La fête, pour les exposants du village des artisans du marché de Noël de Reims, semble avoir tourné court. Ils mettent en avant l’insalubrité des chalets, le manque de communication, pour attirer les clients.
C’est la première fois que Camille Guerlot, créatrice de peluches artisanales, en coton bio, participe au marché de Noël de Reims. Pour la jeune entrepreneuse, qui commercialise ses productions, sous la marque " Ninousse", sa présence, sur le village des artisans d’art, dans l’allée centrale des Promenades Jean-Louis Schneiter, pouvait rimer avec bon chiffre d’affaires.
Sauf que "depuis l’ouverture, le vendredi 26 novembre, je n’ai vendu que trois peluches", raconte-t-elle le 1er décembre. Une déception, pour cette jeune femme, d’autant que ce n’est pas la seule. "Sur notre contrat, avec les Vitrines de Reims, il était question d’un marché d’artisans d’art, mais on s’est rendu compte, qu’il y avait des revendeurs de produits faits, on ne sait où. C’est difficile d’expliquer nos prix d’artisans, plus élevés, quand autour de moi, tout est à dix "balles". Moi, je vends du véritable artisanat".
Etat déplorable des chalets
Si cette exposante est en colère, et demande à être indemnisée, c’est aussi, parce que lorsqu’elle a eu les clés du chalet qu’elle occupe, quelques jours avant l’inauguration du marché de Noël, elle a été scandalisée par l’état des lieux. Là encore, elle n’est pas la seule. "On est une dizaine, dans la même situation. On a trouvé des restes de nourritures, des nids de guêpes vivantes. Le contrat prévoyait des chalets vides", poursuit Camille Guerlot. Elle dit avoir passé trois jours pour réhabiliter celui qui lui avait été affecté. "Des affaires étaient restées. Il y avait des meubles cloués au sol, au mur, des clous rouillés, des agrafes, sur le comptoir, et au-dessus, sur la tonnelle. Le temps que j’ai passé à remettre ce chalet en état, est toute une période où je n’ai pas pu créer. C’était à nous de tout faire".
On est dans un endroit isolé, sans décorations, sans sapins. On nous a vendu un contrat mensonger.
Sandrine LIlimez, exposante
Sur les 18 chalets qui étaient prévus, l’exposante indique que deux n’ont jamais ouvert, que certains artisans sont déjà partis, car il y a peu de passage, peu d’éclairage. La commerçante a payé son chalet 900 euros, pour les dix premiers jours du marché de Noël, et réglé une caution, de 800 euros. Pour toute la durée de la manifestation, "la location d’un chalet revient à 3.000 euros", indique-t-elle.
Une délégation d’exposants reçue par l’association organisatrice
Si Camille Guerlot ne s’est pas posée la question d’une plainte, ce qu’elle souhaite, comme les autres artisans, c’est être entièrement dédommagée du prix du chalet. Elle dénonce la taille de son chalet, semble-t-il plus petit, que ce qui était annoncé, et son état. "On est à l’agonie", dit-elle. "On vend à perte". Elle évoque, avec colère, "le consensus avec les habitués, qu’on laisse faire, pour qu’ils reviennent. C’est pour cela que les chalets n’étaient pas vides".
Une délégation d’artisans a rencontré des représentants des Vitrines de Reims et de la mairie. "Ils se renvoient la balle. C’est la faute à pas de chance, au mauvais temps"... Elle soupçonne même qu’on a voulu la faire taire en lui proposant de lui acheter un ourson.
Le contrat en question
Sandrine Lilimez est céramiste, artisan d’art. Elle vient de région parisienne et participe au marché de Noël de Reims, pour la première fois. "Dans le contrat qu’on nous a présenté, on nous indiquait qu’il n’y aurait que des artisans d’art, faisant de la petite série, et qu’il y aurait un endroit spécifique pour nous accueillir. En fait, on est dans un endroit isolé, sans décorations, sans sapins. On nous a vendu un contrat mensonger".
Je vais partir d'ici, endetté, alors que j'ai une clientèle récurrente. On est entrain de couler.
Nicolas Trancart, exposant
Comme, en septembre, les dossiers devaient passer, en commission, cela a rassuré l’exposante. "J’y ai vraiment cru. J’ai fait confiance. Ils nous ont fait acheté un extincteur, un chauffage…Je suis là jusqu’au 29 décembre prochain. Je suis bien à plus de 4.000 euros de frais".
Du pour et du contre
Pour certains, il y a tout de même du pour et du contre. C’est le cas pour Nicolas Trancart, qui vient de Normandie pour participer au village des artisans d’art de Reims, depuis cinq ans, pour y vendre des animaux de métal.
Habitué du village, quand il était organisé, dans la cour du Palais du Tau, il regrette qu’il n’y ait pas de banderoles, indiquant la délocalisation du village, où il revoyait des clients, chaque année. "Il faut que ce soit fléché. On m’avait dit qu’il y aurait du marquage, au sol, que ce serait fait et qu’il y aurait de la communication".
Il voudrait plus de lumières, de décorations, de sapins. "Il n’y a pas de place pour garer nos camions de 2,60 mètres de haut, dans les parkings sous-terrains". Pour autant, il rend hommage aux Vitrines de Reims. "Contrairement aux autres villes, qui organisent des marchés de Noël, et encaissent les chèques 6 mois avant, ici l’association n’encaissera nos chèques que le 15 décembre. On aura de la trésorerie. C’est super cool ! C’est positif, pour des petits commerçants, comme moi. On ne pourrait pas aller ailleurs".
"En train de couler"
Mais, à la mi-journée, Nicolas Trancart se plaint de ne pas voir de lumières allumées, comme on pourrait s’y attendre sur un site festif…A cela s’ajoute le positionnement, en quinconce, des chalets qui ne permet pas aux exposants de faire surveiller leur stand, entre eux. "On a essayé de me voler des choses", dit-il. "On ne peut pas lâcher le stand, et il n’y a pas grand-chose pour manger".
"Il faut qu’il y ait du changement, maintenant, sinon, on est tous enterrés. Je vais partir d’ici, endetté, alors que j’ai une clientèle récurrente. On est en train de couler".
C'est difficile d'expliquer nos prix d'artisans, plus élevés, quand autour de moi, tout est à dix "balles".
Camille Guerlot, créatrice de peluches.
D’ici la fin de la semaine, des réponses seront apportées aux doléances des exposants reçus en délégation, mardi 30 novembre, aux Vitrines de Reims. C’est ce qu’indique Yves Guinoiseau, le trésorier de l’association. "On travaille. On a fait ce qu’il fallait. On travaille avec l’ensemble des équipes, en interaction avec la Ville. On va faire le mieux qu’on peut. Le Palais du Tau est en travaux, c’est pour cela que nous n’avons pas pu y installer le village des artisans, cette année. L’an dernier, à cause de la Covid, nous avons fermé, et ça nous a pénalisés".
Non au dédommagement
Le trésorier de l’association, subventionnée par la Ville, admet qu’il peut y avoir des "petits couacs". (Renseignement pris, la Ville accorde une subvention de 230.000 euros, pour toute l'année, aux Vitrines de Reims). Il annonce déjà un fléchage, en ville, deux sapins lumineux, une relance de communication, sur les réseaux sociaux, et des groupes musicaux qui désormais passeront, deux fois, le week-end. Plus d’illuminations, des toilettes possibles, chez des commerçants à proximité, et l’accès à un parking proche, voilà du concret, mais pour ce qui est d’un dédommagement, la réponse est sans appel.
"On va travailler sur des améliorations. On travaille sur l’avenir. Nous sommes des bénévoles. On essaie d’avancer, mais le dédommagement, c’est "Non", assure Yves Guinoiseau. Avec 780.000 visiteurs, en 2019, le marché de Noël de Reims était le troisième de France, après ceux de Strasbourg et de Colmar. "On souhaite garder cette place sur le podium. Tout ça, c’est pour faire venir plus de monde à Reims". Ce qui est certain, c’est qu’au moment des fêtes de fin d’année, le Grand Est a la cote.