Le tribunal des prud'hommes a estimé que les demandes de l'ex-délégué syndical étaient fondées. Ce lundi 22 janvier 2018, la juridiction de Nancy a reconnu le préjudice d'anxiété causé à ce verrier de Baccarat, dû à son exposition prolongée aux poussières d'amiante.
Plusieurs procès entre les ouvriers et leur employeur
Ce jugement s'inscrit dans une vague de procès intentés à la cristallerie de Baccarat. Le tribunal prud'hommal a tranché, ce lundi 22 janvier 2018, en faveur d'Eric Rogue.Les juges ont estimé que le préjudice d'anxiété invoqué par l'ex-délégué CGT était fondé : son employeur a été condamné à lui verser dix mille euros d'indemnité, auxquels s'ajoutent mille euros au titre des frais de procédure. Plusieurs affaires similaires ont opposé ces dernières années les ouvriers de la cristallerie à leur employeur.
Pendant les années 70 et 80, de nombreux salariés ont été exposés aux poussières d'amiante, et demandent maintenant réparation. Un premier pas a été fait en 2014, quand la cristallerie a été inscrite sur la liste des établissements ouvrant droit à une allocation amiante pour les salariés.
Ce dispositif donne droit à une retraite anticipée et au versement d'une allocation amiante. Toute personne qui justifie d'une maladie professionnelle liée à l'amiante peut y prétendre à partir de 50 ans.
Avec l'aide de l'association ADDEVA 54, qui soutient les victimes de l'amiante, trois actions collectives ont successivement été lancées. Elles concernent au total 290 personnes. Toutes les demandes avaient été déboutées par les prud'hommes, au motif "qu'aucune preuve n'était de nature à quantifier le préjudice" .
Toutes ces décisions avaient débouché sur des recours en appel. Le premier procès aura lieu le 16 février 2018 à Nancy.
Préjudice d'anxiété : une possible reconnaissance de la cour d'appel ?
Les employés de la cristallerie souhaitent faire reconnaître légalement un préjudice d'anxiété par la Cour d'appel. Celui-ci a été consacré par la Cour de cassation en 2010.
Objet d'une abondante jurisprudence, il permet aux travailleurs exposés à l'amiante de se faire indemniser au titre du préjudice moral causé.
La décision favorable à Eric Rogue est une première de la part des prud'hommes. Auparavant, ceux-ci ont toujours systématiquement rejeté les demandes similaires, qui aboutissaient à une reconnaissance du préjudice devant la cour d'appel.
Les causes de ce changement peuvent être multiples : en parallèle, Eric Rogue demandait réparation pour discrimination syndicale.
Contactée, la cour d'appel annonce qu'elle va traiter distinctement chaque action collective. La décision finale ne devrait pourtant pas être une surprise. Dans les anciennes affaires similaires, comme Trailor en 2014, les juges avaient reconnu le préjudice et indemnisé les ouvriers.
Amiante: où en est-on aujourd'hui?
Connu pour sa résistance à la chaleur, ce matériau a été utilisé depuis la fin du XIXe siècle dans le bâtiment et l'industrie. Dès le début des années 1970, des scientifiques font le lien entre l'amiante et certains cancers et alertent sur sa dangerosité. en France, l'amiante ne sera pourtant totalement interdit qu'en 1997, après un grand scandale. Depuis, plusieurs procès ont été menées contre des entreprises, accusées d'avoir exposés leurs employés en toute connaissance de cause.En France, une victime peut engager des poursuites contre son employeur auprès des Prud'hommes (chargés des litiges entre salariés et employeurs) ou du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale. Dans le deuxième cas, le but est de faire prouver une "faute inexcusable de l'employeur" pour absence de protection du salarié. Sa reconnaissance par les juges donne droit au versement d'indemnités complémentaires par l'employeur.
En matière pénale, la plupart des procès intentés s'enlisent. Seule exception, la condamnation historique des dirigeants dEternit, en Italie. Le tribunal de Turin les avaient condamnés à 16 ans de prison ferme.