La statue en bronze de Just Fontaine, mettant à l'honneur la légende du football rémois, sera inaugurée ce dimanche 6 octobre sur le parvis du stade Delaune, à Reims. Une œuvre que le sculpteur Juan Carlos Carrillo a imaginée et façonnée depuis le printemps dernier. Retour en images sur les étapes de sa fabrication.
La statue en bronze de Raymond Kopa veille sur le parvis du stade Auguste-Delaune à Reims depuis six ans. Depuis vendredi 4 octobre, elle est rejointe par celle de son coéquipier, Just Fontaine, buteur légendaire du Stade de Reims décédé le 28 février 2023.
Ce dimanche 6 octobre à l’occasion du match contre Montpellier, les Rémois vont découvrir cette œuvre grandeur réelle réalisée avec talent par le sculpteur Juan Carlos Carrillo. L’artiste d’origine péruvienne, installé à Châlons-en-Champagne depuis une trentaine d’années, a été choisi par la ville de Reims pour rendre hommage au mythique joueur des Rouges et Blancs.
À partir de photos et de films d’archives, le sculpteur a imaginé un Just Fontaine sur le point de frapper du pied droit. Sa maquette, réalisée à l'échelle 1/8, a séduit le comité de sélection. "C’est une sacrée responsabilité, nous confiait Juan Carlos Carrillo, en avril dernier. Le jour où je ne serais plus là, l’œuvre elle sera toujours là."
"Donner du souffle à l'œuvre"
Après la miniature, il faut passer à la taille réelle - 1m74 - celle de ce footballeur de légende. Pour le faire renaître, le sculpteur de 58 ans, secondé de son apprenti Mathias Galichet, s’est installé d’avril à juin dans une galerie d’art du centre-ville de Reims. Là-bas, ils commencent par fabriquer une armature métallique qu’ils recouvriront ensuite d’argile pour façonner la silhouette du footballeur. "J’ai dû faire des calculs pour ne pas que cette armature casse, pour ne pas qu’elle tombe, précise le sculpteur, car la structure métallique doit supporter 500 kilos d’argile."
Une fois la terre posée sur cette silhouette de métal, place à l’opération la plus délicate, le modelage. "C’est beaucoup de travail, précise Juan Carlo Carrillo. Il faut modeler les volumes anatomiques, donner du souffle à l’œuvre. Je suis à la recherche de ce qui va donner la vie au niveau du mouvement par des petits reliefs, des petits creux."
Un spectacle offert à tous
Une performance que l’artiste a choisi de réaliser, non pas dans son atelier, mais sous le regard du public. Pendant deux mois, les amateurs d’arts ou simples curieux peuvent assister à la création de cette œuvre d’art unique. "On a cette envie de vouloir démocratiser l’art, explique Matthias Philippe-Monteil, le gérant de la Galerie parallèle qui accueille le sculpteur châlonnais et son apprenti. Cela permet aussi de montrer qu’il y a plein d’étapes, d’essais, de ratés, de recherche, pour en arriver à l’œuvre terminée."
Un travail de création qui captive ceux qui pénètrent dans cet atelier éphémère. "Cela ressemble à une chorégraphie, glisse une jeune femme. J’adore la façon qu’il a d’être minutieux dans la création de son œuvre, tout est réfléchi."
Pour façonner le visage, Juan Carlo Carrillo est particulièrement concentré. Il dessine les traits d’après une photo qu’il a agrandie. Le sculpteur a choisi de représenter un Just Fontaine qui sourit. "C’est toute une vie, toute une carrière qui est exprimée par ce visage qui sourit, précise-t-il. Quand les gens viennent et voient ce sourire, ils sourient aussi."
"Habiller la sculpture"
Si la journée, le sculpteur prend le temps de discuter avec le public, le soir, il continue d’avancer sur son œuvre en se laissant porter par la musique. Pour les vêtements, son apprenti Mathias sert de modèle. "Quelques plis suffisent pour habiller une sculpture, souligne Juan Carlos. L’habit, ce n’est pas une épaisseur énorme, même pas un millimètre qui vient caresser la peau."
Une fois l’œuvre d’argile terminée, il faut en gommer toutes les aspérités au papier de verre. Puis la couper en plusieurs morceaux pour faciliter le moulage. Les bras et la jambe gauche sont détachés du corps. La statue ne tient plus que sur une jambe. À quatre mains, avec beaucoup de délicatesse et de précision, Juan et Mathias vont séparer chaque élément avec de l’argile verte, avant d’y verser la silicone. Il faudra trois couches successives pour atteindre l’épaisseur de moule idéale, soit un centimètre. La silicone a désormais pris la forme de la statue d’argile.
De la cire au bronze
Une fois le moule terminé, direction la fonderie d’art Chapon à Bobigny, créée il y a plus de 35 ans. Là-bas, le fond du moule est enduit de cire liquide, assurant une réplique fidèle de la sculpture. Juan et Mathias peaufinent leur œuvre, reprennent quelques fissures, redonne forme à une oreille ou au dos. "S’il y a un problème dans l’expression du visage ou dans les parties qui sont très détaillées comme les mains, je préfère moi-même retoucher, précise Juan Carlos. C’est un peu notre bébé, on fait un accouchement de nos œuvres, on en prend vraiment soin."
Le bronze est ensuite coulé avec la technique de la cire perdue. Le moule est placé dans un four où la chaleur fait fondre la cire qui s'échappe (d'où l'expression "cire perdue"). "La cire a coulé et a laissé l’emplacement pour le bronze, explique le sculpteur. L’émotion est importante car c’est cette étape-là qui va consacrer l’œuvre à l’éternité." Le bronze en fusion (environ 1150 degrés) est alors coulé dans la cavité créée par la cire fondue. Après refroidissement, le moule est détruit, révélant la sculpture en bronze. Il ne reste plus qu'à assembler les cinq morceaux en les soudant, nettoyer l'œuvre et la patiner pour obtenir la teinte désirée. L'œuvre définitive pèse environ 300 kilos.
Tout au long du processus de création, la famille de Just Fontaine a été concertée pour que la sculpture soit fidèle à l'image du joueur. Sur les cercles qui servent à rattacher le ballon au pied de la statue, on peut y lire le chiffre 13. Une référence au record de 13 buts marqués par "Justo" lors du même Mondial, en 1958. Un record encore inégalé à ce jour.
Ce vendredi 4 octobre, la sculpture a été positionnée avec délicatesse sur son socle, à l'entrée du stade Auguste-Delaune. Pour découvrir ce "Justo" de bronze, rendez-vous ce dimanche 6 octobre à 15h30 lorsque la statue sera dévoilée aux Rémois.