Plutôt que d'être seuls chez eux pendant deux semaines voire plus, il ont choisi de se réunir à six dans une colocation du centre-ville de Reims...Rencontre avec ces jeunes au cours de leur sortie sportive quotidienne.
Une session de freeline skate pour ne pas "cogiter"... La journée touche à sa fin au stade Saint-Symphorien de Reims, situé juste derrière la cathédrale. Sur le bitume, trois colocataires, Marc, Alexandre et Auguste, multiplient les boucles, juchés sur leurs freeline skates, deux planches à roulettes miniatures pour chaque pied, munies de deux roues indépendantes.
Deux petites heures de détente, en toute légalité, chacun étant sorti avec son autorisation dûment remplie. " Je n'ai pas vraiment peur de ce qu'il se passe : j'ai plutôt peur de savoir comment on va le vivre", explique Alexandre, 29 ans, salarié dans la restauration.
Avec ses amis, pour traverser cette période d'incertitude, l'idée d'agrandir leur colocation actuelle et d'accueillir trois nouveaux membres dans leur appartement de 70 mètres carrés, s'est vite imposée. " On ne voulait pas être seuls, et surtout on s'est dit qu'on serait sûrement plus productif à plusieurs".
La question d'une éventuelle transmission du covid-19 au sein du groupe s'est elle aussi rapidement posée. Car ils le savent : se regrouper multiplie forcément les risques.
On part du principe qu'on est déjà porteur du covid 19 donc on se garde le virus entre nous pendant 15 jours. On reste entre nous, on ne croise personne ...
-Alexandre, colocataire
Question logistique, chacun a fait les courses avant de venir, afin de tenir quatre ou cinq jours. Et un seul des colocataires est en charge du réapprovisionnement. Depuis lundi, les journées s'organisent principalement autour des repas, un feuilleté jambon-maroilles-champignons pour ce samedi soir. Et les six amis ont innové en fabriquant eux-mêmes leur pain...
Côté distractions pour ces mélomanes, des cours de guitare donnés par Marc, des quatre-mains sur les deux pianos de l'appartement et des sets d'Auguste, le DJ du groupe, membre du collectif rémois, La Forge. "Afin d'égayer Reims, on met en ligne sur notre page facebook le festival de musique électronique Covidchella, ce samedi, entre 16 heures et 1 heure du matin. Un nom tout trouvé..."
"On s'ennuie un peu, forcément, reconnaît Marc, 26 ans, entre deux jeux de société. On n'a ni télévision, ni consoles, mais on regarde pas mal les infos."
L'un des colocataires est particulièrement concerné en tant qu'interne en anesthésie et réanimation. La semaine prochaine, il effectuera trois gardes à Charleville-mézières...
-Marc, colocataire
Pour la bonne ambiance, quelques règles ont été établies : "petit-déjeuner à 9 heures et demi et fiesta à partir de 18 heures ".
Certains colocataires, encore étudiants comme Marc, profiteront des semaines qui viennent pour travailler leurs thèses, tandis que d'autres privilégieront la musique ou encore le yoga.
Ils sont colocataires à #Reims , confinés à six chez eux, et pour leur sortie sportive quotidienne, ils font du #freeline skate. Le #sport comme pied de nez au #COVID2019france pic.twitter.com/34XYtSxdUy
— Mathieu Guillerot (@mathguillerot) March 20, 2020
La session de freeline skate, elle, revêt une importance particulière pour Marc. "En tant que diabétique, j'ai besoin de faire de l'activité physique, confie t-il. J'ai conscience d'être une personne à risque mais le sport me permet d'équilibrer mon diabète. Si je n'en fait pas, je ne suis pas bien..." Conséquence directe du confinement, le jeune homme a quand même dû augmenter ses doses d'insuline.
Le covid-19 ? Ces trois Rémois y pensent tous les jours. Mais imaginent déjà l'après. "En un sens, ce virus est aussi un virus de la mondialisation, explique Auguste.
J'espère que cette crise amènera une prise de conscience et qu'on va s'interroger chacun sur notre rythme et notre sens des priorités. Mais je doute que cela tienne dans le temps...
-Auguste, colocataire
Marc, lui, imagine déjà le moment où la colocation prendra fin. "Ça risque d'être dur de se séparer, après tous ces jours passés ensemble..."
En attendant, pour entretenir leur cohésion et lutter symboliquement contre la pandémie, les six colocataires ont rendez-vous chaque soir sur leur balcon pour y applaudir les personnels soignants, en premières lignes face au Covid-19.
Un hommage, et une manière de ryhtmer ces premières journées d'un confinement qui pourrait être prolongé, bien au delà des deux semaines annoncées.