Le port de l'uniforme à l'école devrait être expérimenté dans plusieurs établissements de Reims à la rentrée prochaine. Une annonce du maire Horizons Arnaud Robinet alors que le gouvernement doit dévoiler cette semaine les contours de cette expérimentation à l'échelle nationale. Un principe qui suscite le débat dans la communauté éducative.
Dès la rentrée prochaine, des jeunes écoliers rémois devraient prendre le chemin de l'école tous habillés de la même manière.
Le gouvernement annoncera dans les prochains jours le champ de l'expérimentation sur le retour de l'uniforme dans les établissements scolaires et la ville de Reims pourrait faire partie des collectivités retenues, comme Arnaud Robinet l'a confirmé ce matin sur France Info. "Nous avons déjà pu avoir le cabinet du ministre au téléphone, nous travaillons avec l'Éducation Nationale, l'Académie et le DASEN (le Directeur académique) pour mettre en place cette expérimentation".
Le ministre de l'Éducation nationale a annoncé hier une expérimentation de grande ampleur sur le retour de l'uniforme à l'école.
— Info France 2 (@infofrance2) December 7, 2023
Un récent sondage révèle que près de 7 Français sur 10 sont y sont favorables.
Exemple à Puteaux à côté de Paris.
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Cette expérimentation devrait être menée à la rentrée prochaine, en septembre 2024, dans quelques écoles de la ville. L'objectif selon le maire est d'avoir une expérimentation suffisamment large et d'avoir ainsi "du recul pour analyser ensuite les effets, bénéfiques ou pas, du port de l'uniforme. Ce qui est intéressant, c'est de faire une mixité, aussi bien dans les écoles de centre-ville que dans les quartiers prioritaires de la ville ou les écoles de faubourg".
Une fois les écoles choisies, les conseils d'école réunissant les enseignants, les parents d'élèves et la direction de l'établissement devront donner leur aval pour modifier le règlement intérieur de l'école et rendre l'uniforme obligatoire le temps de l'expérimentation.
On essaye, on tente de voir si les choses fonctionnent et après, on prend du recul, pendant deux ans, pour voir les effets positifs ou non, je ne sais pas, du port de l'uniforme à l'école.
Arnaud Robinet, maire (HOR) de Reims
Arnaud Robinet est convaincu de l'aspect positif de cette expérimentation. "Aujourd'hui, on voit qu'on a besoin de cadre dans les établissements scolaires et le port de l'uniforme peut permettre d'annuler les différences sociales et parfois communautaires et de développer aussi son sentiment d'appartenance à une équipe. Ce n'est pas l'alpha et l'omega, mais c'est une pierre à l'édifice, peut-être, d'un retour aux valeurs, à l'ordre, au respect dans les établissements scolaires."
Des écoles de Troyes elles aussi candidates
Cette méthode d'expérimentation séduit également le maire Les Républicains de Troyes François Baroin. Très volontariste sur la question de l'uniforme, il souhaite rapidement expérimenter ce nouveau code vestimentaire. "On va le faire à Troyes. Il y a deux ou trois écoles qui sont volontaires. Les enfants, les parents et le corps enseignant vont choisir cette tenue unique et je suis convaincu, vraiment convaincu, qu'en faisant le bilan trois ans plus tard, on aura des résultats extraordinaires, en tous cas suffisamment significatifs pour généraliser cette expérience."
À qui la facture ?
Si le principe semble clair pour tous, des questions plus pratiques restent encore à préciser. Le gouvernement estime à 200 € le prix du jeu de vêtements octroyés à chaque élève. Il devrait comprendre deux pantalons, deux pulls et cinq polos, financés par moitié par l'Etat et par la collectivité candidate à l'expérimentation. "Pour une expérimentation, c'est pas mal, juge Arnaud Robinet, mais in fine, si l'expérimentation est positive et qu'on généralise le port de l'uniforme, il me semble important que les parents puissent participer financièrement. Quand on achète un uniforme, on n'achète pas d'autres vêtements pour ses enfants."
Les parents partagés
Si ces élus sont convaincus du bien-fondé de cette expérimentation, reste maintenant à convaincre les familles. Pour cette maman rémoise, le sujet est à peine abordé que la réponse fuse, sans appel : "Mais quelle horreur ! Il y a tellement d'autres choses à faire à l'école avant de se soucier de ça..."
Devant l'école élémentaire Pommery, les parents qui attendent leurs enfants pour la pause de midi sont moins catégoriques. "Souvent, ma fille me dit qu'untel lui a dit "ton vêtement, il est moche", raconte une maman. Avec l'uniforme, tous les enfants seraient sur le même pied d'égalité. Ça pourrait éviter les problèmes de moqueries et de différences. Maintenant, imposer un uniforme en 2023 ? C'est peut-être un peu has-been... Les enfants aiment bien s'habiller d'une certaine manière, ils ont leur goût. Je ne sais pas s'ils seraient d'accord. Moi aussi, d'ailleurs, j'aurais peut-être du mal à m'y faire."
Un peu plus loin, un papa a moins de doute. "Moi ça me plairait. Comme ça, il y aurait moins de différence à cause des vêtements. Et puis ils seraient tous un peu plus carrés. Des fois, certains rentrent avec leur capuche, des survêtements et après ça crée des violences dans les écoles. C'est important de remettre un cadre à l'école." La mère de deux élèves en élémentaire partage cet avis : "Ça peut être bien parce que ça permet que tous les enfants soient égaux. Qu'on ne puisse plus dire "moi, j'ai des beaux vêtements, toi t'en as moins". Ça permettrait d'éviter beaucoup de harcèlement et tout ça."
"Pas une priorité" pour les représentants de parents et d'enseignants
La Fédération des Conseils de Parents d'élèves (FCPE) ne partage pas cet optimisme. Pour Sébastien Caillies, président de l'antenne haut-marnaise de l'association, le port de l'uniforme n'est pas une priorité. "Il y a parfois des effectifs surchargés, il manque d'enseignants devant les classes donc je suis pas sûr que dépenser de l'argent dans des uniformes soit d'un intérêt fondamental".
Pour ce père de collégienne, cette solution aurait de plus un effet limité sur le comportement des élèves. "Le harcèlement proprement dit ne se limite pas aux vêtements, il y a la coupe de cheveux, le maquillage pour les filles... Il y a des tas de facteurs qui entrent en jeu dans le harcèlement notamment via les réseaux sociaux".
Du côté des enseignants, Yohan Odivart, secrétaire du Syndicat SNES FSU de la Marne va dans le même sens. "C'est un retour vers le passé, même s'il n'a jamais existé en France en réalité, il y avait des blouses. Là, l'uniforme, c'est quelque chose qui cherche plus à satisfaire un électorat politique qu'à résoudre les problèmes de l'école."
L'uniforme, c'est quelque chose qui cherche plus à satisfaire un électorat politique qu'à résoudre les problèmes de l'école
Yohan Odivart, Secrétaire du SNES-FSU de la Marne
Yohan Odivart avait déjà critiqué la semaine dernière les annonces de Gabriel Attal pour réformer l'Éducation Nationale, réclamant plus de moyens et des recrutements dans l'Education Nationale. Pour ce qui est de l'uniforme, le ministre aura donc fort à faire pour convaincre et il s'est donné le temps de cette expérimentation pour le faire.