Créé en 2003, le site de chat en ligne Coco.gg est qualifié de repaire à pédophiles et prédateurs sexuels sur internet. Encore récemment, il était cité dans une affaire jugée à Valenciennes (Nord). Pour voir ce qu'il en est, j'ai passé plus d'une heure sur le site en tant qu'Ines15ans, profil qui a attiré de nombreux utilisateurs fortement problématiques.
C'est un nom qui a fait parler de lui bien des fois dans des contextes tragiques, comme dans l'affaire récente de ces onze hommes, jugés pour avoir eu des rapports sexuels avec une adolescente de 13 ans dans le Nord. Coco.gg, c'est un chat en ligne ouvert à tous, créé en 2003, dont la réputation problématique ne tarit pas au fil des années. Le principe du site est simple : vous avez juste à renseigner un pseudonyme, un âge (18 ans minimum), un sexe et un code postal pour avoir accès à la plateforme de discussion sans aucune autre vérification nécessaire. Aussi simple que ça.
Une fois connecté, un menu affiche les utilisateurs actuellement connectés dans votre région ainsi que les différents salons de discussions disponibles. De la même manière, votre pseudo est visible par les autres utilisateurs, qui peuvent par conséquent vous contacter en message privé. Spoiler : si vous êtes une femme, ils ne tarderont vraiment pas à le faire.
Le site est réputé pour être un repaire à pédophiles, prédateurs sexuels et homophobes depuis des années sur internet. Je me suis connecté sur la plateforme en me mettant dans la peau d'une jeune utilisatrice pour voir ce qu'il en est. Mon pseudo ? "Ines15ans". Difficile de faire plus explicite, mais insuffisant pour se protéger de potentiels prédateurs. À peine connecté, c'est une avalanche de messages privés qui inonde mon écran, allant du simple "bonjour" à la proposition de rapports sexuels monnayés.
Photos et vidéos intimes sans consentement
Au bout de dix minutes, ce ne sont plus que de simples messages, mais aussi des photos et vidéos intimes de quarantenaires que je commence à recevoir (et que je vous épargnerai). Évidemment, je n'ai rien demandé pour ça, et je suis censé avoir 15 ans, quand eux, disent avoir entre 30 et 65 ans pour la plupart. Quand je demande alors si les utilisateurs sont bien conscients de mon âge prétendu, ces derniers affirment n'y voir aucun problème.
"Bien au contraire", me répond un certain Vin3, qui me confie avoir déjà eu des rapports sexuels avec une amie de sa fille, elle aussi âgée de 15 ans. Une affirmation impossible à vérifier mais qui fait froid dans le dos. En suivant, il me propose de faire de même dans sa voiture ou dans une chambre d'hôtel qu'il réserverait pour l'occasion.
D'autres m'abordent directement en faisant des allusions à mon âge prétendu : "salut, j'ai envie d'une jeunette, tu es libre ma belle ?", me lance un utilisateur qui revient plusieurs fois à la charge avec différents pseudonymes. Quelques minutes avant, il m'avait proposé de payer pour une rencontre "en vrai". Insistants, la plupart demandent aussi des photos, vidéos intimes ou un compte Snapchat pour pouvoir continuer la discussion ailleurs.
Des utilisateurs me mettent en garde
Dans cette surcharge de messages nauséabonds, quelques utilisateurs, bien conscients des attitudes des habitués, me mettent même vivement en garde sans que je ne demande rien : "salut, fais attention en venant ici, je ne sais pas ce que tu recherches exactement mais beaucoup profitent des mineures", prévient "Tinqueux", utilisateur de 26 ans.
Sur Coco, les dérives sont connues de tous et nul ne semble s'en cacher. Beaucoup d'utilisateurs aux attitudes extrêmement problématiques sont d'ailleurs directement reconnaissables, puisqu'ils exhibent leurs visages en photo de profil.
Questionné à ce sujet, le groupement de gendarmerie de la Marne déclare ne pas avoir connaissance de ce site et des dérives pouvant s'y produire. De son côté, le parquet de Charleville-Mézières affirme que "cette semaine, notre tribunal correctionnel a jugé et condamné un prévenu dans ce contentieux", sans donner plus d'informations.
Des associations ont réclamé à plusieurs reprises sa fermeture, comme SOS Homophobie fin 2023 après un guet-apens à Marseille organisé via le site. Mais rien n'est moins simple.
Le site maintenant hébergé à l'étranger
Anciennement "coco.fr", le site a changé d'adresse pour être immatriculé ".gg", ce qui le situe légalement sur l'île anglo-normande de Guernesey. Pour ce qui est de la société propriétaire du site, elle a changé plusieurs fois, passant d'entreprises françaises, à une immatriculée à Hong-Kong pour finalement être aujourd'hui la propriété de Vinci SA, immatriculée en Bulgarie.
Pour autant, le site n'a jamais changé de propriétaire : un ingénieur français de 44 ans installé dans le Var a toujours été derrière ces différentes sociétés, comme l'avaient montré nos confrères du journal Le Monde en 2023 (abonnés).
De mon côté, après plus d'une heure passée sur le site, j'en viens à une conclusion assez évidente, mais qu'il est toujours bon de répéter : coco.gg est un site absolument dangereux pour les mineur(e)s (bien que je ne le conseille pas aux personnes majeures non plus), regroupant un nombre alarmant d'utilisateurs répréhensibles.