Deux ans après la fin des travaux, un immeuble moderne situé boulevard Henry Vasnier à Reims, dans la Marne, est toujours inhabité. La Résidence Services Nahoma, filiale du groupe Emeis anciennement Orpea, devait initialement accueillir des personnes âgées dans 200 logements. Un immobilisme qui questionne.
Non loin d’illustres maisons de champagne, sur la célèbre colline Saint Nicaise, boulevard Henry Vasnier à Reims, dans la Marne, on peut remarquer un bâtiment moderne de cinq étages, avec ses balcons.
À première vue, rien d’anormal. Mais si l’on regarde de plus près, celui-ci est entièrement vide, inhabité depuis la fin de sa construction en 2023. Il devait pourtant accueillir des personnes âgées dans 200 logements allant du T1 au T3, ainsi qu’un salon bibliothèque, un lobby, un restaurant, une conciergerie et même un espace forme.
"C'est du gâchis"
Il n’en est rien. “J’en ai entendu parler, c’est bizarre”, témoigne Élise, une kinésithérapeute qui passe deux fois par semaine dans le quartier Saint-Nicaise pour voir Armelle, une patiente. Celle-ci a acheté un appartement il y a cinq ans, juste en face de l’établissement.
“Quand on a visité il n’y avait rien, c’était lumineux, on avait une vue sur les buttes. Mais l’agent immobilier était déjà au courant du projet de construction”, raconte-t-elle. S’en est suivi trois ans de travaux “et c’est tout” : “On trouve que c’est du gâchis, c’est dommage, c’est de l’argent gâché”, déplore-t-elle lorsqu’on lui apprend le projet initial. Avant ce projet immobilier, deux immeubles du Crous avaient été démolis.
Il y a huit mois de cela, nous écrivions déjà à propos de ce bâtiment laissé vide. En ce début d’année 2025, les volets du rez-de-chaussée sont toujours fermés, le hall attend encore ses meubles et dans les parterres, la végétation reprend ses droits. Il n’est même plus flambant neuf, avec une façade déjà soumise aux affres du temps, sans même avoir rempli sa fonction.
Quand on a visité il n’y avait rien, c’était lumineux, on avait une vue sur les buttes. Mais l’agent immobilier était déjà au courant du projet de construction.
Armelleriveraine habitant en face depuis cinq ans
Comme le ferait un proche de potentiel résident, nous avons contacté Nahoma, la filiale du groupe Emeis, anciennement Orpea, qui exploite plusieurs résidences de ce type partout en France. “Il n’y a pas de résidence sur Reims”, nous indique-t-on au téléphone.
Comment expliquer, dans ce cas, qu’une page web soit dédiée à cette résidence rémoise, accessible depuis une recherche internet ou depuis le site de Nahoma ? Et que dans une brochure, où l'on peut lire "Nahoma, la promesse tenue d'une nouvelle génération de résidences", une date d'ouverture en 2023 ait été annoncée - et y figure toujours ?
Nahoma, la promesse (non) tenue
On nous répond que la question a été posée à la hiérarchie par le passé, après plusieurs appels de ce type. Nous sommes déjà le deuxième ce mois-ci. “Il faut aller sur le site officiel des résidences Nahoma et regarder si c’est noté ouvert ou pas. Ou bien appeler un 0 800”, indique la standardiste. Un numéro non attribué.
Selon la page internet, la résidence apparaît dans le menu déroulant et sur la page d’accueil. Il est même possible de visiter virtuellement et de découvrir les nombreux services mis en avant.
Mais il n’est jamais mention d’une ouverture ou d’une fermeture et impossible de programmer une visite ou de prendre contact, contrairement aux autres résidences. Autre incohérence : la page Google indique que la résidence est ouverte et affiche même des horaires. Pour y voir plus clair, nous avons tenté de joindre le groupe, sans réponse à ce stade.
Le groupe dans la tourmente
Mardi 28 mai 2024, Emeis assurait pourtant que l’ouverture pourrait intervenir “dans les prochains mois” et expliquait que le calendrier avait été bousculé par la restructuration du groupe. Une “revue stratégique de l’ensemble des nouvelles résidences seniors dont les ouvertures interviendront dans les mois qui viennent” devait avoir lieu. Avec une potentielle vente à des investisseurs, le sort de la résidence rémoise était donc incertain, et semble toujours l’être.
Le groupe a opéré une restructuration suite au “scandale Orpea”, après l’enquête Les Fossoyeurs du journaliste Victor Castanet dans lequel des situations de maltraitances des résidents, d’usage abusif de fonds publics et de manquements dans la gestions des personnels avaient été mis en lumière.
Mercredi 8 janvier, le groupe comparaissait devant le tribunal correctionnel de Lille pour homicide involontaire après la mort d’une résidente de 96 ans en mars 2023 à Loos, dans le Nord.