Ce jeudi 5 décembre, à Reims, le cortège est fourni pour la manifestation contre le projet de réforme des retraites. Parmi la foule, des gilets jaunes, des étudiants et des retraités, venus protester contre la politique du gouvernement. Un cortège estimé à 5.000 personnes.
Un froid glacial, mais un cortège brûlant et remonté contre le projet de réforme des retraites. A Reims, ce jeudi 5 décembre, ils sont près de 5.000 selon le comptage de la police, à faire partie du cortège, parti à 10 h de la maison des syndicats. Parmi la foule couvertes de bonnets et chaudement vêtue, Régis, 69 ans, capuche sur la tête et lunettes sur le nez, tient un panneau avec une inscription en grosses lettres rouges. "Macron = banqueroute sociale".
Pour lui, "une banqueroute c'est une faillite frauduleuse, mais surtout un système pour culpabiliser les Français. Le mouvement peut durer, estime-t-il, car il est souterrain, avec les gilets jaunes, c'est une lame de fond, un ras le bol général". Le plus navrant selon lui, c'est qu'"une majorité de Français sont prêts à changer, mais pas sur une telle injustice. L'injustice sociale c'est ça le fond du problème", conclut cet ancien éducateur en psychiatrie.
Un peu plus loin, Yasmine, 18 ans, membre de l'Union des étudiants de Reims, et étudiante en Histoire. "Pour la réforme de retraites, nous aussi on va être concerné. Mais on dénonce ce qui se passe pour les étudiants, de moins en moins de profs, des salles, celui qui s'est immolé à Lyon. On dénonce les mauvaises conditions de travail des étudiants. C'est un mouvement qui englobe plein de combats".
À 90 ans, Jeannette est dans la rue
À ses côtés un couple de retraités, grosse écharpe autour du cou et qui défend les retraites de ses arrière petits enfants. "J'ai 90 ans passé, explique Jeannette, membre de la CGT retraités, loisirs et solidarité des retraités. Je suis descendue dans la rue, car la cause parle à tout le monde. Ce projet est trop flou, on ne sait pas où on va. Manque de pédagogie, sur la forme et sur le fond. Tout augmente et les retraites n'augmentent pas, on n'a pas de vison de l'avenir. J'ai besoin d'aller chez le dentiste, pour ma santé et je ne suis presque pas remboursée. J'ai une retraite de 1.200 euros avec la pension de réversion de mon mari. Moi je ne touche que 737 euros par mois. Ce mouvement s'inscrit dans la durée, il n'y a pas d'âge pour manifester". Une enseignante, tient un panneau, qui nous interpelle : "en grève parce que je ne comprend pas tout". Alice fait allusion à une partie de phrase du ministre de l'éducation nationale, qu'elle juge humiliante. "Je dénonce le mépris de mon ministre. Pour moi, on va travailler plus longtemps avec des pensions moins élevées. C'est inadmissibile pour nous et les élèves qui méritent autre chose que des profs de 67 ans". Jean-Michel Blanquer avait expliqué qu'il ne parlait pas spécialement des professeurs "mais du fait que tout le monde ne comprend pas tout mais c'est tout à fait normal, il n'y a rien de problématique". [...] C'est comme quand vous êtes au restaurant, la cuisine est complexe, mais la salle à manger est simple.» Sur la suite du mouvement elle confie : "j'espère que ça va s'inscrire sur la durée".
A côté d'elle, Amélie, une autre enseignante évoque "une provocation, un manque de respect". "On fait un travail d'utilité publique et quand notre ministre nous dit n'ayez crainte vous aurez 1.000 euros minimum, il est dans la provoc je ne sais pas s'il le fait exprès. On est dans un métier qui est de plus en plus précarisé. J'espère que ça va être reconductible. Mais beaucoup de collègues ne sont pas là, car ils sont déjà dans une misère sociale". Les AVS par exemple sont concernées. "On est pour un système de retraite solidaire où chacun ne va pas accumuler les points de son côté. Il faut garder ces acquis sociaux que des générations avant nous ont construit et obtenu. En tout cas aujourd'hui, il y a du monde et ça donne du moral.
Les pompiers ferment la marche
Si l'enjeu était aussi de rassembler les colères. Il semble réussi puisqu'à quelques centaines de mètres de ces enseignantes, les pompiers fermaient le cortège. En grève depuis des mois, ils ont fait hurler leurs sirènes pour évoquer leur mal-être. Mario, 51 ans, membre de la CGT pompiers à Châlons-en-Champagne, évoque un système qui est aujourd'hui spécifique. "On cotise davantage que les autres pour pouvoir partir en retraite 5 ans plus tôt. Donc partir à 57 ans au lieu de 62 ans. Si les régimes spéciaux disparaissent, vous aurez des pompiers à 62 ans dans les camions. C'est à dire qu'on ne tiendrait pas compte de l'âge et de la santé des personnels. Ce métier demande une certaine force. Parfois l'être humain fatigue. Ce droit de régimes spéciaux, on le cotise en plus, donc on y a droit". Figure des gilets jaunes près de Reims à Cormontreuil, Didier, 58 ans, casque de gaulois vissé sur la tête, est au coeur du cortège. A la question d'une forme de "convergence des luttes", il répond sans hésiter. "Bien sûr que c'est une cause commune, il n'y a pas que les retraites. On est là aussi pour le pouvoir d'achat et le prix de l'essence. Rien n'a bougé, tant que ça ne bougera pas, on sera dans la rue. Les retraites, ça me concerne, dans six mois je suis en retraite invalidité, car j'ai été reconnu inapte à mon poste. Je vais toucher 900 euros par mois, dérisoire une fois qu'on a payé le gazoil et le loyer". Ancien apprenti dans la restauration à 14 ans, puis ouvrier forain, il est parti à l'armée et rentré ensuite à l'hôpital.
"Cette réforme, faudrait nous l'expliquer, surtout la retraite à points. Aligner tout le monde sur le même barème pourquoi pas, mais faudrait nous expliquer ce qu'est la retraite à points. Tout le monde n'a pas les mêmes contraintes au travail. Cette réforme c'est tout pour les riches et rien pour les autres. Mais surtout les classes moyennes. On n'y arrive plus. On est tous des classes moyennes, les gilets jaunes sont des gens qui travaillent, qui ont bossé toute leur vie et qui se retrouvent dans la misère aujourd'hui. On espère relancer le mouvement même s'il n'a jamais cessé. Il est plus discret car si on avait demander à manifester, on nous aurait refusé le droit de le faire, et si on avait quand même manifesté, on se serait fait matraquer et gazer. Regardez, ici, il y en a des gilets jaunes. Mais il n'y a pas de casseurs".
« Ceux qui sont là souhaitent continuer le mouvement, en ce jour c’est une réussite dans tout le pays, ça va changer les consciences, changer le rapport de force, nous nous retrouvons dès demain matin pour continuer la lutte, peut être sous la forme d’une manifestation, de discussions, nous avons les moyens de changer les choses d’une manière démocratique » explique Thomas Rose.
La prochaine assemblée générale aura lieu demain matin à 8h30 à la maison des syndicats en présence des différents acteurs de ce mouvement.