"L’Artisanie, c’est fini ! Annie est partie". La famille d’Annie Fresson a annoncé ainsi son décès sur les réseaux sociaux. Personnage emblématique d’une famille rémoise qui l’était tout autant, Annie était à la tête de L’Artisanie, une boutique hors du temps.
"Elle mérite que son repos soit aussi doux qu'elle l'était ! Merci pour tant de générosité et de gentillesse partagées !" Les messages se lisent par centaines sur les réseaux sociaux. Annie était ainsi… Passionnée, malicieuse, à l’humour décapant et au caractère bien trempé. Elle aimait recevoir le public dans son « antre » de Chenay, petit village au cœur du massif viticole de Saint-Thierry. L’Artisanie, sa "boutique cadeaux de charme pour la maison de campagne et le jardin" et salon de thé, c’était une grande partie de sa vie. Rarement fermée, Annie n’aimait pas les vacances…
"Nous l’avons rencontré en 2014, nous étions à Nancy et j’avais posté un message sur le Thé "Mariage Frères", explique Arnaud Steffen fondateur du blog et du magazine L’art de vivre à la Rémoise. Annie m’avait répondu, si vous voulez ce thé venez à Chenay. Nous y sommes allés et ça a matché. Elle est devenue très copine avec mon épouse Carine. On a sympathisé, elle m’a fait découvrir plein de choses et surtout, elle m’a beaucoup parlé de son histoire en tant que fille de pâtissier."
Sa famille son pilier
Mère de 4 enfants, mariée à Serge, Annie, née en 1941, aimait profondément ses proches. Sa famille était sa vie, son passé et son avenir. En 2016, elle avait d’ailleurs accepté de nous parler de ses racines rémoises. Elle avait ouvert sa grande malle en bois renfermant tellement de souvenirs. Elle nous avait lu le journal de guerre d’Elisa Fresson, sa grand-mère. Annie était très émue. "Le 28 septembre 1914, 9h du soir, nous sommes en cave. Jean est couché dans la salle à manger. Trois obus tombent sur notre maison qui s’effondre en partie. Les obus sifflent au-dessus de nous. Nous nous tenons la main et avons la certitude que notre dernière heure est arrivée". Ce jour-là, elle nous avait beaucoup donné. Son émotion, les souvenirs de ses parents et de son grand frère bien-aimé, Bernard, le comédien.
Boulangers et artistes à la fois
Annie aimait parler de ses parents, de sa maman, qui très tôt le matin, tenait la boulangerie de la rue Chanzy. Et de son père Paul "devenu boulanger-pâtissier malgré lui. Il était dans son fournil, il gueulait beaucoup et même parfois après les clients, mais les clientes revenaient quand même, nous racontait-elle. C’était une petite boulangerie qui avait une grande renommée à Reims". "Elle me parlait beaucoup de son père, reprend Arnaud Steffen. Et notamment, elle m’avait expliqué qu’il était le créateur de la recette du Vladimir. Dans sa petite cuisine, il y a ses moules à gâteaux. J’aimais beaucoup parler de ça avec elle".
Et puis, en regardant Annie, on retrouvait les traits du visage, de son grand frère Bernard, le comédien. Une ressemblance frappante, lorsqu’à l’entrée de la boutique L’Artisanie, on se retrouvait face aux photos de l’acteur. Il était avec elle, elle était fière de son parcours. Elle nous avait confié aussi : "C’est pas drôle d’avoir un grand frère excellent comme ça (Bernard était diplômé de HEC). C’était un génie. Alors moi, derrière, je n’aimais pas l’école. Et quand il m’expliquait les maths, je ne comprenais rien. Donc je pleurais et je m’en allais".
Annie était intarissable quand il s’agissait de son histoire familiale. Quelques jours après notre tournage, elle nous avait confié que ces souvenirs lui avaient demandé beaucoup de force. Parler du passé est aussi parfois douloureux… évoquant inévitablement l’absence et le manque des êtres chers.
Chenay jusqu’à la fin
La maison de famille de Chenay, achetée par les parents d’Annie en 1947, est restée le lieu des retrouvailles familiales. Annie et son mari Serge s’y sont installés définitivement en 2004. Leurs quatre enfants et petits-enfants venaient souvent y passer quelques jours, l’été. La famille de Bernard aussi. Annie aimait ce jardin qui jadis avait été le lieu des premières répétitions de son frère, devenu artiste.
Et puis, mitoyenne de cette demeure, sa boutique et son salon de thé, L’Artisanie, avait été inaugurée en 2005. C’était un lieu hors du temps, pas un magasin mais un lieu de rencontres. Avec l’univers d’Annie et ses objets de décoration… à l’infini. Et puis, à chaque fois que l'on passait la porte, la clochette sonnait les retrouvailles avec la gérante du lieu. "On avait coutume de se réunir dans la petite cuisine de la boutique, reprend Arnaud Steffen. On pensait que ça n’allait jamais s’arrêter. J’ai le souvenir de l’élégance de son être. Annie avait fréquenté "Le" monde grâce à son frère mais elle était restée simple et accessible. Elle avait aussi ses têtes, reprend-il avec le sourire, et ses idées bien arrêtées. Elle était entière, elle ne faisait pas semblant".
"On nous dit souvent que l’on est des passionnés, disait Annie, fidèles à une image de gens honnêtes. C’est important".
Les cakes à la lavande, spécialement pâtissés par la Maison Zunic pour l’Artisanie, vont nous manquer. Quant à Annie, si jolie personne, nous ne pourrons pas l’oublier.