Une artiste de Reims, Maat, met en vente l’une de ses sculptures au profit des Restos du Coeur. L'œuvre, mise à prix à 10 000 euros, est composée de 50 paires de menottes ayant appartenu à la police et la gendarmerie.
C’est une vente aux enchères qui sort de l’ordinaire prévue le 17 décembre 2021. L’artiste champardennaise Maat propose au plus offrant une œuvre d'art contemporain entièrement composée de menottes. Le montant de la vente sera reversé aux Restos du Cœur. L'artiste souhaite que l'œuvre soit mise aux enchères et vendue au plus offrant, au profit des plus démunis. L'œuvre "Menottes" appartient à la série "Utopia, un autre regard". Cette série met en scène des accumulations d'objets dont l'artiste souhaiterait se passer dans sa société idéale.
“Cette œuvre fait partie d’une série que j’ai nommé Utopia, explique Maat. C’est une série où j’assemble des pièces identiques entre elles. Ici, j’ai soudé une à une 50 paires de menottes. Ce sont de vraies menottes appartenant à la gendarmerie et à la police, fournies par la Direction de l’Equipement et de la Logistique de Metz. On ne récupère pas ce genre de matériel si facilement. La procédure à dû être validée par le ministère de l’Intérieur. D’ailleurs, on ne m’a pas donné les clés qui vont avec !”
Pour préciser le sens de cette sculpture, Maat explique que "l'accumulation d'objets, exempte de toute figure humaine, met en exergue tout à la fois : l'oppressement et les actes subis par nombre d'individus, et un abandon d'objets usés comme une liberté, un détachement du peuple".
"Menottes" rend compte de l'époque actuelle, entre revendications sociales et contexte sécuritaire, entre crise sociale et crise sanitaire. Le spectateur est laissé face à l'accumulation: Peut il voir les chaines vides ? Les individus disparus ? Les individus libérés? Est -il de ces individus lui même?
Marquer le coup
Maat, dont le pseudonyme fait référence à la déesse de la justice et de la vérité dans la mythologie égyptienne, a été décorée Chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres en décembre 2020. “Comme nous étions en plein confinement, raconte la sculptrice, j’ai dû trouver un moyen de marquer le coup autrement. C’est pour cela que j’ai voulu organiser cette vente aux enchères au profit des Restos du Cœur.”
A partir du 17 novembre et jusqu’au 17 décembre, les potentiels acquéreurs peuvent faire leur offre directement en ligne. “La mise à prix est à 10 000 euros, indique Maître Thierry Collet, commissaire priseur à l'hôtel des ventes de la Porte de Mars à Reims, mais nous espérons que les acheteurs seront généreux. L'art contemporain intéresse beaucoup les collectionneurs, et comme il s'agit d'une vente pour la bonne cause, c'est un double atout."
La vente est ouverte à tous. Il suffit de faire une offre via le site interenchères. "Comme il s'agit d'une vente caritative, ajoute Maitre Collet, j'ai décidé de ne pas prendre de frais de vente. Je travaillerai donc gratuitement pour cette vente, au même titre que l'artiste."
Le métal, une évidence
La sculptrice de 67 ans est spécialisée dans le travail du métal. Elle réalise des œuvres contemporaines, aux formes humaines mais aussi abstraites. “Au départ, je me suis essayée à la sculpture sur bois et sur pierre, raconte-elle. Mais je me suis vite ennuyée. Ce sont des matériaux rigides, restreints. Le métal est bien plus malléable, il y a beaucoup plus de possibilités. On peut le presser, le faire fondre, lui donner n’importe quelle forme grâce à la chaleur. Et puis c’est varié, il y a l’acier, l’inox, le cuivre… Je peux laisser libre cours à mon imagination".
Maat possède un corps de ferme près de Reims où elle stocke ses œuvres une fois terminées. Mais elle travaille aux quatre coins de la Champagne-Ardenne : “Pour travailler le métal, j’ai besoin d’outils adaptés qu’on ne trouve que dans les usines. Je fonctionne donc avec différentes entreprises industrielles de la région qui me laissent utiliser leur matériel. Je change de lieu de travail en fonction de mes besoins, et j’ai plusieurs sites de façon à ne pas encombrer les entreprises ou monopoliser une machine.”
“Je veux que les gens qui voient l'œuvre décident eux-mêmes de ce qu’elle raconte”
Maat
Ce n’est pas la première fois que Maat utilise des menottes dans une de ses œuvres. “La première fois, c’était un procédé bien différent, explique l’artiste. J’ai compressé plusieurs paires de menottes ensemble, puis je les ai entourées de résine pour former de petites tours Montparnasse. Cette fois-ci, j’ai soudé les menottes entre elles, sans compression. On les distingue plus clairement.”
Malgré le symbole fort des menottes, souvent associées à la privation de liberté, Maat ne souhaite pas véhiculer de message précis à travers son œuvre : “L’idée, c’est que chacun se l’approprie. Ce n’est pas à moi d’imposer ma vision. Je veux que les gens qui voient l'œuvre décident eux-mêmes de ce qu’elle raconte”.