Reims : une immersion dans la "guerre" de la télévision française, mise en scène au théâtre

Une télévision française, nom de la pièce de Thomas Quillardet. Du 2 au 9 octobre, la Comédie de Reims prend les allures d’une chaîne de télévision. Le spectateur plonge dans les coulisses d’une rédaction des années 80, période de privatisations et bouleversements médiatiques.

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Une télévision française, titre de la pièce de théâtre proposée par la Comédie de Reims, écrite et mise en scène par Thomas Quillardet. Le temps de six représentations, la grande scène rémoise ressemble à une chaîne de télévision. Sur scène, les comédiens jouent le rôle de journalistes des années 80. Le spectateur plonge dans les coulisses d’une rédaction de l’époque, y découvrant son quotidien et son évolution.

La privatisation de TF1

Souvenez-vous, nous sommes le 16 avril 1987, c’est l’annonce de la privatisation de TF1 par le gouvernement de Jacques Chirac. Oui, auparavant la chaîne était publique et seuls les plus anciens s’en souviennent peut-être. C’est François Mitterrand, alors Président de la République, qui accepte cette privatisation. C’est le groupe industriel Bouygues, sous l’impulsion de son président, Gilles Pélisson, qui prend la direction de la chaîne.

C’est le début d’une nouvelle ère médiatique avec l’audience qui prime. Des grands noms comme Patrick Poivre d’Arvor, ou Anne Sinclair émergent alors. “Je raconte comment cette privatisation est arrivée et comment elle est tombée sur la tête des journalistes et comment Bouygues avec pas mal d’habileté a modifié le contenu éditorial de la chaîne, en a fait une chaîne puissante avec une course à l'audience", explique Thomas Quillardet, metteur en scène.

Via un théâtre documentaire qui flirte volontiers avec la fiction, Thomas Quillardet a imaginé un groupe de journalistes traversant cette période de bascule et fait revivre cette époque de chamboulements. Les plus anciens se remémorent des souvenirs et les plus jeunes découvriront cette époque épique de la télévision française.

 

Tchernobyl au coeur du spectacle

Le 26 avril 1986 c’est la catastrophe de Tchernobyl. A partir de ce fait-divers, la pièce nous plonge au cœur de la rédaction d’une chaîne de télévision française de l’époque. Dix comédiens sur les planches jouent le rôle de dix journalistes. 

Le ton est donné d’entrée de jeu, même si les professionnels des médias sont joués de manière un peu exagérée, la véracité des faits est bien là. Le spectateur plonge au cœur d’une rédaction avec les personnalités qui la composent, des prises de décisions qui interrogent parfois, questionnent le spectateur et finalement surprennent.

Et tout y est, la salle de rédaction, le direct de la journaliste, la régie, le retour plateau. Des termes techniques sont là pour donner encore plus de réalisme. On sent l'effervescence à l'annonce de la catastrophe de Tchernobyl, l'excitation quand il s'agit de prendre une décision. Qui part sur le terrain, qui fait le direct ? Un jeu d'acteur bluffant. 

La course à l’audience

Est-ce que le journalisme d’investigation est compatible avec l’audience ? C’est le fil conducteur de la pièce. “Il m’a semblé intéressant de questionner la place des journalistes dans notre démocratie à une époque où cette privatisation a fait basculer les médias, surtout audiovisuels, vers autre chose, car l’audience est devenue primordiale, la chaîne TF1 est devenue la première d’Europe et tout le monde s’est aligné (antenne 2, FR3…).

C'est l'arrivée d'une information et de la première chaîne d'information en continu. “Une nouvelle information dite plus “concernante”  soit disant plus proche des gens, avec plus de faits-divers, de vie quotidienne, une info plus magazine, et surtout la création en 1994 de LCI qui va donner le code journalistique de ce que l’on connaît maintenant”. La pièce s'attarde donc sur cette période clé du paysage médiatique français.

 

Un moment (de la télévision, ndlr) très précis, de 1986 à 1994, mais qui fait écho avec notre présent à nous

 

Le spectateur est plongé dans une rédaction semblable à celle de TF1, sur une période d’environ dix ans. Une vision du monde qui défile avec la catastrophe Tchernobyl en 1986 en préambule, pour finir avec l’élection de Jacques Chirac en 1995. Entre-temps, de nombreux événements marquants sont cités dans la pièce ; la chute du mur de Berlin, la mort de Pierre Bérégovoy ou encore la libération de Nelson Mandela.

La pièce aborde aussi la montée de l’extrême droite. “Nous montrons comment les thématiques de Le Pen se sont imposées dans la télévision en grande partie pour des questions d’audience”. Une émission de 2h 1⁄2 sur l’immigration pour les élections européennes avec Bernard Tapie, cela a créé un buzz à l’époque en 1989 avec 9 millions de téléspectateurs”

 

Le plus réaliste possible

Pas de caricatures dans le spectacle qui, finalement, retrace une histoire assez récente de la télévision française et plonge le spectateur dans un univers étrangement peu connu du grand public. “C’est un petit bout de notre histoire, car TF1, qu’on aime ou pas, c’est comme la Tour Eiffel, c’est un peu du patrimoine français” explique l’auteur.

Des journalistes, jeunes et moins jeunes, rencontrés par le metteur en scène, ont été une source d’inspiration pour la pièce et le gage de plus de véracité dans les textes.

Des stars du petit écran côtoient des journalistes anonymes. L’auteur a rencontré de nombreux professionnels des médias notamment ceux de Médiapart et France Télévisions. Les plus jeunes sont, selon l'auteur, plongés dans la course effrénée entre  médias où il faut aller vite. “Les jeunes journalistes de trente ans, je les ai trouvés tristes” dit-il.

Des rencontres franches et sans tabous où ses interlocuteurs n'ont pas hésité à lui faire ressentir un quotidien parfois peu encourageant.“C’est quoi ta bouse, demande le cameraman au journaliste, puis, c’est quoi ta merde demande la monteuse”. Un peu caricatural, mais démontrant que le métier d’un journaliste n’est pas toujours conforme à l’image d’épinal.

 

Dans les coulisses de l’info

C’est toute la vie d’une rédaction qui, avec toute sa complexité, est au cœur du spectacle de trois heures. “C’est vraiment le traitement de l’info, des contenus et comment l’on fabrique un journal avec les conférences de rédaction” précise le metteur en scène rémois.

 

Montrer la rédaction dans toute sa complexité avec des gens courageux, d'autres lâches et parfois c’est la même personne qui va être têtue sur un sujet et lâcher l’affaire sur un autre.

Thomas Quillardet, metteur en scène

L’indépendance des médias

Pas de message ou critique dans la pièce mais elle  montre la situation telle qu’elle est. "Je ne veux pas dire que le privé c’est mal ou le public bien", précise Thomas Quillardet, metteur en scène

Et montrer l’importance d’une information indépendante quel que soit le média. “On peut être indépendant dans le public comme le privé, c’est une question d’éthique personnelle”, explique l'auteur de la pièce."Le journalisme est un rouage important de la démocratie, le jour ou l’on est plus sûr de l’indépendance et la véracité de l’information c’est foutu".

La responsabilité du téléspectateur

Le téléspectateur est aussi responsable de la situation. “Nous aussi, les spectateurs, on aime être flattés sur nos peurs. Est-ce que le journalisme a les moyens de nous amener ailleurs avec des vraies informations difficiles à trouver, c’est la question de l’indépendance qui se pose alors. On regarde plus du Cyril Hanouna qu’Arte".

Mais finalement, sans jugement, la pièce déroule, sur une période très courte, une version inédite d’une infime mais ô combien importante période de l’histoire des médias.

Privée ou publique la télévision a su accrocher son public. Motivée ou non par l'audience, indépendante ou non, le public est aussi responsable de son contenu. Les gens continuent à regarder le petit écran, les audiences montrant que la télévision a encore un brillant avenir.

Une pièce à découvrir à la Comédie de Reims du 2 au 9 octobre voir le programme ici.

 

Et pour compléter votre tour d'horizon de la télévision française des années 80, vous pouvez vous arrêter devant l'exposition qui y est dédiée en marge de la pièce de théâtre. Rendez-vous dans le hall de la Comédie de Reims.

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