Coronavirus : "l'épidémie s'accélère trop vite, on fait de la médecine de catastrophe"

Le nombre de cas ne cesse d'augmenter jour après jour dans le Grand Est. Samedi 21 mars, 1.767 personnes sont hospitalisées et 230 personnes sont mortes du Covid-19 dans la région depuis le début de l'épidémie. Les services de réanimation de la région, dont le CHRU de Nancy, sont sous tension.

Samedi soir, l'agence régionale de santé du Grand Est précise que l'épidémie de coronavirus covid-19 s'aggrave dans le Grand Est. Au dernier bilan samedi 21 mars 2020, 1.767 personnes sont hospitalisées, dont 435 en rénimation. Dans le Grand Est 3.089 personnes ont été testées positives au covid-19.

Au CHRU de Nancy, hôpital référent en Lorraine pour l'épidémie du Covid-19, la situation se complique jour après jour avec l'afflux des patients, infectés par le virus. "Je n'ai jamais vu ça", disent tous les médecins rencontrés. Ils sont confrontés à une forme "d'embouteillage" au Samu, aux urgences, dans les services de réanimation.
 

Réanimation sous tension

"Nous avons complètement réorganisé le service car c'est vrai que la situation épidémiologique est difficile, dit Bernard Dupont directeur du CHRU. En quelques jours, les établissements de santé gérent l’affluence des malades et anticipent l’intensification de la crise à venir". C'est du jour après jour". 

La courbe est similaire à la crise italienne et nos ressources qui ne sont pas différentes de celle de l'Italie, risquent d'être saturés
Bruno Lévy, chef du service Reanimation au CHRU de Nancy 

La situation commençait déjà à fortement se dégrader en fin de semaine dernière. Cinq patients ont été transférés du CHRU de Strasbourg vers le CHRU de Nancy dans la nuit de samedi à dimanche 15 mars. "Actuellement la réanimation médicale est pleine. On va doubler nos capacités, et on arrivera ce week-end à 140 lits. Plus de la moitié sont consacrés aux malades atteints du Covid-19". Et mardi 17 mars, trois patients héliportés de Mulhouse ont été admis en urgence. "Ces transferts sont inédits depuis le début de la crise. Ils visent à libérer des lits chez nos voisins alsaciens où la situation dans les hôpitaux est dramatique avec l'afflux de patients", dit le Bruno Lévy. Il précise, ce dimanche 22 mars 2020, "à Nancy plus d'une cinquantaine de lits sont déjà occupés".


Branle-bas de combat à l'hôpital 

L’inquiétude est là pour les soignants. Et en Lorraine une autre difficulté commence à apparaître. Les quatre départements ont dépassé le seuil épidémique. Deux patients de Mulhouse ont été hospitalisés à la clinique privée Pasteur à Essey-lès-Nancy, dans la banlieue nancéienne. "C'est de la médecine de catastrophe, explique un médecin du service de réanimation de la clinique. Il s’agit surtout de soulager les hôpitaux publics. C'est de la médecine d’urgence, c'est notre devoir."
 
Jeudi 19 mars, une équipe de France 3 Lorraine a pu exceptionnellement rentrer dans le service de réanimation du CHRU. Ce que l'on remarque tout de suite c'est la technique d'habillage pour les médecins et les infirmières qui est très lourde. Tout d'abord il faut être à l'isolement. Et ensuite s'habiller avec des blouses et des sur-blouses. "Elle tiennent très chaud". Et le professeur Lévy explique que : "les malades du coronavirus restent plus longtemps en réanimation. En moyenne, la durée varie de quatre à dix jours. Pour un malade du Covid-19 elle peut aller jusqu’à trois semaines." 
Sans oublier que d’autres malades arrivent aux urgences et ont également besoin de ces lits de réanimation. Ceux qui sont touchés par d'autres pathologies: infarctus, AVC, péritonite... 

Nous sommes dépassés par les évènements
Un médecin des urgences de Muhouse

La région Grand Est zone à risque

Déjà la semaine dernière, dans des mails, que nous avons pu lire, les chefs des services des urgences du Haut-Rhin, Mulhouse et Colmar tiraient la sonnette d'alarme. On peut lire : "Depuis 3 jours nous sommes submergés aux urgences par un flux incessant de  patients. L’établissement (Emile Muller, Mulhouse) est quasi à bout des moyens qu’il peut déployer""Les lits de réanimation de la région sont saturés, et impossible de trouver des respirateurs pour ouvrir de nouveau postes de réa""Les équipes commencent à s’épuiser, avec un absentéisme qui grandit lié à des cas positifs chez les soignants"

L'hôpital de Metz-Thionville a déjà basculé du mauvais côté 
-François Braun, médecin chef du pôle urgences

Selon les simulations des épidémiologistes, le pic de l'épidémie n'est pas encore atteint en Alsace. Normalement en début de semaine prochaine. Et risque d'arriver ensuite en Lorraine. "On n’est pas encore dans la vague en Lorraine, mais nous avons déjà des cas de décompensation très lourd", dit François Braun, médecin, chef du pôle urgences du CHR Metz-Thionville. "Mais c'est en train de devenir compliqué". Depuis un mois, François Braun enchaîne les réunions en cellule de crise les unes après les autres, jour après jour, pour essayer de trouver des solutions. "En fait nous n'avons aucune idée de l'intensité de ce qui risque de nous arriver. Nous n'avons jamais vu ça".

En réalité, les hôpitaux se préparent à la "priorisation"de l’accès aux soins en cas de saturation des services". Il y a quelques jours le Pr Jean-Michel Constantin, médecin-réanimateur à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière déclarait à France 3 Lorraine : "Mon intime conviction est que l'on va sortir de cette cette crise. Mais l'hôpital sera à genoux". Et le directeur de l'hôpital de Nancy, Bernard Dupont, ajoute "il faudra tirer les leçons de cette épidémie. Il y aura un avant et un après". En attentant en Lorraine, comme partout en France, un médecin n'hésite pas à dire que "les hôpitaux se préparent au pire"

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