Procès des attentats du 13-Novembre : "Venir témoigner, c'est raconter son humanité", explique l'avocat Gérard Chemla

Il représentera 131 victimes lors d'un procès exceptionnel, celui des attentats du 13-Novembre 2015 qui débute à Paris ce mercredi. Rencontre avec le Rémois Gérard Chemla, l'un des 330 avocats qui sera présent au procès.

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Plus de 130 victimes. L'avocat rémois Gérard Chemla fait partie des 330 avocats qui seront présents au procès des attentats du 13-Novembre, qui débutera ce mercredi 8 septembre. Il aura la lourde tâche de représenter 131 victimes, parmi les 1.800 personnes physiques et morales qui se sont constituées parties civiles. Les attentes, de toutes parts, sont nombreuses. Il faut dire que ce soir-là, les attaques terroristes ont fait 130 morts et 350 blessés. Sur le banc des accusés, il y aura 20 accusés, dont le dernier encore en vie, Salah Abdeslam.

A seulement quelques heures d'un procès historique, nous avons demandé à l'avocat comment ce dernier préparait ce procès historiques aux enjeux colossaux.

Comment se prépare-t-on à un si grand procès ? 

Gérard Chemla : On se prépare depuis longtemps. Depuis pratiquement le premier jour, du personnel a été embauché pour suivre le dossier à temps plein, pour essayer de le lire et de le résumer. On parle de 1.200.000 pages de procédures.

En arrivant au procès, il faut au moins savoir de quoi on parle. Mais je défie quiconque d'avoir tout lu. Notre synthèse, au cabinet, fait 900 pages. C'est donc une vieille préparation. 

 

A deux jours du procès, comment vont vos clients ? Comment se préparent-ils ?

G.C : Il n'y a pas deux cas identiques. C'est un procès qui renvoie à l'intime. Certaines personnes ont mis ces épreuves de côté, et plus on en parle, plus ça remonte à la surface et ça les submerge. Des personnes qui ne voulaient pas être partie civile il y a un mois m'ont téléphoné ce lundi pour me dire que finalement, elles allaient venir. 

Et puis il y a d'autres personnes qui s'emparent du dossier à bras-le-corps. D'autres encore, qui sont dévastées, détruites... et enfin certaines qui sont résilientes. Il y a vraiment tous les cas de figure.

 

Pour ceux qui ont décidé de témoigner, en quoi cela est-il important pour eux ?

G.C : C'est important de témoigner parce que les assassins ont tiré sur des anonymes. Ils ont tué des gens qu'ils ne connaissaient pas et dont le nom n'avait pas d'importance. 

Venir témoigner, c'est raconter son humanité. C'est raconter la personne qui est décédée. Venir témoigner, c'est remettre de l'humanité là où il n'y en a pas eu au moment des faits.

 

C'est un dossier de plus d'un million de pages et un bout de notre histoire collective. Qu'attendez-vous en tant qu'avocat ?

G.C : Je suis comme tout le monde, je regarde ça au pied de la montagne. La première chose que j'attends, c'est de ne pas me faire ensevelir par les tonnes et les tonnes de papiers.

Avant-tout, j'attends que ce soit un vrai procès. Qu'on juge les accusés, mais aussi la relation entre la France et Daesh et la relation entre la France, la Belgique et le terrorisme. Qu'on comprenne ce qu'il s'est passé, pourquoi ça s'est passé et pourquoi est-on passé à côté ? 

Et puis il faut qu'on se pose d'autres questions : demain, serons-nous armés pour que ça ne recommence pas ? Avons-nous compris les messages qui ont été envoyés ? Et puis comprendre pourquoi une jeunesse peut assassiner une autre jeunesse ?

 

Sur les 20 accusés, le seul survivant des commandos terroristes est Salah Abdeslam. Il n'a encore jamais parlé. Beaucoup attendent de lui des explications. Pour vous, sa parole n'a que peu d'importance. Pourquoi ?

G.C : Je ne veux pas que nous nous refassions prendre en otage. Se suspendre aux lèvres de Salah Abdeslam, c'est se mettre de nouveau en otage. Nous l'avons déjà fait une fois. Aujourd'hui, c'est à nous d'avoir la main.

Qu'il parle ou non, c'est son problème. Ce ne doit pas être le nôtre.

 

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