un jour, après une énième convocation, Noémie laisse Timéo entre les mains de son institutrice. "Tu vas aller dire bonjour à la classe, à ta classe, car c'est toujours ton groupe", propose-t-elle à Timéo. Les pleurs, les maux de ventre reviennent instantanément. Tiraillée, Noémie finit par le laisser entre les mains des enseignantes. "On me disait que c'est notre lien qui était trop fort. Que je n'arrivais pas à couper le cordon", se souvient-elle. Elle laisse donc son fils "entre de bonnes mains". Au bout de quelques minutes, les cris cessent. Rassurée, elle rentre chez elle.Moi j'aimais bien aller à l'école. Mais à force de recevoir des coups, j'avais peur. Peur qu'on me blesse.
"Votre fils a un problème psychologique"
"Quand il est revenu à midi, j'ai compris, tranche la Haut-Marnaise, désemparée. On ne l'a pas du tout écouté. Les maîtresses l'ont menacé d'appeler les pompiers s'il n'arrêtait pas de pleurer."
Finalement, Timéo ne remettra plus un pied dans son école, durant l'année 2017-2018. Malgré une aide à domicile, les vomissements ne s'arrêtent pas. "Les premiers jours, tout allait bien, se remémore Noémie. Au bout de la deuxième semaine, les nausées sont revenues." Le diagnostic de l'enseignante à domicile est sans appel. "Elle m'a dit : 'Votre fils n'a aucun problème d'attention. Il n'est pas dyslexique. Son problème est psychologique.'"
Le témoignage de la maman, Noémie :
Nouveau rendez-vous pédagogique. La thèse du lien mère-fils trop fort est de nouveau avancée. Les cours se déroulent désormais à la bibliothèque municipale de la ville. Le scénario se répète. A l'issue du deuxième cours, Timéo retourne chez lui. "Tout ce qui le ramène à l'école le bloque", constate sa mère, désemparée.
Après une année passée à rattraper les devoirs ramenés par "son meilleur ami", Timéo est décidé à tourner la page. Ses parents déménagent dans la Meuse afin de l'éloigner de son école, et envisager cette nouvelle rentrée sereinement. Seulement voilà, malgré un nouveau personnel à l'écoute, Timéo reste bloqué. Après une semaine de cours, les symptômes reviennent. "Toute l'année dernière, il nous a dit : 'C'est bon, cette fois, j'y vais.' Cette fois, on y a cru aussi, lui le premier." En attendant, les séances avec la psychologue agissent, "trop lentement" pour Noémie. Timéo, lui, en ressent les bénéfices, tente de surmonter ses craintes.
*Pour le bien de Timéo, qui a fait sa rentrée 2018 dans un nouvel établissement, les prénoms ont été modifiésJe veux une vie normale. Tout ce que je veux, c'est retourner à l'école pour avoir un travail, une famille.
La réaction de l'académie de Reims
L'académie ne dément pas qu'il y ait eu du harcèlement et tient à préciser que la maman de Timéo a été reçue à plusieurs reprises au sein de l'établissement scolaire en question.Le rectorat précise que "la lutte contre la violence à l'école et le harcèlement scolaire sont une priorité". Elle rappelle aussi que des dispositifs ont été mis en place pour lutter efficacement contre le harcèlement scolaire à l'aide de nombreux événements.
Un site internet a aussi été mis au point : www.nonauharcelement.education.gouv.fr ainsi qu'un numéro vert 3020 à destination des élèves et des familles pour signaler tout fait de harcèlement à l’école.